Le Prince de la Maison de David- Lettre 5

Lettre V

Mon cher père,

Quoique trois jours seulement se soient écoulés depuis que j’ai complété ma dernière lettre à ta destination, je suis si solliciteuse de ton jugement et de ton conseil sur les événements remarquables qui occupent maintenant l’esprit de tout Israël, que je ne peux me retenir de te donner le rapport supplémentaire des événements restants, liés à la visite du cousin de Marie, Jean, au divin prophète du Jourdain. Vu que ses paroles ont eu une profonde impression sur mon esprit et m’ont amenée à croire avec lui dans la vérité des paroles de ce prophète, il est convenable que tu saches avec moi tout ce qu’il m’a dit, et ce qui a influencé mes sentiments et opinions, afin que tu puisses juger du poids et de la valeur auxquels ce que j’ai entendu doit être estimé. Et sois assuré, cher père, que je suis prête à être guidée en toutes choses par ta sagesse et ton savoir. Ecoute, alors, avec ton habituelle bonté le reste de la narration du jeune homme.

« Après que le prophète eut terminé son second discours, et baptisé deux cents personnes en plus dans les eaux mousseuses du Jourdain » continua l’éloquent cousin de Marie « il les envoya à la ville pour se loger et acheter de la viande ; car peu, dans leur ardeur de l’écouter, avaient apporté des provisions avec eux. Beaucoup, avant de le quitter, s’approchèrent pour recevoir ses bénédictions d’amour. Et ce fut touchant de voir des hommes vénérables, avec des cheveux qui brillaient comme de l’argent, et appuyés sur un bâton, courber leurs têtes âgées devant le jeune Elie comme si ce fut en connaissance de sa commission divine. Des mères aussi apportèrent leurs enfants afin qu’il les bénisse ; et de jeunes hommes et jeunes filles s’agenouillèrent avec révérence à ses pieds, en larmes d’amour et de pénitence. Calmement, il se tint sur les rivages verts, semblable à un ange descendu sur terre, et les bénit en des paroles toutes nouvelles à nos oreilles, mais qui firent tressaillir nos cœurs avec une certaine puissance secrète qui nous agita avec une joie tremblante.

 » ‘Dans le Nom de l’Agneau de Dieu, je vous bénis!’

« Quelle peut-être la signification de ces choses? » demanda Marie avec sa douce sincérité. Son fiancé ne put seulement répondre qu’il ne savait pas.

« A la fin, l’un après l’autre, la foule se dispersa, sauf quelques uns qui campèrent sous les arbres sur les bords de la rivière. Joseph d’Arimathée et moi étions presque seuls debout près du prophète, le regardant avec une curiosité respectueuse. Le soleil venait de disparaître au dessus des lointaines tours de Jéricho, colorant du pourpre le plus riche les collines entre la rivière et Jérusalem. Le Jourdain, captant son éclat rougissant, coulait devant semblable à une rivière d’or liquide enchâssé dans l’émeraude. Le front du prophète, éclairé par un rayon solaire qui brillait entre les branches d’un grenadier, paraissait comme la face de Moïse quand il descendit de Sinaï, une gloire de lumière.

« Il semblait ravi dans une méditation céleste et nous étions silencieux et le contemplions, n’osant pas parler. A la fin, il se tourna vers nous, sourit et, nous saluant, saisit la houlette ou le bâton sur lequel il était appuyé, car il était épuisé et pâle suite au labeur du jour. Et lentement, il descendit le rivage en direction du désert. Il n’avait pas fait beaucoup de pas que je sentis une irrésistible impulsion de le suivre. Je brûlais d’envie de parler avec lui (( de m’asseoir à ses pieds et de lui poser des questions sur les grandes choses que je l’avais entendu dire dans ses deux discours. Je désirais qu’il m’expliqua et me dévoila ce qui avait semblé mystérieux et cependant fourmillant des puissantes révélations. J’avais envie de lumière (( de connaissance. Je soupirais de le voir m’ouvrir les Ecritures et me donner cet entendement illimité de celles qu’il possédait. Par conséquent, je dis à mon compagnon :

 » ‘Suivons-le et apprenons plus sur ces grandes choses que nous avons entendues aujourd’hui.’

« Joseph, comme moi-même, soucieux de tenir une conversation avec lui, consentit tout de suite et nous marchâmes lentement après lui, alors qu’il marchait dans une humeur contemplative le long du chemin du désert. Le soleil était déjà couché et la pleine lune s’était levée sur la rive opposée et le prophète s’arrêta comme pour contempler sa beauté automnale. Nous nous approchâmes de lui. Il nous vit mais ne nous évita pas ; voyant cela, j’avançai avec une confiance timide et dis :

 » ‘Saint prophète du Dieu Très-Haut, permettras-tu à deux jeunes hommes d’Israël de te parler car nos cœurs soupirent après toi avec amour.’

 » ‘Et nous serions heureux de te tenir compagnie dans le désert, Rabbi’ ajouta Joseph ‘car il ne semble pas bien pour toi de demeurer ainsi seul.’

 » ‘Mais principalement’ dis-je ‘nous voudrions nous enquérir de ton enseignement sur la venue du Puissant Personnage que tu proclames être proche.’

 » ‘Amis’ dit le prophète de façon calme et sereine ‘je demeure dans le désert et seul par choix. Je m’approche des hommes uniquement pour proclamer mon message. Les plaisirs de la terre ne sont pas pour moi. Ma mission est unique. Sa durée est courte. Son but est digne du plus grand prophète de Dieu. Cependant moi, le moindre parmi eux, je ne suis pas digne d’être appelé prophète ; et devant la splendeur de Celui que j’annonce au monde, je suis la poussière de la balance. Si vous m’avez cherché pour la connaissance, venez et asseyez-vous avec moi sur ce roc et laissez-moi écouter ce que vous avez à me demander afin que je vous réponde et que j’aille mon chemin.’

« Ceci fut dit doucement, presque avec tristesse, et dans un ton qui me fit l’aimer encore plus. Je me serais jeté sur sa poitrine et aurais pleuré là ; car j’étais profondément touché du fait que quelqu’un pouvait être choisi par Jéhovah pour devenir son prophète pour la terre et cependant montrer une telle humilité de cœur et sincère humilité. Nous nous assîmes, de chaque côté de lui, car il refusa de nous laisser nous asseoir à ses pieds, disant avec reproche, comme il le fit à tous ceux qu’il avait vu s’agenouiller devant lui, ‘Moi aussi, je suis un homme!’ La scène et l’heure convenaient mieux pour une telle conversation que nous étions sur le point de tenir. Le large disque de lune déversait pleinement sur nous un déluge de rayonnement teinté en orange et conférait une douceur sanctifiante, à la divine expression du jeune prophète. Le Jourdain, sombre comme la teinture indienne, fonçait promptement près de nos pieds, entre ses bords profondément obscurcis, envoyant à nos oreilles le faible murmure de son passage parmi les cailloux. Au dessus de nos têtes s’élevait la voûte du Temple de Jéhovah, avec ses myriades de feux de l’autel. A notre gauche était Jéricho, tout à fait visible, paraissant comme une masse sombre de pierres de forteresse, non illuminé sauf par une simple veilleuse qui brûlait de sa haute tour. Derrière nous s’étendait le désert perdu, triste et cependant grand dans ses étendues solitaires.

« Au loin s’éleva dans l’air, et nous parvenait par intervalles, la voix d’un chanteur dans l’un des camps ; et près de nous, sur un acacia, était assis un « bulbul » solitaire qui chantait sans cesse son hymne doux et varié à la lune qui l’écoutait.

 » ‘Toutes choses louent Dieu (( resterons-nous silencieux?’ dit le prophète ‘chantons l’hymne du soir du Temple.’ Alors il commença dans un chant riche, mélodieux tel que je ne l’avais jamais entendu des prêtres, notre psaume sacré à toute la création de Dieu. Nous joignîmes nos voix à la sienne et la marée de louange flotta par-dessus les eaux, et fit écho et refit écho (( des rives opposées, comme si les bords et rivière, arbres, collines et ciel, avaient trouvé la voix aussi bien que nous :

‘Louez! Louez! Louez l’Eternel!
Louez-le dans les hauteurs! Louez-le dans les mers!
Louez-le hommes d’Israël! Louez l’Eternel!
Car il élève haut son peuple et règne pour toujours!
Louez-le vous tous les anges! Louez-le vous tous les peuples!
Louez-le, soleil et lune, et vous toutes les étoiles de lumière!
Louez-le, feu et grêle! Louez-le tempête et neige!
Car il juge la terre avec justice et règne pour toujours!
Louez! Louez! Louez l’Eternel!
Louez-le, volaille ailée et troupeaux, bétail et toutes les bêtes!
Louez-le, rois et peuples, princes, sacrificateurs et juges!
Louez-le, jeunes garçons et jeunes filles, vieux et enfants!
Louez le nom, qu’ils louent le nom
Louez le nom de l’Eternel, Dieu des armées
Car seul son nom est excellent
Sa gloire au dessus des cieux ;
Israël est son premier né (( un peuple bien-aimé
Louez! Qu’Israël, par conséquent, le loue!
Louez-le pour toujours,
Pour toujours
A jamais, pour toujours!

« Je n’oublierai jamais l’effet produit dans mon être intérieur par cet hymne, chanté à pareil moment, à pareil endroit et en pareille compagnie. Le prophète chanta comme s’il dirigeait une chorale des anges. Mon cœur bondit au refrain comme s’il allait échapper, prendre des ailes et quitter la terre. Quand nous appelâmes les vents et volailles de l’air pour louer Jéhovah avec nous, ça pouvait être fantaisiste mais la voix tremblante du « bulbul » sembla déverser de sa gorge un flot déchaîné, riche et très joyeux de chant et le vent audible pliait les arbres adorant et mêlait ses mystiques chuchotements au psaume des hommes! Sûrement, pensai-je, il est bon pour moi d’être ici, car ceci n’est rien d’autre que la porte du paradis!

« Après quelques moments de silence, le prophète parla et dit ;

 » ‘Vous me cherchiez, frères d’Israël, puis-je faire quelque chose pour vous?’
 » ‘Nous voudrions entendre plus, grand prophète, concernant cet homme puissant, s’il peut être appelé homme, qui doit venir après toi’ dit Joseph.

 » ‘Je peux vous dire mais très peu, mes frères, en dehors de ce que vous avez entendu de moi aujourd’hui. Le futur est voilé. Je porte un message, en effet, mais je ne peux pas briser le sceau et lire. Je ne suis que le messager de Dieu à l’homme. A vous, il sera donné de connaître ce qui m’est inconnu maintenant. Heureux, trois fois heureux, êtes-vous, qui allez voir, face à face, le Divin que je peux seulement voir de loin. S’il m’est permis de Le voir, ce ne sera que pour un temps bref, car quand Il vient, je m’en vais. Ma commission est faite. Bénis sont ceux qui vivent pour voir sa gloire et entendre la gracieuse voix de Dieu qui sort de ses lèvres ointes.’

 » ‘Quand va être sa venue et avec quelle forme et quel pouvoir vient cet être divin?’ demandai-je.

 » ‘Comme un homme mais non avec l’apparence de forme que les hommes vont désirer. Son apparence sera humble, basse et douce.’

 » ‘Cependant, tu as dit aujourd’hui, Rabbi’ continuai-je ‘que Son pouvoir sera infini et que Son royaume n’aura pas de fin. Tu as parlé de la gloire de Son autorité et de l’humiliation des rois gentils sous Son sceptre.’

 » ‘Ceci, je ne peux pas l’expliquer (( c’est un mystère pour moi! Je parle comme Dieu, par qui je suis envoyé et qui me donne la voix. Je sais que Celui qui vient après moi est plus grand que moi et je ne suis pas digne de délier les lacets de ses sandales!’

 » ‘Tu nous as enseigné ce soir, saint prophète, qu’Il sera l’Eternel venant du ciel ; et cependant qu’Esaïe a dit qu’Il sera méprisé et rejeté des hommes, blessé pour nos transgressions et brisé pour nos iniquités!’

 » ‘L’Esprit de Dieu m’enseigne que ces paroles s’appliquent au Schilo mais je ne peux pas comprendre comment ces choses peuvent être’ répondit-il avec une profonde tristesse.

 » ‘Puis-je te rappeler, bon Rabbi’ dit Joseph ‘que tu as enseigné comment ce divin personnage devrait mourir, quoique Seigneur de la vie, et être compté, dans Sa mort, parmi les transgresseurs, quoique Saint de Dieu!’

 » ‘Et tels sont les événements qui sont ordonnés pour arriver ; mais ne cherchez pas à connaître ce dont personne n’a eu à recevoir la révélation. Le Messie Divin Lui-même doit être Son propre interprète. Bénis seront les yeux qui Le verront et écouteront la sagesse de Sa bouche et garderont la loi de Ses lèvres!’

 » ‘Puis-je te demander, saint prophète de l’Eternel’ dit Joseph ‘comment Celui dont tu es envoyé par Dieu pour rendre témoignage peut être le Libérateur d’Israël, quand tu prédis à son sujet un triste sort? Le Messie doit restaurer Jérusalem et la gloire du Temple, et la splendeur de son adoration, ainsi dit Esaïe, ainsi disent Ezechiel et Jérémie. Il est appelé un Puissant Prince, un Roi, le Rédempteur d’Israël, qui va diriger les nations et avoir la domination de la mer à la mer et du fleuve aux extrémités de la terre! Par conséquent, dans le Messie des prophètes, nous avons attendu un Puissant Potentat, qui va régner à Jérusalem, sur toute la terre, et soumettre toutes les nations, emmener leurs rois captifs à Son marchepied, et lier leurs princes avec des chaînes ; devant qui tout genou doit rendre hommage (( un Monarque qui ne laissera pas une sandale païenne fouler le sol sacré de Juda, et qui va établir l’adoration de Jéhovah à chaque endroit où s’élève maintenant un temple idolâtre.’

 » ‘Son royaume n’est pas de cette terre’ répondit le prophète de façon impressionnante.

 » ‘Comment pouvons-nous alors interpréter le prophète David qui fait dire le Seigneur ; j’ai établi mon roi sur ma sainte colline de Sion? Comment interpréterons-nous aussi ces paroles d’Esaïe qui, prophétisant sur le Christ béni de Dieu, a eu ces mots :
 » ‘A l’accroissement de Son gouvernement, et à la paix, il n’y aura pas de fin, sur le trône de David et sur son royaume, pour l’ordonner et l’établir avec jugement et avec justice, dès maintenant, même toujours.’

 » ‘Je ne sais pas. Ces secrets sont avec Dieu. Je ne peux rien révéler. Je ne suis qu’une trompette au travers de laquelle Jéhovah parle ; je ne connais pas les paroles que j’émets. Ce que je sais c’est que l’enfant le moindre et la personne à gage la plus basse qui vivent dans le jour du Messie sont plus grands que moi. Je suis le dernier des prophètes. Je me tiens au seuil de ce glorieux royaume, dont ils virent au loin la clarté et la grandeur, semblable à une certaine céleste, indistincte vision. Plus près qu’eux, il m’est permis de capter des visions plus claires de Sa Parole et il me sera permis de voir plus que ce que je vois maintenant ; mais de ceci je n’ai pas de révélation certaine. C’est à moi d’ouvrir la dernière porte qui conduit de la nuit de la prophétie à l’aube glorieux du jour de l’accomplissement ; mais il ne m’est pas permis d’entrer au-delà du seuil ou d’avoir part à ses bénédictions. Tout celui qui vient après moi sera préféré à moi. Mais la volonté de Jéhovah est d’obéir. Je suis Sa créature et murmurer ne convient pas à la poussière. Laissez-moi plutôt me réjouir du fait que l’étoile du jour est sur le point de se lever, quoique ses rayons brillent sur toute la terre, excepté sur moi.’

« Ceci fut dit avec le plus touchant pathétique.

« Nous étions tous les deux profondément émus, moi j’étais même en larmes en entendant ces paroles prononcées par lui. Mon cœur soupira pour lui avec la plus sacrée compassion. Je tombai sur mes genoux et, embrassant sa main, la baignai avec mes larmes.

« Doucement, il me fit lever et dit d’une voix tendre :

 » ‘Frère bien-aimé, tu verras Celui à qui je rends témoignage et Il t’aimera et tu te reposeras sur sa poitrine!’

« A cette parole » poursuivit le cousin de Marie dont la voix était tremblante d’une sensibilité vivante alors qu’il parlait « je fondis en larmes et, me levant, je m’éloignai un peu et, levant mes yeux vers le ciel, je priai le Dieu de nos pères afin que je sois trouvé digne de cet honneur béni.

 » ‘Et verrai-je aussi ce puissant Fils de Dieu?’ demanda Joseph avec sollicitude. Le prophète prit sa main dans la sienne et, fixant sur lui les yeux de lueur prophétique, il dit lentement et dans un ton inspiré de respect craintif et douloureusement affligé :

 » ‘Tu Le porteras un jour dans tes bras et Le mettras sur une couche que tu auras préparée pour ton propre repos. Tu ne connais pas ce que je dis maintenant, mais tu te souviendras quand cela va s’accomplir!’

« Quand il eut parlé ainsi, il se leva et, nous faisant signe de la main, s’en alla rapidement vers le désert et aussitôt disparut à nos yeux dans l’obscurité des ténèbres qui couvraient l’endroit.

 » ‘L’as-tu entendu?’ me demanda Joseph à la fin, après quelques minutes de pause. ‘Que peuvent signifier ces paroles? Elles sont prophétiques de quelque événement effrayant. Ses yeux trahissaient un sens terrible. Mon cœur est troublé.’

 » ‘Et le mien se réjouit’ répondis-je. ‘Nous Le verrons. Je serai à côté de Lui! Oh s’Il est comme ce doux prophète de Dieu, je L’aimerai de toute mon âme. Combien c’est merveilleux que nous soyons associés à cette Divine Personne. Bienvenue l’heure de sa venue bénie!’

 » ‘Allez-vous souhaiter la bienvenue à la venue d’un homme de souffrance?’ dit une voix tellement proche qu’elle nous fit tressaillir par sa soudaineté et, regardant tout autour, nous vîmes debout à l’ombre d’un olivier sauvage un jeune homme qui était étranger, mais à qui je devins profondément attaché plus tard. Sa face était pâle et intellectuelle et sa forme mince mais de la plus symétrique élégance. Et de suite, sa question me rendit triste car elle me rappela les tristes prophéties d’Esaïe.

 » ‘Il va aussi être Roi et Monarque du monde, et infiniment Saint et Bon’ dis-je ‘si tu as été près, tu as entendu les choses glorieuses que le prophète a dit de Lui.’

 » ‘J’ai été près (( je m’étais allongé sous cet arbre, quand vous étiez assis là. Ne vous trompez pas, le Divin homme qui doit venir va être un homme de douleurs et habitué à la peine. Il va être rejeté par Israël et méprisé par Juda. Ceux qu’Il vient bénir vont Le mépriser pour son humilité et son obscurité. Sa vie sera une vie de larmes, et de dur labeur, et de serrement de cœur, et à la fin Il sera retranché parmi les vivants, avec l’ignominie due uniquement à un transgresseur. Souhaitez-vous la bienvenue à la venue d’un homme de souffrance?’

 » ‘Mais comment sais-tu ceci? Es-tu un prophète?’ demandai-je avec surprise et admiration.

 » ‘Non, frère, mais j’ai lu les prophètes. De plus, j’ai entendu les paroles de ce saint homme, envoyé de Dieu, et il se repose plus sur l’humilité de Christ que sur Sa grandeur royale. Croyez-moi, le royaume de Schilo n’est pas de ce monde. Il ne peut pas être de ce monde, si tel doit être Sa vie et Sa mort ; et cela doit être Sa vie, Esaïe le déclare clairement. Laissez-moi vous lire ses paroles.’

« Il prit alors un rouleau de parchemin de sa poitrine et lit par la claire lumière tropicale de la lune, ce mystérieux et inexplicable passage qui commence par les mots :

 » ‘Qui a cru ce que nous avons annoncé?’ Quand il eut terminé et perçu l’impression consentante qu’il avait fait sur nos esprits, il reprit : ‘ceci n’est pas l’histoire d’un prospère monarque terrestre, mais plutôt le récit douloureux d’une vie d’humiliation, de honte et de mépris.’

 » ‘Mais tu ne dis pas, frère’ dit Joseph avec une certaine cordialité ‘que la sacrée personne à qui le prophète a rendu témoignage doit être un objet de mépris?’

 » ‘Esaïe n’a-t-il pas dit qu’il sera méprisé, frappé des meurtrissures? Rejeté des hommes, emprisonné et mis à mort comme un transgresseur de la loi?’

 » ‘Il n’y a pas de doute qu’Esaïe ne parle que du Messie’ remarquai-je.

 » ‘Ce prophète du Jourdain maintenant porte plein témoignage d’Esaïe et applique clairement ses paroles à Celui qu’il est venu proclamer d’avance!’ répondit le jeune homme avec une éloquence gracieuse dans tout ce qu’il disait. ‘Nous qui avons été baptisés ce jour pour la rémission de nos péchés, attendons un Messie de douleurs, non un prince conquérant. Contemplons quelqu’un qui va s’humilier Lui-même sous le joug des infirmités humaines, qu’Il va être exalté et entraîner tous les hommes après Lui dans un royaume dans les cieux.’

 » ‘Mais le trône de David ‘ objecta Joseph.

 » ‘Est à la main droite de Dieu’

 » ‘Mais Jérusalem, et son autorité sur les nations’

 » ‘Jérusalem qui est en haut sera par-dessus tout’

 » ‘Mais son royaume qui doit être éternel’

 » ‘Est où la vie est éternelle. Comment peut-Il diriger un royaume éternel ici sur terre, sans vivre éternellement, et ses sujets aussi? Ne lisez pas les prophètes ainsi. Comme Adam tomba et perdit le Paradis, de même le Messie, comme un second Adam, va en tant qu’homme, s’humilier Lui-même dans la nature humaine, pour expier pour notre culpabilité ; et ayant fait une pleine expiation pour nous par Sa vie et Sa mort, Il va racheter le royaume du Paradis pour la race humaine, mais Il nous le restaure non sur terre, mais traduit en haut, où les anges le gardent encore dans le royaume de Dieu. C’est ce royaume que le prophète proclame comme étant proche, et le chemin par lequel notre Conducteur et Roi peut fouler la boue du péché d’Adam, qui s’est répandu à travers le monde ; mais sans souillure de péché sur Sa robe. Lui, étant celui qui porte nos iniquités, nous échapperons par conséquent au châtiment. Guéris par ses meurtrissures, nous serons libres de la peine que nos péchés exigent. Sur Lui seront toutes les transgressions du monde et par un puissant sacrifice de Lui-même, ainsi chargé comme une offrande de péché, Il va faire l’expiation pour la grande famille d’Adam, et restaurer notre race à la réconciliation avec Jéhovah. Tel doit être notre regard pour le Messie. Hélas, pendant que nous Le cherchons, mêlons nos larmes à notre joie, et humilions-nous du fait que quelqu’un si Saint et si Excellent devra être destiné à endurer ces choses à cause de nous ; et quand nous Le voyons, tombons à Ses pieds dans une reconnaissante adoration de Son amour et Sa charité, de Sa miséricorde et Sa bonté, de Son noble renoncement de soi. Et Son offre de soi volontaire comme un sacrifice ; car il ne pouvait y avoir plus élevé et plus valable victime que Lui dans l’univers de Dieu ; par conséquent, Il s’est offert Lui-même selon les paroles de prophète, rapportant Son offre : ‘voici, je viens faire ta volonté, o Dieu!’

« Après que le jeune homme eut parlé, il s’en alla. Poussé par un incontrôlable impulsion, je le suivis et le pris dans mes bras, et l’embrassant, je dis ; ‘en vérité tu es un prophète! Tes paroles apparaissent clairement à mon cœur comme l’écho de prophétie ancienne.’

 » ‘Non. J’ai appris ces choses de l’étude de l’Ecriture’ dit-il avec une sincérité et une modestie angéliques. ‘Mais j’ai été aidé, combien je n’ai pas de mots pour te le dire, par quelqu’un dans lequel demeurent la sagesse et la vérité par-dessus tous les hommes, et dont c’est ma joie d’avoir comme ami intime, étant donné qu’il a près de mon âge. Si je suis sage, ou vertueux, ou bon, ou connais les Ecritures, c’est qu’il a été mon conseiller et enseignant.’

 » ‘Quel est son nom?’ demandai-je ‘car je voudrais aussi aller apprendre de lui.’

 » ‘Il est retiré de l’œil du public, et ne converse qu’avec peu de gens et évite d’être remarqué. Sans sa permission, je ne peux pas t’emmener à lui. Cependant, je vais le lui demander si tu le désires.’

 » ‘Quelle est son apparence, et où demeure-t-il?’ m’enquis-je, très profondément intéressé.

 » ‘Il demeure à présent à Béthanie, ma propre ville. Il est tellement aimé de nous que nous le retenons comme notre hôte. Mais il demeure à d’autres moments avec sa mère, une veuve de grande sainteté et de dignité matronale, vivant à Nazareth dans une condition humble, et il contribue par le travail à son soutien avec la plus exemplaire piété filiale ; donnant ainsi un exemple aux jeunes hommes de Juda, qui à cet âge se moquent de l’obligation envers les parents et qui, sous de mauvaises pratiques dues à la liberté de la mauvaise coutume du Corban, les négligent et ne font plus rien pour leur père ou mère. En effet, jamais personne qui l’approche et parle avec lui, ne le quitte sans être un homme plus sage et meilleur.’

 » ‘En vérité’ Joseph et moi dîmes à la fois ‘tu as seulement accru notre désir de le voir. Son apparence doit être noble.’

 » ‘Il ne possède ni la beauté de forme ni l’élégance pour frapper l’œil ; mais il y a dans son expression une dignité sereine, tempérée avec la douceur que commande le respect de l’âge, et gagne l’amour confiant de l’enfance. Ses yeux rayonnent d’une lumière calme et pure, comme s’il brille de l’intérieur des pensées saintes, et ils se posent sur toi, quand il parle, avec une tendresse qui ressemble à la lumière couverte de rosée du regard d’une jeune mère, quand elle se penche dans une joie silencieuse et avec larmes par-dessus la face de son premier né. Il ne sourit jamais, ou plutôt sa face est un soleil des rayons souriants tempéré de façon indescriptible avec un regard fixe de tristesse, une presque imperceptible ombre de chagrin permanent, qui semble préfigurer une vie d’épreuve et de souffrance. Quand il lit les prophètes, et nous dévoile, avec une sagesse que nous pouvons considérer comme venant du ciel, les grandes vérités en relation avec le longtemps attendu et , comme nous le croyons maintenant, proche Messie, il semble parler par inspiration, cependant sans émotion, mais calmement et naturellement, à voix basse, voix qui jamais à aucun moment n’a été haussée ni jamais été entendue dans les rues.’

 » ‘Il doit être un autre prophète’ dit Joseph avec une profonde sincérité.

 » ‘Il ne prophétise pas, et ne prêche pas’ répondit le jeune homme.

 » ‘Quel est son nom?’ demandai-je.

 » ‘Jésus, le Nazaréen!’

« Nous promîmes tous les deux de nous rappeler ce nom ; et comme notre chemin pour Jérusalem passait par Béthanie, nous souhaitâmes infiniment l’appeler et le voir mais le jeune homme, doucement, désapprouva cette démarche, en attendant qu’il fasse connaître notre désir à son ami. Ce n’est qu’alors, si ce dernier désirait nous voir, qu’il nous enverrait chercher à Jérusalem pour aller à Béthanie.

« Alors que le jeune homme était sur le point de s’en aller, je lui demandai son nom, étant donné qu’il avait grandement attiré mon cœur à lui. Et je sentais que si je pouvais être son ami, et l’ami du jeune homme sage de Nazareth, qui séjourne avec lui, je pourrais être parfaitement joyeux, et ne pas avoir d’autre désir (( sauf, bien sûr, vivre jusqu’à ce que le Messie vienne, afin que je puisse Le voir et poser ma tête sur sa poitrine sacrée.

 » ‘Mon nom est Lazare, le scribe’ répondit-t-il, alors qu’il quittait.

« Quoi » interrompit Marie, quand son cousin eut prononcé ce nom. « Alors je le connais bien. C’est le frère de Marie et Marthe, toutes deux mes amies à Béthanie, où j’ai passé une semaine l’année dernière, juste avant la Pâque. »

« Je suis content d’entendre cela » dit Jean « car ceci va être un lien étroit d’amitié entre nous. Le jour suivant nous renouvelâmes notre connaissance, et trois jours après nous rentrâmes à la maison. Arrivé à Béthanie, Lazare apprit que son ami était allé à Cana, en Galilée, en visite avec sa mère, à la maison de l’un de ses parents, dont la fille va se marier dans quelques semaines. »

T’ayant maintenant, mon cher père, communiqué tout ce que Jean nous raconta, tu verras ce qu’il en est de considérer le prophète du Jourdain comme un homme envoyé de Dieu, ou de croire qu’il est le vrai Elie, que Malachie avait annoncé, et qui, comme les scribes les plus instruits le disent, doit premièrement venir proclamer l’approche du Prince de Paix, le Schilo de l’espérance d’Israël. Mes émotions, mes idées, mes opinions, à présent, sont en conflit et sont pleines d’indécision. D’un côté, je suis prête pour devenir l’un des disciples de Jean du Jourdain et être baptisée par lui, regardant avec foi à Celui qui doit venir après. De l’autre je tremble de peur que tout ne soit qu’une illusion, car il ne semble pas possible que ce soit mon sort de vivre dans cet âge béni où le Messie vient, une période vers laquelle tous les patriarches et les prophètes ont regardé, désirant voir son jour, mais moururent sans posséder la promesse, le contemplant seulement au loin. L’infinie grandeur de ce privilège est tout ce qui me fait douter. Instruis-moi, cher père ; ouvre-moi les trésors de ta sagesse! Tu as lu les prophètes. Le jeune prophète du désert utilise-t-il correctement leurs prédictions dans leur application au Messie? Est-ce que l’intellectuel Lazare dresse correctement le triste portrait de Sa sombre carrière sur terre? Comment les prophéties opposées peuvent-elles être conciliées d’une façon autre que celle dont le jeune homme de Béthanie les a dévoilées. Donne-moi une autre interprétation, cher père, comment peut-Il être à la fois Roi et un Prisonnier! Seigneur de la vie, cependant souffrir la mort! Avec un royaume sans limites, cependant méprisé des hommes!

Le récit apporté par Jean a conduit Rabbi Amos à étudier les prophètes, et vraiment tous les hommes les examinent avec un intérêt inconnu avant ; car les foules qui s’en vont après avoir été chez le nouveau prophète répandent ses prédictions de tous côtés, à travers tout le pays. Peut-être Dieu est vraiment sur le point de bénir Son peuple et de se souvenir de Son héritage.

Adina

Lettre IV

Mon cher père,

J’ai eu le plaisir aujourd’hui, non seulement d’avoir de tes nouvelles mais d’être assurée de ton continuel bien-être. Les messages de l’affection parentale contenus dans ta lettre sont chéris dans mon cœur. Les cadeaux coûteux de ton généreux amour que tu as envoyés avec la lettre et qui ont été livrés en sûreté de ta main à la mienne, par ton serviteur fidèle Elec seront portés par moi avec toute la fierté d’une fille. Je regrette d’apprendre la mort de Rabbi Israël, pendant que je me réjouis que la noble fonction qu’il tint avec une si grande dignité, t’a été conférée par le proconsul ; car quoique tu n’aies pas besoin de ses émoluments, cher père, un tel choix est une preuve flatteuse de l’estimation dans laquelle tu es tenu par le gouverneur romain.

Tu n’as pas besoin de craindre, mon cher père, que je puisse être emmenée loin de la foi d’Israël par une quelconque doctrine étrangère ; je vais prendre conseil auprès de ta sagesse et être prudente sur la façon dont je m’aventure dans mes investigations sur le sujet sacré. Je t’ai librement écrit pour avoir ton avis et j’ai confiance que tu ne verras pas mes questions comme l’expression de doute mais plutôt la recherche de ce qui est vrai. Je sais que tu es instruit dans la loi par-dessus tous les juifs et que toute difficulté que je pourrais rencontrer, ici à Jérusalem, spécialement dans l’adoration et les cérémonies du Temple, tu vas l’ôter pour moi.

Dans ma dernière lettre, qui ne t’atteindra pas avant quelques jours, j’ai commencé à te donner le récit de Jean, le cousin de Marie, qui se rendit au désert pour voir et entendre le prophète du Jourdain. Je ne vais pas encore prendre sur moi de décider ou formuler une opinion sur une quelconque chose, cher père, mais je vais énoncer les faits et laisser ta sagesse m’instruire sur les vérités qui peuvent ressortir d’eux. Une chose que ta lettre déclare me fait plaisir et me donne confiance ; ce sont ces paroles : « Ne redoute pas que l’intégrité de la loi de Moïse, ou de l’adoration du Temple, ou des prédictions des prophètes, puisse être bougée par une quelconque investigation qu’un homme peut faire en eux. Ils sont fondés sur la vérité et vont demeurer à jamais. L’adoration d’Israël ne craint rien de l’investigation. Mais quand tu t’interroges à propos des choses sacrées, rappelle-toi qu’elles appartiennent à Dieu et doivent être interrogées avec beaucoup de révérence et une profonde humilité. Toute investigation faite dans les prophéties avec un œil qui fait ressortir leur jour d’accomplissement est propre et utile ; et comme ce jour semble être celui de l’accomplissement plutôt que celui de prédiction, tes études doivent être inspirées et conduites par la sagesse céleste, et si c’est le cas, elles vont être guidées vers leur véritable issue. Comme je suis si loin de toi, je ne peux pas juger ce qui concerne ce prophète que ta première lettre mentionna être dans le désert ; cependant je ne serai pas surpris si l’accomplissement du temps indiqué par Esaïe est très proche, car les événements que tu as énumérés, tels que l’adoration relâchée dans le Temple, l’adoration des idoles romains sur le Mont Sion, la profanation de l’autel et le règne du païen sur l’empire de David, semblent proclamer son approche. Prions avec ferveur, ma fille, pour l’accomplissement des prophéties qui promettent le Messie à notre peuple affligé. Supplions pour le lever de l’Etoile de Jacob, le Prince de paix, qui va ériger son trône sur le Mont Sion et dont le sceptre sera un sceptre de justice ; sous la large domination duquel Israël va lever sa tête et diriger les nations. Ma prière quotidienne avec ma face tournée vers Jérusalem, est que je vive pour voir l’espérance d’Israël et avec mes yeux voir la splendeur de la gloire de Schilo ».

Ces paroles venant de toi, mon cher père, me donnent courage. Je crois avec toi que le jour de l’accomplissement des prophètes est en train de poindre ; et peut-être est plus proche que nous ne le croyons. Quand j’aurai complété l’histoire du voyage de Jean au Jourdain pour écouter le prophète tu comprendras pourquoi je parle avec une telle confiance pleine d’espoir ; et tu seras d’accord avec moi que ce prédicateur de repentance n’est pas un de la classe des faux prophètes, contre les chimères de qui ta lettre m’a adéquatement mise en garde.

« Nous nous levâmes à l’aube » dit le cousin de Marie, en poursuivant son intéressant récit « et quittant l’hôtellerie, nous prîmes le chemin hors de la ville par la porte est, que nous trouvâmes facilement vu que le un quart de la ville était en marche, se dirigeant dans la même direction. Ici nous fûmes retardés par les gardes païens pour une demi-heure jusqu’au point où la multitude devint si immense que l’on marchait l’un sur l’autre et remplissait toute la rue. Néanmoins, nous devions attendre jusqu’à ce que l’indolent capitaine de la porte accepte d’être dérangé dans son repos du matin et de baigner ses membres délicats, et puis manger, ce qu’il fit très délibérément, avant qu’il n’autorise l’ouverture de la porte! Tels des esclaves sommes-nous envers des tels maîtres! Oh, quand arrivera le jour où, comme l’a dit Esaïe ‘nos portes seront ouvertes continuellement, elles ne seront fermées ni de jour ni de nuit, où les hommes apporteront à toi les forces des gentils et où les rois seront emmenés captifs à nos pieds’.

« Ayant passé la porte, mon ami d’Arimathée et moi nous séparâmes un peu de la foule et traversâmes la plaine vers le Jourdain. Le matin était doux et plaisant. Le soleil rendait la nature gaie. La rosée reflétait une myriade de petits soleils, et la terre paraissait parsemée de diamants. Pendant une petite distance, la route passa entre les champs de blé et les jardins, mais aussitôt elle traversa la plaine où il y avait des troupeaux d’ânes sauvages qui levèrent leurs petites têtes fougueuses à notre approche, nous regardèrent avec une curiosité timide et s’élancèrent au désert vers le sud avec la rapidité d’antilopes. Comme la plupart de gens se dirigèrent obliquement à travers la plaine, nous sûmes que le prophète devrait être dans cette direction. Cela s’avéra ainsi car à la fin, nous le trouvâmes sur les bords du Jourdain en aval du gué qui est à l’opposé de Jéricho, sur la grande route des caravanes qui va à Balbed et en Assyrie, cette route longue et épuisante empruntée par nos ancêtres quand ils furent emmenés en captivité (( route que tant de rois ont arrosé avec leurs larmes! Nous la contemplâmes avec des émotions de tristesse, et avec des supplications que Jéhovah puisse revenir et visiter encore une fois le reste de son peuple et qu’il ne sera pas fâché avec nous pour toujours! Après avoir approché le Jourdain d’une certaine distance en amont du gué, nous vîmes la foule qui écoutait le prophète, loin à notre sud, à la limite du désert, lequel approche très près de Jéricho à cet endroit. Alors que nous traversions les bords de la rivière montante, nous arrivâmes soudain sur une colonne de pierres, en partie dans l’eau. ‘Ceci’ dit mon compagnon en s’arrêtant, ‘est le Mont de douze pierres qu’Israël érigea pour commémorer le passage du Jourdain. Ici, ils traversèrent sur la terre sèche.’

« Je les comptai et ne trouvai que sept d’entre elles qui restaient. A travers quelles vicissitudes, pensai-je, Israël n’est-elle pas passé depuis que les mains de nos pères ont placé ce tas ensemble! Générations des juges et longues lignées des rois ; captivités succédant aux captivités ; guerres, conquêtes, défaites, et sujétion, finalement, jusqu’à ce que nous ne soyons plus un peuple ; ayant un souverain, en effet, mais dont le pouvoir est un simulacre (( un Hérode tenant son autorité de la gentillesse du monarque impérial de Rome. Hélas, avec la fin du règne d’une telle ombre de roi, le sceptre va pour toujours quitter Juda! » ajouta-t-il amèrement.

« Ensuite viendra le Schilo » s’exclama ma cousine Marie.

« Oui, Juda doit être humiliée jusqu’au plus bas niveau, avant qu’elle ne se relève! Et avec le roi Schilo, sa gloire va remplir toute la terre » répondit Jean, avec l’espérance rayonnant encore une fois dans ses yeux.

« A la fin, nous nous approchâmes de la sombre masse des êtres humains que nous avions aperçus, assemblés autour d’une petite éminence près de la rivière. Sur cette éminence, s’élevant de quelques coudées plus haut que leurs têtes, se tenait un homme sur lequel tous les yeux étaient fixés et aux paroles duquel chaque oreille était attentive. Son ton clair, riche et grave nous atteignit, alors que nous approchions, avant que nous ne distinguions ce qu’il disait. Il était un jeune homme de pas plus de trente ans, avec la mine comme celle que les médaillons d’Egypte donnèrent à Joseph de notre nation, une fois devenu leur prince. Ses cheveux étaient longs et extravagamment libres autour de son cou. Il portait un sac défait en poils de chameau et son bras droit était dénudé jusqu’à l’épaule. Son attitude était aussi libre et commandante que celle d’un guerrier caucasien. Cependant, chaque geste était doux et gracieux. Avec toute son éloquence résonnante et persuasive, il y avait un air de profonde humilité dans sa mine, mêlé d’une expression d’enthousiasme sacré. Le peuple l’écoutait avec passion car il parlait comme les prophètes des temps anciens et principalement dans leurs paroles prophétiques. Son thème était le Messie :

 » ‘O Israël, retourne à l’Eternel ton Dieu, car tu es tombé par ton iniquité’ disait-il au moment où nous survînmes, comme en continuation de ce qui était avant. ‘Prenez avec vous des paroles et revenez à l’Eternel et dites-lui : ôte toute iniquité et reçois-nous gracieusement. Voici, il vient, celui qui va guérir votre rétrogradation et va vous aimer librement. Il sera comme la rosée pour Israël, il fleurira comme le lis et poussera des racines comme le Liban. Ses rameaux s’étendront et sa beauté comme l’olivier et son fruit sera pour la guérison des nations. Ceux qui demeurent sous son ombre vont retourner et demeurer pour toujours ; et il arrivera que quiconque invoquera le Nom du Seigneur sera délivré car hors lui, il n’y a pas de sauveur.’

 » ‘De qui le prophète parle concernant ces choses?’ demanda quelqu’un, qui se tenait près de moi, à notre voisin commun. Car à ce moment nous avions pris place aussi près que possible du prophète. Car, je ne voulais pas perdre une parole qui allait sortir des lèvres d’un homme qui pouvait vider les villes de ses habitants et peupler le désert.

 » ‘Du Messie (( écoute!’ lui répondit un scribe à côté, comme s’il n’était pas content que son attention soit détournée par quelqu’un qui parlait à ses côtés. ‘Les paroles sont claires. Ecoute-le.’

 » ‘Sonnez la trompette en Sion, car le jour du Seigneur vient :’ continua le prophète, d’une voix semblable à une trompette d’argent ; ‘Car, voici, le jour est proche où je vais ramener de nouveau la captivité de Juda. Mettez-vous à la faucille, car la moisson est mûre! Le jour est proche où le Seigneur rugira de Sion et émettra sa voie de Jérusalem.’

 » ‘N’es-tu pas Elie?’ demanda quelqu’un tout haut.

 » ‘Je suis celui dont il est écrit, la voix de celui qui crie dans le désert ; rendez droit un chemin pour notre Dieu. Le jour du Seigneur est proche je ne suis que le messager qui est envoyé devant pour préparer la voie du Seigneur!’

 » ‘N’es-tu pas le Messie?’ demanda une femme qui se tenait près de lui et qui semblait adorer ses lèvres même.

 » ‘Celui qui vient après moi est plus puissant que moi et je ne suis pas digne de porter ses sandales.’ répondit-il dans la plus profonde humiliation de manière. ‘Celui qui vient après moi a son van à la main, il nettoiera son aire, il amassera son blé dans le grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint pas. Par conséquent, repentez-vous, repentez-vous, prenez la Parole et retournez au Seigneur votre Dieu. Repentez-vous et soyez baptisés pour la rémission de vos péchés ; car le jour vient qui va brûler comme une fournaise, et prenez garde que vous ne soyez pas consumés! La cognée est mise à la racine de l’arbre ; par conséquent tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu!’

 » ‘Maître’, dit un lévite, ‘parles-tu de ces choses à nous qui sommes d’Israël, ou aux gentils et samaritains?’ Car il y avait beaucoup de soldats romains parmi la foule, attirés par la curiosité, et aussi beaucoup de gens venus de Samarie, même de Damas.

 » ‘Va et crie aux oreilles de Jérusalem, dit l’Eternel, car mon peuple a fait deux maux ; ils m’ont abandonné, moi, la source des eaux vives pour se creuser des citernes , des citernes crevassées qui ne retiennent pas l’eau. l’Eternel m’établit en ce jour comme une colonne de fer et un mur d’airain contre tout le pays, contre les rois de Juda, contre ses princes, contre ses sacrificateurs et contre le peuple du pays. Malgré cela tu dis, o Israël tu n’as pas péché. Ta méchanceté te châtiera et ton infidélité te punira. Repentez-vous et produisez, chacun de vous, des œuvres dignes de repentance car vous avez pollué le pays. Ne dites pas où l’Eternel qui nous fit sortir du pays d’Egypte? Je suis provoqué à la colère, chaque jour, par la dureté de votre cœur et par votre opiniâtreté. Corrigez, corrigez vos œuvres! Ne vous livrez pas à des espérances trompeuses, en disant : ‘c’est ici le Temple de l’Eternel, le Temple de l’Eternel, le Temple de l’Eternel! Vous en avez fait une caverne de voleurs! Vos sacrifices qui y sont offerts sont devenus une abomination à l’Eternel!’

 » ‘Ceci nous concernerait, nous qui sommes sacrificateurs, maître’ dit un prêtre avec un visage cramoisi ‘nous ne sommes pas de voleurs’

 » ‘Ainsi dit le Seigneur’ répondit le jeune prophète, comme si ce fut Dieu Lui-même qui parlait depuis Horeb, si bien que nous tremblâmes pendant que nous l’écoutions ; ‘malheur aux pasteurs qui détruisent mes brebis. Je visiterai sur vous le mal de vos œuvres. Comment l’or a-t-il perdu son éclat! Comment l’or pur est-il changé! Les précieux fils de Sion, comparables à l’or pur, comment sont-ils estimés? Ses sacrificateurs étaient plus purs que la neige, plus blancs que le lait ; ils avaient le teint plus vermeil que le corail ; leur figure était comme le saphir. Leur aspect est plus sombre que le noir. Ils nourrissent les enfants de mon peuple avec des cendres comme pain. Malheur à Sion pour les péchés de ses prophètes et les iniquités de ses sacrificateurs! Parcourez les rues de Jérusalem, et cherchez dans ses larges places, dit l’Eternel, si vous pouvez trouver un homme qui pratique la justice, qui cherche la vérité. Quoique ils disent, l’Eternel est vivant, c’est faussement qu’ils jurent. Ecoutez ceci o prêtres, et écoutez, vous maison d’Israël! Malheur à vous sacrificateurs car vous avez transgressé. J’ai vu dans les prophètes de Jérusalem une chose horrible ; ils sont adultères et marchent dans le mensonge, dit l’Eternel. Mon peuple a transgressé par manque de connaissance. C’est pourquoi je te rejetterai, dit l’Eternel. Tu ne seras plus sacrificateur pour moi puisque tu as oublié la loi de ton Dieu. Tel peuple, tels sacrificateurs! C’est pourquoi le pays sera dans le deuil, tous ceux qui l’habitent seront languissants. Parce qu’il n’y a point de vérité, point de miséricorde, point de connaissance de Dieu dans le pays. Il n’y a que parjures et mensonges, assassinats, vols et adultères ; qui se déclarent dans le pays. Malheur à vous sacrificateurs!’

« Alors beaucoup de lévites se retournèrent et s’en allèrent en murmurant. Ils auraient, avec plaisir, fait du mal au prophète, mais ils avaient peur de la foule qui disait que le prophète avait dit la vérité sur eux.

 » ‘Mais les anciens d’Israël, qui ne sont pas sacrificateurs, qui descendent d’Abraham, seront sauvés par Abraham, maître?’ affirma ou plutôt s’enquit un riche dirigeant de notre ville après que le tumulte causé par le retrait des lévites se soit un peu calmé. Le jeune prophète posa ses yeux sombres, comme deux soleils, sur la face du vieil homme et dit de façon impressionnante : ‘Ne commencez pas à dire en vous-mêmes nous avons Abraham pour père car je vous dis’ ajouta-t-il, pointant les cailloux qui étaient à ses pieds ‘que Dieu est capable, de ces pierres, de susciter des enfants à Abraham. Est d’Abraham celui qui fait le bien ; par conséquent, repentez-vous et portez des fruits dignes de repentance.’

« Suite à ces paroles, il fut entendu un certain murmure parmi un groupe de pharisiens et sadducéens. Alors, jetant son regard illuminé sur eux, comme s’il pouvait lire leurs pensées même, le prophète cria ;

 » ‘O génération de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir? Le jour vient où celui qui doit venir va se tenir comme un purificateur par son feu. Produisez donc des fruits dignes de repentance. Otez la méchanceté de votre cœur afin que vous soyez sauvés. Et vous, filles de Juda, repentez-vous de vos vaines pensées qui logent en vous’ cria-t-il en s’adressant à plusieurs femmes richement vêtues et ayant des cheveux tressés ; ‘portez des vêtements de deuil, lamentez-vous et pleurez. Otez de ma vue ces abominations et craignez l’Eternel. Quoique vous soyez vêtues de cramoisi, quoique vous vous pariez avec des ornements d’or, quoique vous couvriez votre face avec la peinture, c’est en vain que vous vous faites loyales ; car j’entends la voix des filles de Sion qui se lamentent elles-mêmes et déploient leurs mains le jour où elles sont gâtées et méprisées pour leurs iniquités. Repentez-vous car le royaume des cieux est proche!

 » ‘Ecoute, o Israël! Je suis un Dieu tout proche et non un Dieu éloigné, dit l’Eternel. Ecoute le message du Très-Haut, car le jour vient où Jéhovah va une fois encore visiter la terre et parler face à face avec ses créatures. Voici, les jours viennent, dit l’Eternel, où je susciterai à David un germe juste, et un roi pour régner et prospérer, il pratiquera la justice et l’équité sur la terre. Voici le jour vient, dit l’Eternel, où Juda sera sauvé et Israël demeurera en sécurité, où j’établirai sur eux des pasteurs qui les paîtront et ils ne manqueront de rien!

 » ‘Lève-toi et brille car ta lumière est venue! Ecoute, o Israël! A cause de Sion, je ne garderai pas ma paix ; je ne serai pas en repos jusqu’à ce que la justice y aille de l’avant comme la clarté, et le salut comme une lampe qui brûle. Lève-toi, brille car ta lumière est venue et la gloire de l’Eternel s’est levée sur toi. Les ténèbres couvrent la terre et l’obscurité les peuples comme l’a dit Esaïe mais l’Eternel se lèvera sur toi et sa gloire sera sur toi. Les gentils viendront à sa lumière et les rois à la clarté de son lever. Il sera appelé Seigneur de justice et sera une couronne de gloire dans la main de l’Eternel et un diadème royal dans la main de ton Dieu. L’Esprit de l’Eternel est sur moi pour proclamer l’année adéquate de sa venue. Il m’a établi sentinelle sur tes murs, o Israël, et je ne peux rester calme le jour ni la nuit, ni garder le silence, ni chercher du repos jusqu’à ce qu’il vienne, celui qui m’a envoyé comme messager devant sa face. Comment puis-je m’abstenir de mon message de joie? Comment puis-je ne pas parler de sa renommée? Ses fils viendront de loin et ses filles seront nourries à son côté. Les gens des nations voleront comme un nuage, et comme des colombes à leurs fenêtres, pour contempler, échouer à ses pieds et l’adorer. Les îles attendront sa loi et les rois serviront en lui, même en le saint d’Israël dit-il, moi l’Eternel, je suis ton Sauveur et ton Rédempteur, le Puissant de Jacob. Dis aux filles de Sion ; voici ton salut vient ; voici sa récompense est avec lui et ses œuvres devant lui. Ho, vous qui avez soif,’ cria-t-il alors, élevant sa voix comme le chef d’une armée, jusqu’à se faire entendre au loin ‘venez aux eaux ; oui, venez acheter le vin et le lait sans argent et sans prix. Prêtez l’oreille, venez à moi, écoutez et votre âme vivra. Repentez-vous, gardez la justice et la droiture et préparez un cœur contrit pour lui offrir quand vous le verrez ; car ainsi parle le Très-Haut, dont la demeure est éternelle et dont le nom est saint ; j’habite dans le lieu élevé et saint avec celui qui est aussi d’un esprit contrit et humble. Paix, paix à celui qui est au loin et à celui qui est proche, dit l’Eternel.’

 » ‘Chantez à l’Eternel un cantique nouveau, sa louange du bout de la terre. Ainsi dit Dieu, l’Eternel, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a étendu la terre et ses produits, qui donne la respiration au peuple qui est sur elle, et un esprit à ceux qui y marchent.’

 » ‘Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu en qui mon âme trouve son plaisir. J’ai mis mon Esprit sur lui ; il fera valoir le jugement à l’égard des nations. Il ne brisera pas le roseau froissé, et n’éteindra pas le lin qui fume. Moi, l’Eternel, dit Jéhovah s’adressant à son unique fils engendré, je t’ai appelé en justice ; et je tiendrai ta main ; et je te garderai ; et je te donnerai ; pour être une alliance du peuple, pour être une lumière des nations, pour ouvrir les yeux aveugles, pour faire sortir de la prison le prisonnier. Je suis l’Eternel : c’est là mon nom ; et je ne donnerai pas ma gloire à un autre. Cependant, j’ai fait de lui mon premier né, plus élevé que les rois de la terre. Regardez à lui et soyez sauvés toutes les extrémités de la terre ; car devant lui, tout genou fléchira, toute langue confessera. Notre Rédempteur, l’Eternel des armées est son nom, le saint d’Israël.’

« Tout ceci fut dit avec un enthousiasme et un feu qui firent battre chaque pouls.

« Tel fut » dit Jean « l’extraordinaire style de la prédication de ce puissant prophète ; et à ceux qui lisent les livres des prophètes, chaque parole brillait avec la clarté du soleil. Je m’imaginai que j’avais seulement à regarder tout autour pour voir le Messie. L’immense foule resta craintive et silencieuse quand il eut cessé. Je le fixai avec une révérence d’adoration. Mon cœur fut rempli de sainte joie. Car alors, je croyais et savais que Dieu s’était souvenu de Sion et était sur le point de manifester ses merveilles sur terre plus remarquablement que cela n’avait été vu auparavant. Quittant l’éminence, il dit, et je pensai qu’il fixait ses yeux sur moi ‘vous qui désirez être baptisés pour la rémission des péchés afin que vos cœurs soient nettoyés pour la visitation de ce Saint de Dieu, suivez-moi sur le bord de la rivière!’ Des milliers obéirent et moi parmi les premiers.

« Je tremblais de tous mes membres avec un doux plaisir, quand il me prit par la main et me demanda si je croyais en celui qui devait venir, et préparerais la voie pour sa demeure dans mon cœur en me faisant baptiser, rite qui devait également être un signe et un gage que quand je verrai le Schilo se lever, je le reconnaîtrai.

« Pas moins de mille personnes furent baptisées par lui ce jour au Jourdain, confessant leurs péchés et l’espérance du pardon au travers du nom de l’inconnu, qui devait venir bientôt. Parmi eux étaient des pharisiens et des sadducéens, des dirigeants et des hommes de loi et un soldat romain aux cheveux blancs. Joseph d’Arimathée ne fut pas baptisé, étant donné qu’il dit qu’il souhaitait examiner pleinement l’extraordinaire sujet avant de croire.

« Après le baptême, toute la foule se dispersa par petits groupes et le prophète retourna dans le désert, où ses repas étaient des sauterelles et du miel sauvage du désert, jusqu’à la fraîcheur du soir. Quand il réapparut, il parla de nouveau à une foule croissante. Dans ce second sermon, il expliqua plus clairement l’application de l’éclatante chaîne des prophéties, qu’il avait émises dans la journée, au Messie, et ainsi me permit de discerner plus clairement que auparavant le vrai caractère du Messie attendu. »

Avec cette remarque de lui, cher père, je clos ma longue lettre. Je ne fais aucun commentaire. Je vais seulement dire que mes attentes sont activement éveillées et que je recherche, avec des milliers d’autres, la venue proche du Messie.

Ta fille, Adina.