Le Prince de la Maison de David- Lettre 6

Lettre VI

Mon cher père

Santé et paix à toi et à tous mes amis honorés et bien-aimés à Alexandrie. J’ai de nouveau vu l’excellent Ben Israël, avec qui il y a quatre mois je vins d’Egypte pour séjourner à Jérusalem. Il ne me donna pas seulement tes lettres, avec des cadeaux appropriés que tu envoyas gentiment par lui, mais également m’assura de ton bien être dans toutes choses. Il est à présent absent pour Damas où il se rendit aussitôt après son arrivée ici, dans le but d’acheter les célèbres lames syriennes de cette ville, qui lui procurent un grand profit en Egypte, avec d’autres marchandises. Il m’assure qu’il gagne beaucoup de richesses par ses caravanes de commerce, ce à quoi je me réjouis, car il est un homme aimable et digne. Ses prières pour que je retourne à Alexandrie avec lui auraient presque vaincu ma résolution de rester ici, mais pour l’ordre que tu m’as donné de profiter des privilèges particuliers qu’offre Jérusalem pour améliorer l’esprit ; et même si ce n’était pas le cas, je suis profondément intéressée par l’issue de la grande attente d’Israël. Ta lettre, cher père, m’ordonne de bannir cette « nouveauté » de mon esprit, et de continuer humblement à adorer Jéhovah selon la manière de nos pères. J’ai confiance que je le ferai toujours, mon cher père ; et découvrirai-je dans ce prophète une quelconque disposition pour apporter une nouvelle foi, opposée à l’ancienne foi d’Abraham, que je tremblerai de l’entretenir un moment.

Tu dis que cet homme doit être « un faux et vil prophète » sinon il n’annoncerait pas un maître si bas et si méprisé que sera le Christ à qui il professe rendre témoignage. « Il y a eu plusieurs faux christs et faux prophètes, mon enfant » ajoutes-tu « et Israël a couru après eux, comme ils courent maintenant après ce Jean du Jourdain, et le résultat a été qu’ils ont péri dans le désert ou ont été mis en pièces, avec leur imposteur, par la jalousie des gouverneurs romains, qui considéraient de telles assemblées comme séditieuses. Tiens ferme, mon enfant, la religion de nos pères, et ne sois pas emportée ailleurs comme je crains que tu es en danger de l’être, par ce sauvage prédicateur de la repentance. Le royaume du Messie n’est pas un royaume de repentance et d’humiliation mais de victoire, de gloire et d’autorité. Concernant ces prophéties d’humilité et d’humiliation que ce prophète du Jourdain applique au Messie, elles n’ont aucune application au Schilo et Prince que nous attendons. Elles s’appliquent à un certain prophète moindre qui va être le précurseur du vrai Christ (qu’il aura un précurseur, les Ecritures en parlent si clairement pour douter) ou, comme certains disent et croient, spécialement les pharisiens, il doit y avoir deux Messies (( Un qui viendra dans l’humiliation et la souffrance chez les Gentils comme un sacrifice pour l’expiation de leurs péchés et Un qui viendra à nous en puissance majestueuse, dans des circonstances de gloire et de splendeur, telles qu’un potentat n’a jamais manifesté, et qui fera de Jérusalem le métropole du globe, et les rois de la terre rendront hommage à ses pieds. Tel est notre Messie que l’Eternel des armées nous envoie rapidement, pour relever Juda de la poussière de son humiliation! Si l’humble personne que ce prophète du désert annonce est un Messie, il est celui pour l’expiation des Gentils uniquement, dont les grandes iniquités nécessitent la propre immolation et humiliation de celui qui vient de Dieu ; mais il n’est pas un Messie pour Israël, ni le puissant Prince qui va s’asseoir dans le siège de David, sur le trône de Sion. Par conséquent, mon enfant, en tant que fille d’Israël, tu n’as aucun intérêt dans cette nouveauté qui sort du désert et après laquelle la moitié du pays est devenue folle. Attends, sois patiente! Le jour de la gloire d’Israël va réellement se lever et briller, et toutes les nations le verront et se réjouiront. Ne pense plus à ce que ton cousin t’a dit. Quand le Messie vient, Il sera annoncé par une personne plus glorieuse et plus éminente qu’un jeune homme de trente ans, vêtu de peaux, ayant pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage, dont l’origine et l’autorité ne sont connues d’aucun homme. Croyant que ton bon sens et ton jugement sain, mon Adina, vont tout de suite te conduire à adopter mon avis, je ne vais pas les pousser plus loin comme si sérieusement je craignais ta défection de la maison de tes pères, événement qui enverrait avec chagrin mes cheveux gris dans la tombe. Je crois que ce prophète ne prêche que lui-même, et sous la mystérieuse et trompeuse notion d’un autre qui vient après lui, n’est réunie qu’une foule dans l’expectative autour de lui pour la manier comme des instruments pour ses propres desseins ambitieux ; et au moment où tu m’écrira de nouveau, je m’attends à apprendre de toi qu’il se proclame ouvertement le Christ, après tout ; ou qu’il sera détruit, avec tous ceux qui sont conduits par lui, par les épées des légions romaines. »

Comment puis-je t’écrire, mon cher père, ce qui se rue en ce moment sur ma plume, après une telle expression de tes sentiments comme tu l’as fait dans cet extrait de ta lettre? Mais je sais que tu es sage, et n’éluderas pas la vérité, en quelque forme qu’elle s’offrira à toi, et par conséquent, avec confiance dans ta justice et ta sagesse, je vais fidèlement te faire connaître les événements relatifs au prophète, qui ont transpiré et qui peuvent se produire en Judée pendant mon séjour ici. Suis-moi toujours avec bonne foi et juge sans partialité ; car c’est sans doute un jour de merveilleuses révélations. J’imagine que je peux maintenant voir ta mine assombrie, et que tu dis « assez de ceci. Devons-nous avoir plus de ce nouveau prophète? » Oui, mon cher père, plus encore, et plus extraordinaires sont les faits que je suis sur le point de raconter et que je n’ai encore écrits, car certains des prêtres même du Temple sont devenus des croyants du jeune voyant.

Tu te rappelleras comment Jean, le cousin de Marie, déclara que plusieurs prêtres et autres furent offensés par la prédication claire du prophète qu’ils allèrent voir au désert. Quand ils retournèrent à Jérusalem, et firent connaître aux autres membres de la maison des prêtres ce qui avait été dit contre eux, par l’application à eux des paroles d’Esaïe et Jérémie, et d’autres prophètes, il s’éleva soudain une vive protestation contre lui. Plusieurs lévites oublièrent même leurs tâches dans le Temple, en tenant des discours avec des Scribes et Pharisiens, et d’autres dans les rues, dans les arcs des portes, et dans les marchés, concernant ce nouveau prophète et ses intrépides dénonciations contre eux ; étant les plus peinés par elles car ils l’étaient, hélas! Mais aussi bien mérité à cause de la lâcheté de leurs vies. A la fin Anne, qui est souverain sacrificateur avec Caïphe, envoya deux hommes les plus instruits du Temple, lévites influents, pour inviter le prophète à Jérusalem ; car Anne est un sage et n’est pas facilement excité par le sentiment populaire ; et comme l’a dit Rabbi Amos, il est disposé à examiner la prédication de Jean, car tel est son nom, avec un œil sérieux et révérenciel. Les messagers retournèrent après le cinquième jour et firent leur rapport ouvertement dans la cour du Temple, où le souverain sacrificateur s’assit pour les recevoir, s’attendant à voir le prophète en leur compagnie.

A la fin, l’assemblée étant convenu, les deux instruits et vénérables lévites se levèrent et déclarèrent qu’ils avaient délivré le message à Jean, le fils de Zacharie, le prophète du Jourdain et que sa réponse fut donnée avec la révérence due au rang de souverain sacrificateur qui les avait envoyés à lui ;

« Allez et dites au noble souverain sacrificateur, » dit-il « que je suis la voix de celui qui crie dans le désert, comme il est écrit dans le livre des paroles d’Esaïe le prophète qui, ayant vu à l’avance mon jour, dit ‘la voix de celui qui crie dans ce désert, préparez la voie du Seigneur, faites son chemin droit’. Toute chair va soudain voir le salut de Dieu. Ma commission est de n’entrer ni dans la ville ni au Temple, ni dans une quelconque maison d’Israël. Celui qui voudrait écouter mon témoignage à Celui qui doit venir après moi, qu’il me cherche dans le désert, où uniquement je suis ordonné d’élever ma voix jusqu’à ce que le Schilo vienne. »

Quand les prêtres entendirent cette réponse, ils furent très en colère, et beaucoup crièrent violemment une chose et beaucoup une autre ; certains qu’il devrait être recherché et lapidé à mort pour avoir défié le souverain sacrificateur (ce qu’il ne fit pas, cher père, étant donné que c’était pour lui d’obéir à Dieu plutôt qu’à l’homme) ; d’autres qu’il devrait être accusé au Procurateur, Ponce Pilate, gouverneur de Judée, comme une séditieuse et dangereuse personne et un fomenteur d’insurrection. Caïphe était de cette dernière opinion et écrivit, de son tribunal, une épître au dirigeant romain, faisant l’accusation ci-dessus contre le prophète du désert, et lui recommandant de mettre sa personne en sécurité, de peur que davantage de mal ne lui arrive. Il ajouta que Tibère César, apprenant cela, le concevrait comme étant un mouvement de toute la nation juive, désireuse de chasser l’autorité romaine, sous un nouveau chef, et ainsi amènerait une armée contre le pays pour le détruire complètement. Mais le modéré Anne envisagea toute la question dans une différente lumière et dit ;

« Hommes et frères, que rien ne soit fait précipitamment. Si cet homme est un faux prophète, il va bientôt périr et nous ne l’entendrons plus. Si par aventure, comme il pourrait apparaître, il est envoyé de Dieu, ne nous précipitons de lui faire du mal de peur que nous ne soyons trouvés contestant avec l’Eternel des armées. »

Cette modération ne trouva la faveur que de peu, au nombre desquels était Rabbi Amos. Mais si les prêtres qui remplissaient la cour extérieure, en présence du souverain sacrificateur, avaient été profondément émus par le compte-rendu de la réponse du prophète, leur excitation devint quasi incontrôlable quand à la fois Melchi et Heli, leurs messagers, se levèrent, agitant leurs mains pour obtenir le silence, et déclarèrent que après avoir écouté le prophète auprès de qui ils avaient été envoyés, ils furent convaincus de la vérité de ses paroles et de sa divine commission, et furent baptisés par lui dans le Jourdain, confessant leurs péchés!

Seule la sainteté du Temple empêcha les cinq cents prêtres de se précipiter sur eux et de les battre quand ils entendirent ceci. Ils furent aussitôt arrêtés sur ordre du Souverain Sacrificateur Caïphe, pour avoir agi d’une manière peu convenable à un prêtre du Dieu Très-Haut. « Car » dit-il « c’est dégrader le Temple aux pieds d’un imposteur errant et c’est reconnaître ouvertement que la vertu a quitté l’adoration de Sion et doit être recherchée dans les déserts du Jourdain. Qui » cria-t-il fort « qui, hommes d’Israël, est le plus grand, l’autel du Seigneur, ou les eaux du Jourdain? Le prêtre du Très-Haut, ou lui du désert? Emmenez ces blasphémateurs déloyaux, pour être éprouvés et jugés selon nos lois sacrées. » Là-dessus, les gens qui avaient entendu Jean prêcher ne furent empêchés de secourir les deux prêtres que par la présence d’une garde des soldats romains que Caïphe envoya chercher promptement.

De ce récit, cher père, tu peux former une certaine idée de l’excitation que la prédication de ce nouveau prophète produit parmi toutes les classes. Les gens les plus pauvres sont ses avocats et les riches et les dirigeants, les prêtres et les grands hommes de la nation, s’opposent à lui, sauf quelques uns parmi les meilleurs et les sages. De ceux-ci est Rabbi Amos, qui est occupé tout le temps qu’il n’a pas de travail au Temple, à sonder les Ecritures pour voir si ces choses sont ainsi ; et à chaque prophétie qu’il lit, il est de plus en plus convaincu que le jour du Messie est proche, et que ce prophète est, sans doute celui qui devait être envoyé de Dieu ‘dans l’esprit et la puissance d’Elie’ pour préparer le chemin devant Lui.

Chaque soir sont assemblés à notre maison douze à dix-huit chefs des Juifs, qui souvent passent la moitié de la nuit dans de chaudes discussions sur ces grandes choses ; ceux parmi eux qui ont entendu Jean étant disposés à lui donner ce haut rang qu’il revendique, comme le précurseur de Schilo. Parmi ceux-ci est Etienne, un homme dont le père fut Souverain sacrificateur, et qui est lui-même homme de la loi et un étudiant de grande réputation. Il n’a pas encore entendu Jean le prophète, mais il dit ouvertement la nuit dernière que après le plus attentif examen de tous les prophètes, il était fermement de l’opinion que l’accomplissement de leurs prophéties était proche ; et que pour sa part, il voulait saluer le prophète du Jourdain comme le vrai messager du Messie. Là-dessus, les deux tiers de la compagnie dirent la même chose, mais les autres doutèrent et mirent en garde le reste de ne pas être trop téméraires ; qu’il était temps assez de croire au Messie quand Lui-même allait venir en personne.

Telle est, mon cher père, la présente condition de l’esprit du peuple de Jérusalem. Si le Prince de Gloire devrait vraiment apparaître soudainement, il pourrait à peine y avoir plus d’excitation, quoique elle serait d’une nature différente. C’est quelque chose de sublime de voir un jeune homme, qui demeure seul dans le désert, pauvre et inconnu, émouvoir ainsi le grand cœur de la nation ; sûrement, son pouvoir doit être dérivé de Dieu. Tu me demandes, et telle est la question constamment posée par les Scribes, et les Pharisiens, et les Prêtres aux disciples de Jean : « Fait-il des miracles? Montrez-moi un miracle et je croirai en lui ; car c’est l’unique test de la divine commission d’un vrai prophète. »

Non, cher père, il n’a fait aucun miracle, si ce n’est un permanent miracle par lequel il garde dans le désert une foule croissant journellement, déversée par les portes de presque toutes les villes de Juda, écoutant ses paroles et inclinant leurs têtes aux eaux sacrées de son baptême de repentance.

Comme la semaine prochaine Rabbi Amos n’est pas de service au Temple et comme il aura certaines affaires qui vont le conduire à Guilgal, où il a trois champs maintenant mûrs pour la faucille, il a accédé au désir de sa fille Marie et au mien de l’accompagner ; car il ne nous cache pas qu’il en fait l’occasion de visiter et écouter le prophète, étant donné que ça ne fera que deux heures de voyage de Guilgal à l’endroit où il prêche. Tu vas, je le crains, objecter contre ce voyage. Mais si l’adoration de nos pères n’a rien à craindre de la fausseté, elle n’a sûrement rien à craindre de la vérité ; et dans les deux cas, moi, en tant que véritable fille d’Israël, n’ai rien à craindre. Si le prophète enseigne ce qui est faux, je resterai vraie et s’il enseigne ce qui est vrai, ne serai-je pas gagnante? Je t’entends dire que ceci n’est qu’un faible argument de femme. Mais comme tu m’as donné le crédit, plus d’une fois, en déclarant que tu crois que je suis assez âgée et assez sage pour juger moi-même dans la plupart de sujets, je demande que tu me laisses écouter le prophète de mes propres oreilles dans le but de décider si je dois tenir compte de ses prédications, ou les rejeter comme étant des visions d’un rêveur. Une chose est claire (( si le Christ que Jean annonce est le vrai Fils du Très-Haut, et doit en réalité faire son apparition bientôt, dans l’humiliation et la pauvreté, son rejet par les Souverains Sacrificateurs, et par les riches et les puissants de Juda, est certain. Puisse Dieu, alors, ôter l’aveuglement de leurs yeux de sorte que, si c’est réellement le vrai Messie, Israël reconnaisse son roi quand Il vient, et ne fasse pas, dans son orgueil, une si effrayante chose telle que Le rejeter ouvertement. Dans ce cas, qui se tiendra entre Dieu et notre infortunée race? Par conséquent, mon cher père, il est nécessaire que chaque homme en Israël examine ce sujet avec un esprit sobre et humble et agisse avec prudence dans l’opposition à ce qui peut éprouver l’espérance la plus chère de notre peuple. Quand je serai rentrée du désert, vers où nous devons voyager avec des litières et des mules, je t’écrirai tout ce que j’aurai entendu.

Tu te rappelleras le jeune Centurion romain, à la courtoisie duquel je suis redevable d’avoir été secourue de la rudesse de deux soldats gentils. Il a préservé, depuis ce temps là, la connaissance avec Rabbi Amos, qui parle de lui avec respect ; et comme il a récemment exprimé un certain intérêt à connaître quelles sont les études qui occupent constamment le Rabbi quand il appelle pour le voir, ce qu’il a fait fréquemment, une copie de prophète lui fut donnée ; mais comme il professa qu’il n’était pas assez érudit pour lire l’hébreu, le bon Rabbi, qui croyait voir en lui un converti à la foi de Juda, appela Marie pour lire et interpréter pour lui. Mais sa connaissance de la langue romaine ne s’avéra pas suffisante ; et à sa demande, le Rabbi me fit chercher pour venir dans le hall en marbre du corridor, où ils étaient assis à côté de la fontaine, sous l’ombre de l’acacia que, dit Amos, tu pris de tes propres mains de la tombe d’Esaïe et plantas ici il y a plusieurs années, et que j’appelle par conséquent « l’arbre de mon père. »

« Viens ici, Adina, » dit mon oncle dans son ton bienveillant « ici tu vois un noble jeune romain à qui tu dois être si reconnaissante pour l’oublier. » Je m’inclinai et levai à peine mes paupières du parquet en mosaïque ; car il y avait dans le regard de l’élégant jeune homme un feu que mes yeux ne pouvaient affronter. Il dit quelques paroles de salutation ; mais j’entendis seulement la voix, qui tomba sur mon cœur avec une étrange vibration, semblable aux effets de la musique. Sûrement ces barbares d’Italie ont la plus riche langue de tous les hommes ; comparé à elle, notre hébreu est rude et étrangement guttural. « Le Centurion romain » poursuivit Amos « a désiré connaître quelque chose des livres sacrés de notre nation, desquels il dit avoir beaucoup entendu ; et des prophéties desquelles il croit que les célèbres livres sibyllines étaient composés. »

« J’ai étudié les livres sacrés de l’Etrurie, de la Gaule, et ceux des Goths et des Druides, d’Egypte, et de Perse, aussi bien que de mon peuple » dit le Centurion modestement « mais dans tous je trouve des rites et cérémonies, doctrines et lois, qui sont indignes d’émaner du suprême Jupiter d’un si vaste univers. Nous, romains, dans la multiplicité de nos dieux, en déifiant chaque chose, en réalité ne déifions rien! Nous appelons chaque chose dieu, mais nous ne voyons dieu nulle part. »

« Ainsi tu as bien dirigé tes investigations concernant ce livre » répondit Amos avec chaleur, et regardant le romain avec une compassion respectueuse. « Ici doit être trouvé la vraie et unique révélation de Jéhovah aux hommes. Ici est développé un caractère divin digne du Créateur de l’univers. Ici sont consignés les lois et cérémonies, rites et doctrines, commandements et préceptes, qui sont dignes d’émaner du Père et Dieu de tous les hommes. Tu entendras et jugeras de toi-même. Je ne suis qu’imparfaitement habile dans la langue romaine, sauf pour les rapports journaliers ; mais voici une jeune fille égyptienne, qui peut interpréter pour toi dans l’idiome de Grèce, ou d’Italie, et je vais placer le rouleau sacré dans ses mains pendant que j’écoute. Viens, Adina, ouvre et lis le commencement du livre de Moïse. »

J’obéis, comme j’aurai obéi à toi, cher père ; et assise aux pieds d’Amos, je lis et traduisis à haute voix en grec, que le jeune romain avait dit être plus familier pour lui que sa langue maternelle (comme c’est le cas pour toutes les personnes éduquées dans le monde), les cinq cents premières lignes. Elles donnent comme tu le sais, le récit de la création du monde, et de l’homme, de sa chute, et son expulsion du Paradis ; de la promesse du Messie pour restaurer ce qui avait été perdu ; de la malédiction dénoncée sur la création, et de la mort du patriarche Abel, avec le peuplement de la terre, sa méchanceté et sa destruction par le déluge.

Le jeune guerrier écouta tout ce récit avec un profond respect et attention ; et quand il m’eut remercié et demandé la permission de revenir pour être enseigné davantage des pages qui, dit-il, semblaient vraiment avoir été écrites avec le doigt du Seigneur suprême de l’univers, il demanda si le Messie qui devait restaurer toute chose était déjà venu. Sinon quand devrait-il être attendu? Cette question dirigea la conversation sur la prédication de Jean dans le désert et ses prédictions de la venue proche de Schilo. Rabbi Amos, voyant qu’il s’intéressait profondément au sujet, me fit tourner aux prophéties particulières de Daniel, Esaïe, David et autres et je les lui lis ; à la fois celles qui décrivaient, en des paroles très favorables, la gloire et l’autorité de son pouvoir, et celles qui le représentaient comme méprisé et rejeté. Après que j’aie lu tout ce que le Rabbi me conduisit à lire, le jeune homme resta pendant un certain temps très pensif. A la fin, il dit avec animation : « je peux maintenant comprendre pourquoi les hommes courent au désert. Je voudrais écouter ce prophète. »

Quand Amos lui dit qu’il projetait un voyage pour Guilgal la semaine prochaine, et avait l’intention de visiter le désert pour l’écouter, il demanda aussitôt la permission d’être de sa compagnie ; mais quand je fis remarquer que Marie et moi devions aussi aller, ses yeux sombres brillèrent de plaisir et il dit immédiatement :

« Je vous accompagnerai avec un escadron de cavaliers, étant donné que les routes ne sont pas sûres ; car pas plus tard qu’hier une rumeur nous parvint selon laquelle le célèbre principal voleur Barrabas, à la tête d’une importante bande, avait de nouveau fait son apparition dans les collines entre Ephraïm et Jéricho, et volé non seulement deux caravanes, mais à plusieurs de ceux qui voyageaient pour écouter ce prophète. Je ferai une expédition contre lui, après vous avoir vu en sécurité à Jéricho. »

Après que nous eûmes appris de ce voleur, nous n’étions pas disposés à décliner notre voyage ; mais Rabbi Amos remercia le romain et dit qu’il accepterait avec joie son escorte « vu » ajouta-t-il souriant, « que je sais que vous cavaliers romains ici dans la garnison avez seulement peu de temps à dépenser, et j’estime que c’est un privilège d’avoir une excursion de ce genre. De plus, tu dis que tu dois aller contre ce bandit. Aussi nous n’allons pas tant tirer profit de ta courtoisie que prendre abri sous ton devoir. »

Il est par conséquent décidé, cher père, que nous quittons tôt la semaine prochaine pour Jéricho et Guilgal, et irons aussi au désert voir et écouter ce prophète. A mon retour, je ne manquerai pas de t’écrire sans délai. D’ici là, retiens ton jugement et aies confiance dans le mien. Avec de saintes aspirations pour la venue du royaume de David, et la restauration de son trône en Sion, je reste, avec l’amour filial, ta fille,

Adina.