Le Prince de la Maison de David- Lettre 7

Lettre VII

Mon cher père,

Mes doigts tremblants tiennent à peine le léger roseau avec lequel je suis sur le point de t’écrire concernant les choses extraordinaires que j’ai vues et entendues ; mais ils tremblent seulement de joie. Oh, mon père, mon cher, cher père, le Messie est venu! Je L’ai vu! J’ai entendu Sa voix! Il est vraiment venu! Oh, joie, joie! Mes yeux ont vu Celui au sujet duquel Moïse et les prophètes ont écrit. Mais laisse-moi ne pas anticiper. Pour que tu croies comme moi je crois, quoique tu ne L’aies pas vu, je vais te faire un compte rendu de ces événements qui sont arrivés depuis ma dernière lettre qui te fut envoyée. Je vais essayer d’écrire sans émotion, et garder mon cœur bondissant de joie, tranquille, et ma main calme pendant que je mets en ordre tout ce qui s’est produit, afin que ton entendement le juge avec cette sincérité et cette sagesse qui font que les hommes voient en toi l’Israélite le plus sage dans tout le pays d’Egypte.

Tu te rappelleras que dans ma dernière épître, envoyée par la caravane de Caire, je mentionnai que Rabbi Amos, profitant des vacances dans sa charge au Temple, le cours du vénérable Elihud attendant maintenant sur l’autel, se décida de faire sa visite annuelle aux champs de blé qu’il a en charge près de Jéricho et qui, comme tu le sais, ne sont pas ses propres terres, mais lui ont été confiés pour les héritiers du brave soldat Manassé, de la tribu de Benjamin, tué en essayant de secourir Jéricho contre les Romains. Rabbi Amos également était curieux d’entendre Jean du Jourdain, ainsi est-il appelé, dont la renommée s’est répandue partout. A la demande de Marie et de moi-même, il consentit à ce que nous l’accompagnions. Jean, le jeune homme qui est fiancé à ma cousine, parti pour la mer de Galilée voir certaines barques qui y étaient à la charge de son frère Jacques et de son père, devait nous rencontrer à Guilgal et nous accompagner au Jourdain. Car il ne pense et ne parle maintenant de rien si ce n’est du prophète du désert pour qui il sent qu’il souffre une grande perte d’être absent même un jour.

La route de Jérusalem à Jéricho était récemment devenue dangereuse suite à l’intrépidité d’un chef insurrectionnel appelé Barabbas, qui il y a une année se souleva contre les Romains, mais fut battu et sa bande dispersée dans les montagnes du sud de la mer de Sodome ; mais à la fin, poussé à la famine, il s’est mis à voler les caravanes ; et depuis que le nombre de voyageurs a tant accru entre Jérusalem et le Jourdain pour entendre Jean prêcher et être baptisé de lui, il est tombé sur une grande partie d’eux et leur a pris tous leurs biens et leur argent. Compte tenu de ceci, Rabbi Amos accepta la courtoise offre d’escorte du jeune Centurion, qui avait été ordonné par le Procurateur, Ponce Pilate, de garder la route ouverte entre Jérusalem et Jéricho. Car même les messagers romains avaient été stoppés par cet intrépide voleur et certains d’entre eux tués par lui. L’amour propre de Rabbi Amos fondit suite à cette dépendance sur une armée romaine, en faisant un voyage paisible à travers son propre pays ; mais il n’y a, hélas! cher père, personne parmi la semence d’Abraham pour revendiquer nos droits naturels. Nous pouvons seulement incliner nos têtes sous ce joug que le Seigneur Dieu a placé sur nos cous.

Il était presque l’aube quand nous nous levâmes de nos couches pour préparer le voyage. Les mules sur lesquelles nous devions voyager furent emmenées dans la cour par les deux basanés serfs Gibeonites, que Rabbi Amos a à son service, et furent ornées avec de riches selles couvertes des vêtements perses, brodés avec de l’or. Les deux colis de mule furent aussi apprêtés, sur celle où était l’équipage de ma cousine Marie et moi-même qui, dit Rabbi Amos en souriant, prit plus d’espace que les biens et les marchandises de voyage d’un marchand de Damas. Au lever du soleil après nous être agenouillés au sommet de la maison, en vue du Temple, et avoir envoyé nos prières avec leurs sacrifices et nuages d’encens montant, nous descendîmes dans la cour pour monter pour la route. Il y avait une mule forte pour le bon Rabbi Amos, quoique le Centurion lui ait envoyé un cheval perse pour monter. Mais mon oncle dit qu’il n’avait jamais dans sa jeunesse eu confiance en un animal aussi incertain qu’un cheval, et pensa qu’il pouvait à peine tenter un tel exploit alors qu’il était âgé ; aussi préféra-t-il sa mule.

Nous étant assises sur nos selles bourrées des coussins, et nos voiles prêts pour couvrir nos faces, nous attendions à tout moment l’arrivée du Centurion et sa cohorte de chevaux ; mais un esclave Numidien vint en courant et, s’inclinant devant Rabbi Amos, il dit que le Centurion allait nous rencontrer à l’angle de deux chemins, au-delà des murs, près de Béthanie. Sur ce, nous montâmes tous et prîmes le chemin vers la Porte Est, que Pilate a récemment réparée et nommée la Porte César. Nous étions en tout cinq personnes, Rabbi Amos, ma cousine Marie et moi-même, et deux gibeonites, tous deux jeunes, dont les pères avaient été pendant plusieurs siècles serviteurs dans la famille d’Amos, même depuis le temps de Josué, quand ce peuple le trompa par sa ruse et fut condamné à la servitude perpétuelle. Je suis très frappée par l’apparence de cette race remarquable des hommes. Ils ont une face très sombre, un nez comme le bec d’aigle, de brillants yeux noirs, ils sont minces et agiles. Ils ont l’air rusé et perfide mais semblent être lâches et facilement contrôlés par la fermeté. Ils sont incapables d’un quelconque attachement et la gratitude semble avoir été retirée d’eux. J’appris une singulière tradition à leur sujet d’un des Lévites qui visitent souvent Rabbi Amos, disant qu’ils sont des descendants des serviteurs de Noé, qui furent sauvés avec lui dans l’arche mais qui, étant des êtres de rang inférieur, ne furent pas inclus dans la liste de la famille de Noé. Mais sans doute as-tu entendu la même futile tradition.

Le matin était brillant et gai, avec un soleil doré déversant ses rayons sur temple et tour, château et toit, mur et rempart, colline et bosquet, vallée et ruisseau, un et tout de ce qui était illuminé par la gloire de ses rayons matinaux. Au moment où nous tournions dans la rue conduisant à la Porte de Brebis, nous passâmes devant la maison de Caïphe, le Souverain Sacrificateur, que je vis debout sur le porche en marbre de son superbe palais. Il ne s’était pas paré de ses somptueuses robes, avec le pectoral des pierres éblouissantes, et casquette, bonnet royal, tel que je l’avais vu dans le Temple. Mais il était vêtu d’une robe noire tombante sur laquelle était jetée une écharpe de lin blanc et portait sur ses cheveux blancs comme neige un capuchon écarlate, tenue commune à tous les prêtres, si bien que si je ne l’avais pas reconnu par sa grande taille et son aspect dominant, et ses cheveux blancs tombant et ses yeux perçants au moment où il nous regarda, je n’aurais pas su que c’était le Souverain Sacrificateur. Il parla à Rabbi Amos, qui lui fit révérence, et j’inclinai simplement ma propre tête devant la majesté du représentant de Dieu sur la terre.

Un peu plus loin, nous rencontrâmes un groupe venant du pays au-delà de Kedron, avec de larges cages sur leurs mules, remplies des tourterelles et de jeunes pigeons, qu’ils apportaient au Temple pour être vendus pour le sacrifice. Mon cœur eut pitié de ces choses innocentes dont les têtes bleues et jolies passaient par douzaine à travers les rudes barres de leur prison-cage au moment où ils posèrent leurs doux yeux sur moi, comme s’ils me demandaient de les délivrer de leur servitude. Et quand je pensai qu’ils devaient offrir leur vie innocente pour les péchés des hommes et femmes d’Israël, mes joues rougirent de honte du fait que nous étions si coupables devant le Seigneur Dieu, que l’innocent devait mourir pour nous. Alors que Marie trottait derrière moi, en vue de laisser passer les mules chargées de leurs immenses cages, l’une des tourterelles, effrayée par le bruit des rues, s’extirpa entre les barres et, déployant ses ailes, vola dans l’air et ensuite prenant son envol pour le pays, s’éleva loin au-dessus des murs de la ville et le haut sommet de l’octogonale tour de Psephinos et disparut au loin. J’éprouvai de la joie à la fuite de l’innocent oiseau et envoyai mes meilleurs vœux pour son retour en sécurité à sa loge dans le désert. Juste avant d’atteindre la Porte de Brebis, par laquelle nous devions gagner la route de Jéricho, nous rencontrâmes un pauvre aveugle conduisant un agneau, ou plutôt conduit par un agneau apprivoisé. Il avait également deux pigeons en son sein. Il lui fut demandé par Rabbi Amos, qui le connaissait, où il allait. Il répondit qu’il allait au Temple pour les donner en sacrifice. « Non » dit Amos avec surprise, « tu ne vas pas sacrifier ton agneau, Barthimée! »

« Je les ai promis à Dieu, Rabbi Amos, et je ne pourrais briser ma promesse sans pécher. »

« Mais ton agneau te conduit partout. Il te sert des yeux. Tu ne peux rien sans lui. »

« Dieu va me procurer un autre agneau » répondit-il, sa face brillant d’espérance.

« Mais tes colombes? Tu gagnes grâce à elles plusieurs sommes d’argent par jour. Elles sont bien enseignées dans la ruse et de plaisantes astuces pour amuser les enfants. Si tu dois faire un sacrifice selon ton vœu, épargne celles-ci qui te sont nécessaires et voici de l’argent pour acheter des colombes et un autre agneau » répondit mon bienveillant oncle.

« Ecoute ce que j’ai à dire » répondit Barthimée. « Mon père tomba malade et fut sur le point de mourir et je fis un vœu à Dieu que s’Il guérissait le vieil homme, mon père, j’allais lui sacrifier l’une de mes colombes. Le jour suivant ma mère, qui m’a nourri pendant mon enfance et m’a aimé de tout son cœur, quoique je sois né aveugle, fut aussi frappée par la maladie. Alors je fis le vœu d’un pigeon pour ma mère. La même nuit, ma petite fille aveugle dont je n’ai jamais vu la face et qui n’a jamais vu la face de son père, fut malade près de la mort. C’est ainsi que je fis le vœu de tout ce qui me restait, même de mon agneau intime, que j’aime après mon enfant. Mon père, ma mère, mon enfant sont restaurés et dans ma joie, je suis en chemin pour le Temple pour offrir à Dieu ces dons. Il sera difficile, Monsieur, que je n’accomplisse pas mon vœu. Ce sera pénible de me séparer d’eux, ils vont tant me manquer ; mais Dieu ne laissera pas l’aveugle Barthimée souffrir, puisque Il verra qu’en offrant ses deux petites colombes et son agneau, il offre tout ce qu’il a. »

Par ces paroles, il s’en alla, l’agneau se soumettant à la corde qu’il tenait doucement, marchant devant ; pendant que je pouvais voir les yeux aveugles du vertueux fils et pieux père faire couler des larmes alors qu’il embrassait et embrassait encore les précieuses colombes qui étaient en son sein. Ce petit événement me rendit triste ; cependant, j’honorai la piété résolue de ce pauvre homme dont les yeux, quoique ne voyant pas les hommes, semblaient voir Dieu et sentir sa présence. Il y a encore une humble piété dans le pays, mon cher père, et trouvée non parmi les fiers et splendides prêtres, nous devons la chercher dans le cœur du pauvre et humble, comme Barthimée.

Ayant atteint la porte nous ne fûmes pas retenus par le capitaine romain qui garda les autres, examinant leurs passeports et faisant payer ceux qui n’en avaient pas. Car si les voyageurs à pieds peuvent entrer et sortir librement, cependant à ceux qui sont sur des chevaux ou des mules est exigé de l’argent, à moins qu’ils n’aient des laissez-passer signés par le Procurateur. Mais le capitaine de la porte, aussitôt qu’il nous vit, nous fit passer, avec grande civilité, à travers la porte avant les autres qui étaient prêts pour y passer, disant que le jeune Centurion, dont le nom, je pense ne pas te l’avoir dit, est Aemilius, lui avait donné des ordres afin de ne pas nous retenir. Les sévères soldats romains, couverts de fer, qui se tenaient près de la porte, me frappèrent par leur aspect et leurs formes comme pouvant conquérir le monde. Quand je pensai qu’il n’y avait aucune cité sur terre, n’ayant à ses portes des hommes comme ceux armés, habillés et barbus comme eux, je ne pus que respecter le pouvoir universel de l’empire romain pendant que je le craignais.

Une fois hors des portes, l’air frais souffla des monts des oliviers, chargé de senteur. Après avoir été longtemps confinée entre les murs et dans les rues étroites, il me sembla que je venais de m’évader de ma cage, comme la jolie tourterelle à la tête bleue, et je sentis comme si je volais aussi vers le désert libre. Si les ailes d’une colombe si ardemment désirées par le Roi David, pouvaient seulement m’être données!

A notre droite non loin de la porte, Rabbi Amos me montra la piscine de Bethesda, et tournant mes yeux vers elle, je vis un très touchant spectacle. Tous les cinq portiques étaient remplis des gens malades et impotents, le boiteux, l’aveugle et le flétri, attendant, comme mon oncle nous le dit, le mouvement des eaux ; car à certaines saisons, il dit que Dieu envoie un ange qui descend dans la piscine pour agiter l’eau. Celui qui y descendait le premier était guéri, quelle que fut sa maladie. Je ne pouvais que arrêter ma mule pour considérer un aussi remarquable spectacle que cette congrégation des gens misérables qui devaient être pas moins de quatre cents ; certains, pâles et décharnés, appuyés contre les colonnes ; certains se traînant presque sans aide, semblables à des bêtes, essayant de se rapprocher de la piscine, de laquelle les plus forts les repoussaient ; certains allongés patiemment sur leurs lits dans l’humble attente du temps de Dieu ; et d’autres portés sur les épaules des hommes.

Soudain, alors que j’étais sur le point de m’en aller, et me soustraire à cette vue douloureuse, l’une des plus extraordinaires scènes que les yeux humains aient pu voir se déroula. La surface de la piscine, qui était jusqu’ici parfaitement placide, devint agitée, comme si elle était en train de bouillir et commença à s’élever, s’emballer ou plutôt se mouvoir d’un côté à l’autre, d’une manière remarquable. Ceci était à peine vu qu’il s’éleva de la multitude de malheureux invalides qui peuplaient ses marches, un cri de quatre cents voix, soudain, cris de joie, cris d’étonnement, paroles d’exclamation. Au même moment, il y eut un mouvement simultané de toute la masse des corps humains, masse qui fut largement secouée, allant et venant, comme l’étaient les eaux. Ceux qui étaient les plus proches plongèrent follement dedans, pendant que ceux qui étaient derrière se précipitaient, certains criant furieusement dans leur hâte agonisante, certains émettant la plus effrayant des malédictions, leur chemin ayant été obstrué par l’impénétrable masse des gens qui étaient devant eux. Le plus faible et plus impotent, étant vif, et étant plus éloigné, fit un effort surhumain pour gagner la piscine, hurlant et grimpant avec ses mains et ses pieds par-dessus les dos des autres pour être projeté sur le lieu et y empiéter grâce à ceux qui étaient derrière eux.

Certains hommes forts qui essayaient d’ouvrir le chemin pour quelqu’un qu’ils portaient, tirèrent leurs couteaux et commencèrent à se frayer un passage à travers les malheureux, effarés et grimaçant, qui occupaient le chemin. Leur violence ayant été vue par les Romains, à partir de la porte, une vingtaine d’entre ceux-ci descendit avec des épées dégainées pour réprimer le tumulte. Car toute la piscine était dans le tumulte. Incapables de supporter la terrible scène, nous nous en allâmes rapidement. Mais j’appris plus tard que, avant que le calme ne soit restauré, plusieurs hommes furent tués et que cinq de ceux qui étaient descendus dans la piscine furent noyés sous les pieds des gens qui, avec insouciance, sautèrent dedans par-dessus les têtes des autres.
« Est-ce possible » demandai-je à Rabbi Amos, après que nous ayons atteint les limites de Kedron « que c’est l’œuvre d’un ange qui peut produire toute cette confusion et déclencher la plus mauvaise des passions humaines? »

« Il n’y a pas de doute que l’agitation des eaux est un miracle » répondit-il. « L’acte de l’ange est bon. Son contact donne un pouvoir guérissant à l’eau vis-à-vis des maladies ; et sa bienfaisance doit-elle être responsable des conséquences épouvantables et écoeurantes que nous venons de voir? »
Je restai silencieuse mais soupirais à cause de la méchanceté de l’homme qui peut, en recevant les dons de Dieu, les changer en mauvaises choses.

Nous tournâmes un peu à droite, hors de la grand-route ,car le pont par lequel on gagne habituellement la route de Jéricho étant solidement reconstruit par les Romains, nous devions longer le ruisseau jusqu’à arriver près de la colonne d’Absalom, à la vue de laquelle l’histoire entière de ce jeune prince peu judicieux vint devant moi. Combien étonnant pouvait avoir été l’instrument de sa mort ; cette tête aux cheveux d’or dont il fut vaniteux et dont les poètes de ces jours là parlèrent plus d’une fois! Comme nous avançâmes plus loin, il y eut en vue d’anciens chênes que le Rabbi nous dit être assez vieux pour être une partie de la vaste forêt dans laquelle Absalom chevaucha fatalement. Ils l’étaient sans doute. Il me montra un instant après, et à une certaine distance de Jérusalem, le trou dans lequel les dix jeunes hommes qui tuèrent Absalom le jetèrent, le couvrant de grosses pierres. Ce prince doit avoir été aussi brave qu’il fut beau et désobéissant au point que, pendant par ses cheveux aux chênes et incapable de leur causer un dommage, il aurait fallu « dix jeunes hommes pour l’assiéger et le frapper ». Ou c’est possible, comme le pense Rabbi Amos, que ces dix s’unirent pour recevoir ensemble le reproche devant le roi David, qu’aucun d’eux ne voulut affronter seul! Combien est intéressant pour moi chaque lieu relatif à Jérusalem! Il me semble vivre dans les jours anciens quand je vois les lieux où se sont déroulés les grands événements qui constituent l’histoire et la gloire de notre nation.

Nous avions à peine atteint l’endroit où les deux routes se croisent quand nous entendîmes vers l’ouest le bruit de la galopade d’un large corps des chevaux. L’instant suivant, le jeune Centurion romain vint en vue par le chemin venant de la Porte du Cheval, à la tête d’une troupe de chevaux dont l’apparence martiale, avec le tintement de leurs armes et la mélodie de leurs clairons, me fit tressaillir et je suis sûre que si je pouvais avoir vu mes yeux, j’aurais découvert en eux une lumière martiale. Aemilius paraissait comme un prince et son arme polie étincelait au soleil comme une arme de feu. A ses côtés était un jeune qui portait l’aigle de son groupe ; mais le Centurion lui-même portait dans sa main uniquement le badge de son rang, qui était une baguette de vigne limitée par des anneaux en or. Il nous salua avec cette courtoisie qui distingue chacun de ses gestes et divisa sa troupe en deux corps, la première moitié chevauchant en tête pour conduire la caravane et l’autre moitié suivant derrière pour servir d’arrière garde. Ensuite, il donna l’ordre d’avancer. Le Centurion lui-même chevauchait tantôt aux côtés de Rabbi Amos, tantôt près de notre bride, mais il ne s’occupa pas trop de nous pour ne pas oublier sa tâche de capitaine qu’il accomplit avec la plus grande vigilance.

Adieu, cher père, jusqu’à ma prochaine où je vais continuer mon récit des événements qui ont eu lieu depuis que j’ai quitté Jérusalem. Puisse le Dieu de notre père Abraham être ta défense et ton bouclier.

Ton affectueuse fille,
Adina