Le Prince de la Maison de David- Lettre 36

LETTRE   XXXVI

Jérusalem,

troisième matin après la crucifixion.

Mon père chéri,

J’ai terminé la dernière lettre uniquement pour continuer dans une autre, le triste récit que j’étais en train de t’écrire. On est maintenant à une demi-heure du lever du soleil et, comme le groupe qui s’est rendu au sépulcre n’est pas encore rentré, je continuerai encore mon douloureusement intéressant sujet. La mère de Jésus, que je pensais être en partie avec les deux Marie et Marthe, est restée à la maison, incapable de supporter la vue de son fils mort.

Le jour où les étonnants évènements, que j’ai détaillés en long et en large dans ma derrière lettre eurent lieu, ce jour qui ne peut jamais, à cause de ses signes et merveilles, être oublié à Jérusalem, les principaux sacrificateurs, à la tête desquels était Anne, rencontrèrent Pilate au moment où il chevauchait sortant de la ville accompagné d’une vingtaine d’hommes en armes, pour inspecter les déchirures profondes causées par le tremblement de terre, et entendre des bouches de tous les gens, les détails des merveilles qui accompagnèrent la crucifixion de Jésus. Quand ils s’approchèrent de lui, ils l’implorèrent afin qu’il ordonna à ses soldats de descendre les corps, étant donné que le jour suivant était un grand jour et qu’il était contraire à leurs coutumes d’avoir les criminels exécutés ou laissés pendus ce jour là.

“Que pensez-vous ?” demanda Pilate, arrêtant et calmant son cheval guerrier syrien qui, effrayé par les corps morts qui reposaient à côté (car ils traversaient le lieu des tombes ouvertes) avait pendant, quelques instants, marché et plongé follement : “Que pensez-vous, sacrificateurs ! Avez-vous crucifié un homme ou un dieu ? Nous pensons que ses puissants prodiges nous disent qu’il était plus qu’un homme ! Toute la nature sympathise avec sa mort ! Le soleil voilà son éclat, les cieux se vêtirent en deuil, Jupiter envoya des éclairs furieux et la terre elle-même se souleva et s’ébranla comme si elle partageait la peine universelle !”

Les sacrificateurs parurent troublés et semblèrent incapables de répondre ; mais Tereh, le principal sacrificateur de la maison de Mariah, répondit et dit :

“Mon seigneur, ce fut de prodigieux phénomènes mais ils se seraient produits si ce Nazaréen n’était pas mort ! Voici un célèbre astrologue venant d’Arabie, qui étudie les cieux et qui dit que cette obscurité fut causée par une éclipse de soleil ! Le nuage sombre n’était que la fumée des sacrifices pendant que le tremblement de terre n’était qu’un phénomène naturel et habituel !”

“Arrête, monsieur le sacrificateur” répondit Pilate “nous à Rome, quoique appelés barbares par vous policés Juifs, avons un certain savoir en astrologie. Nous savons bien qu’une éclipse du soleil ne peut avoir lieu que quand la lune est nouvelle ! Aujourd’hui, la veille du Grand Jour, c’est la pleine lune, et elle se lèvera cette nuit presque à l’opposé du soleil ! Ce ne fut pas une éclipse, monsieur le sacrificateur et ton Arabe est un faux astrologue. Ces évènements eurent lieu parce que cet homme divin, votre roi, fut exécuté.”

“Pourquoi pas aussi bien pour les deux voleurs ?” demanda Abner avec un sourire incrédule sur ses lèvres.

Pilate ne répondit pas, et chevauchait déjà quand Tereh, au nom de principaux sacrificateurs, lui demanda la permission d’avoir le corps des crucifiés retirés des croix et enterrés.

“Ils ne peuvent pas encore être morts, puisque c’est seulement sept heures depuis qu’ils furent cloués à la croix” dit Pilate “je verrai de moi-même.”

Parlant ainsi, le Procurateur romain éperonna vers le lieu, suivi de sa garde du corps ; tantôt évitant une tombe ouverte ; tantôt sautant l’un des gouffres fraîchement ouverts ; tantôt tournant à côté de quelque corps sorti par le tremblement de terre. Quand il vint devant les croix, il vit que Jésus pendait comme s’Il était mort pendant que les voleurs respiraient encore et, de temps en temps, poussaient des gémissements d’angoisse, quoique en partie insensibles suite aux effets de la drogue qui leur avait été administrée.

“Penses-tu, Romulus, qu’Il a de la vie en Lui ?” demanda Pilate en baissant la voix, fixant de manière triste et avec un regard de reproche à lui-m^me, la forme languissante de sa victime.

“Il est mort, il y a une heure” répondit le Centurion “Il expira quand le tremblement de terre secoua la ville et l’épée flamboyante fut dégainée en l’air au dessus du Temple ! Ce fut une vue terrible, monsieur, et le plus étonnant fut de la voir se transformer dans la forme d’une croix de feu. Je crains, monsieur, que nous ayons crucifié l’un des dieux dans la forme humaine.”

“Il semblerai ainsi, Centurion” répondit Pilate, hochant la tête. “J’aurais souhaité que cela n’ait pas été fait ! Mais c’est passé ! Les Juifs désirent que les corps soient enlevés avant leur grand Sabbat. Les ordres de César sont qu’on doit toujours se prêter à leurs caprices en toutes choses concernant leur religion, qui ne militent pas contre les lois impériales. Qu’ils obtiennent satisfaction à leur désir. Les voleurs ne sont pas encore morts !”

“Presque. Je briserai leurs jambes et enlèverai leurs corps, ton excellence” répondit le Centurion.

Ensuite, Pilate tourna son cheval et quitta le lieu lentement et avec tristesse. Romulus donna des ordres à ses soldats pour enlever les corps. L’un deux s’approcha avec une hache de guerre du voleur Omri et, par deux coups, brisa ses genoux. Avec un frémissement qui secoua la croix, il cessa de bouger. Le premier coup sur les membres d’Ismerai lui fit ouvrir ses yeux et marmonner une exécration à moitié intelligible ; mais au second coup, son énorme tête tomba sur sa poitrine velue et, marmonnant une malédiction sur ses exécuteurs, il pendit là le moment suivant, mort ! Quand les soldats vinrent à Jésus, ils virent qu’Il était déjà mort !

“Ne brisons pas ses jambes” dit l’un à l’autre “ce serait un sacrilège de gâcher une telle forme virile.”

“Cependant, nous devons nous assurer de sa mort avant qu’Il ne puisse être enlevé” répondit l’autre “je Le percerai pour être sûr !”

Parlant ainsi, le soldat dirigea sa lance au côté de Jésus et perça la chair jusqu’au cœur. Jean, qui se tenait tout près, vit et entendit tout, en voyant ceci fait, inclina sa tête dans un total abandon d’espoir ! Jusqu’à ce moment, il avait cru que Jésus allait reprendre et descendre de la croix ; car jusqu’à la fin toute notre foi dans son pouvoir pour se sauver était ferme, quoique très éprouvée quand nous Le vîmes dans les mains des soldats romains. Même quand nous Le vîmes cloué à la croix, nous ne perdîmes pas espoir car nous L’avions tous vu ressusciter Lazare mort ; et sentions qu’Il pouvait se libérer de la croix vivant aussi. Et quoique après le tremblement de terre, nous quittâmes la colline et retournâmes dans la ville, chagrinés et nous frappant la poitrine, souvent nous nous attardions et regardions en arrière où Il pendait, nous attendant à Le voir descendre de sa croix et se proclamer, par un tel puissant miracle, le Fils de Dieu.

Jean, ayant d’abord confié la mère de Jésus à notre soin, resta avec plusieurs des femmes et autres qui avaient aimé et suivi Jésus, Le regardant et s’attendant à quelque grand miracle.

Mais quand le malheureux disciple vit la lance romaine percer son côté, son propre cœur sembla être percé aussi. L’espoir périt pour toujours ! Jésus était mort – mort, et prouvait ainsi qu’Il n’était pas le Christ de Dieu qu’Il se proclama être ! Cependant son émotion n’était pas de colère mais de chagrin ; car il L’avait beaucoup aimé.

Quand il leva sa tête pour regarder son crucifié Maître, il vit, coulant de la blessure à son côté, deux fontaines en même temps, l’un de sang cramoisi et voici ! l’autre d’eau cristal ! Il ne put pas croire ce qu’Il voyait jusqu’à ce que le Centurion et les soldats expriment à haute voix leur étonnement par à une telle merveille.

“Jamais un tel homme n’avait été crucifié auparavant” s’exclama le Centurion. “Il est sans doute l’un des dieux immortels, et par conséquent les cieux et la terre sont émus avec étonnement par l’action !”

Quand Jean vit que Jésus était réellement totalement mort et que tout espoir de restauration à la vie était détruit il s’approcha et demanda au Centurion la permission d’avoir le corps ; car il avait promis à la mère affligée du fils mort qu’il allait le récupérer, si possible, pour l’enterrement sacré. Mais le Centurion, quoique un homme gentil et généreux, répondit qu’il ne pouvait livrer le corps à aucun homme sans ordre signé par la propre main du Procurateur.

Sur ce, Jean après avoir obtenu la promesse du Centurion que le corps ne serait pas descendu jusqu’à son retour, courut vite vers la ville pour demander le consentement de Pilate. Mais pendant ce temps, Rabbi Joseph, le conseiller d’Arimathée que, mon cher père, tu as, il y a plusieurs années, bien connu comme étant  un homme de probité et d’honneur, et qui est en grande estime de Pilate, rencontra le Gouverneur au moment où ce dernier longeait le mur  de la ville avec sa cohorte et lui demanda qu’il puisse, après que Jésus serait déclaré mort, descendre le corps et lui donner un sépulcre. Pilate n’hésita pas à donner son prompt consentement à cette requête, et prenant de sa bourse un petit sceau gravé de son code, il le plaça dans les mains du riche Rabbi.

“Va et reçois de ce merveilleux homme” dit-il. “Il me semble que tu es quelqu’un qui le connaissait mieux. Que penses-tu de lui, Rabbi ?” Joseph s’aperçut que Pilate lui posa la question avec un profond intérêt, apparemment très troublé dans son esprit, et il lui répondit hardiment :

“Je crois qu’Il fut un Prophète envoyé de Dieu, ton excellence, et que aujourd’hui est mort sur le Calvaire, le plus vertueux, le plus sage et le plus innocent homme dans l’empire de César.”

“Ma conscience fait écho à tes paroles” répondit Pilate sombrement ; et éperonnant son cheval, il galopa dans la direction des jardins de Gethsemané.

Jean, par conséquent, ne vit pas Pilate ; mais en rentrant de la ville, épuisés et désappointé, il rencontra le dirigeant Nicodème qui, accompagné de l’un de ses esclaves Gibeonites, se hâtait dans la ville pour acheter des épices et du lin pour envelopper le corps, comme le veut notre façon d’enterrer. [1] De lui, Jean apprit avec une grande joie comment Rabbi Joseph avait vu Pilate et obtenu de lui la permission de descendre le corps et de l’emmener.

Quand Jean atteignit la croix, il trouva que Joseph, avec l’aide de Lazare, Simon Pierre, Marie, Marthe et Rabbi Amos, l’avait sorti de son trou dans la roche avec son précieux fardeau et posée doucement à terre avec le corps toujours étendu dessus. Avec beaucoup de larmes et de lamentations, ils ôtèrent les clous en cuivre des mains déchirées et des pieds blessés, et avec l’eau d’un étang proche, enlevèrent le précieux sang, enveloppèrent les membres albâtres dans les épices et le lin blanc que Nicodème arriva sous peu avec.

Les corps des voleurs, pendant ce temps, furent pris ou plutôt arrachés par les soldats et jetés ensemble dans l’un des gouffres béants faits par le tremblement de terre, et couverts par des fragments de pierre que les soldats, assistés par certains des plus vils Juifs qui s’attardaient encore près de cet endroit, jetèrent sur eux. Ce fut une grande faveur obtenue de Pilate que le corps de Jésus ne soit pas aussi jeté dans le trou.

Dans le calme, saint crépuscule de ce terrible jour, tout l’ouest ombragé d’or et de lumière veloutée, l’air dormant et un silence sacré régnant au ciel et sur la terre, ils portèrent loin de la colline de la mort le corps du Prophète mort. Les épaules de Nicodème, de Pierre, de Lazare et de Jean soutenaient doucement l’affectueux poids de Celui qu’autrefois ils honorèrent par dessus tous les hommes, et qu’ils aimaient encore pour ses peines si patiemment endurées, pour ses vertus dont ils se souvenaient de façon précise, quoique Il ait prouvé par sa mort, comme ils croyaient, s’être fatalement trompé lui-même quant à sa mission divine.

Lentement, le petit groupe prit son chemin en serpentant le long de la surface rocailleuse de Golgotha, le dernier à quitter ce terrible endroit à l’approche de l’obscurité. Leurs pas mesurés, leurs chuchotements, le gémissement atténué des femmes qui suivaient la rude bière des branches, le chemin isolé qu’ils suivaient, tout combinait à rendre le spectacle de la plus touchante solennité. Les ombres du soir étaient rassemblés intimement autour d’eux. Ils prirent une voie secrète par crainte des Juifs. Mais certains qui les rencontrèrent se tournèrent de côté avec crainte quand ils surent quel corps était emmené ; car l’impression des scènes effrayantes du jour n’était pas complètement sortie de leurs esprits. A la fin, ils atteignirent une porte dans le mur du jardin attenant à la noble demeure du riche Rabbi Joseph, qui allait devant et qui, avec une clé, l’ouvrit et les admit dans l’enclos isolé. Là, l’épaisseur du feuillage des oliviers et des figuiers causait une obscurité totale ; car par ce temps, l’étoile du soir brillait comme une lampe, dans l’ouest rosi. Ils posèrent la bière sur le pavement sous l’arc et attendirent en silence et dans l’obscurité l’apparition des torches que Rabbi Joseph avait fait venir de sa maison. Les serviteurs qui les apportaient furent aussitôt vus s’avançant, la vacillante lumière des flambeaux donnant à toutes choses, rendues visibles par elle, un aspect sauvage en accord avec l’heure.

“Suivez-moi” dit Joseph d’une voix basse, qui était chargée de grande peine alors que ses serviteurs le précédaient avec des torches.

Les tristes porteurs du corps mort de Jésus levèrent leur fardeau sacré de terre et marchèrent en avant, leurs pas mesurés faisant écho parmi les allées du jardin. A son extrémité éloignée, où la roche surplombe la vallée et forme à cet endroit le mur du jardin, était un petit escalier de pierres conduisant à une tombe neuve taillée dans la roche. Elle avait été faite pour le Rabbi lui-même et venait d’être achevée et personne n’y était reposé.

Les torches éclairèrent vivement sa porte massive et un sombre cyprès dont les branches penchaient dans une majestueuse obscurité autour de lui. Il semblait être le vrai temple et haut lieu de mort, tout était si isolé – si solennel – si funèbre.

Les serviteurs, sur ordre de Joseph, roulèrent la pierre et exposèrent le sombre caveau du sépulcre béant.

“Comment se fait-il, très digne Rabbi” dit un Centurion Romain, leur apprenant tout d’un coup sa présence par sa voix “que vous enterrez ainsi avec honneur un homme qui s’est avéré incapable de tenir les éclatantes promesses avec lesquelles il a séduit tant de gens parmi vous ?”

Tous se retournèrent avec surprise en voyant, non seulement le Centurion, mais une dizaine d’hommes en armes, sur les casques et cuirasses desquels les torches brillèrent, marchant dans l’herbe vers le lieu.

“Que signifie cette intrusion ?” demanda Rabbi Joseph.

“Je suis envoyé ici par ordre du Procurateur” répondit le Centurion “les chefs Juifs ont eu un entretien avec lui, l’informant que l’homme qu’il avait crucifié avait annoncé qu’après trois jours il allait ressusciter. Par conséquent, ils ont demandé qu’il leur soit donné une garde à placer devant le sépulcre jusqu’au troisième jour de peur que ses disciples ne retirent secrètement le corps et ne racontent que leur Maître est ressuscité. Pilate, par conséquent, m’a ordonné de veiller cette nuit avec mes hommes.” [2]

Pendant que le Centurion parlait, plusieurs sacrificateurs que Joseph connaissait s’approchèrent, portant des torches ; et également un groupe de femmes, parentes de Joseph et de Marie, qui avaient appris où ils enterraient le corps, vinrent voir l’endroit où Il reposerait.

“Nous L’enterrons avec déférence et respect, Centurion” répondit Rabbi Joseph “car nous croyons qu’Il n’est pas trompeur, mais qu’Il a été trompé. Il fut donné par Dieu avec un grand pouvoir et par conséquent Il croyait sans aucun doute qu’Il pouvait toutes choses. Il fut tellement Saint, Sage et Bon pour tromper. Il est tombé victime de ses propres vœux pour le bien d’Israël, qui étaient impossible à être réalisés par un homme. Nous rendons cette honneur à la mémoire de Celui qu’on ne pouvait qu’aimer quand on Le connaissait, même si nous sommes désappointés en ce qui concerne le rétablissement par Lui du royaume en Juda.”

Le corps de Jésus, enveloppé dans son linceul de lin sans tâche, et entouré par les épices de préservation d’Arabie, fut alors porté dans la tombe et posé avec révérence sur la table de pierre que Joseph avait préparée pour son propre dernier lieu de repos. Par la lumière des torches, tous ceux qui étaient présents jetèrent un dernier regard sur le corps, même les femmes de Galilée aussi, et avant qu’ils ne ferment la tombe, Marie de Béthanie, sa sœur Marthe et Lazare semblèrent aussi par le regard faire un adieu déchirant aux traits immobiles et calmes du Prophète mort ; car un prophète, depuis les remarquables phénomènes accompagnant sa mort, nous sommes tous maintenant assurés qu’Il doit l’avoir été ; et que nous avons complètement mal compris dans leur profondeur divine beaucoup de ses dires et prophéties Le concernant ! Simon Pierre fut le dernier à quitter le corps à côté duquel il était agenouillé comme s’il n’allait jamais le quitter, répandant tout ce temps d’abondantes larmes de chagrin amer. C’est seulement Jean, à la fin, en l’entraînant doucement, qui permit au Centurion et aux soldats de fermer la lourde porte de la tombe. L’ayant fixée uniformément en le tournant dans son emboîture, le porteur du sceau du Procurateur, qui était venu avec les soldats, plaça une masse de cire, fondue par une torche, sur chacune de ses côtés sur les fissures et marqua chacune du sceau impérial, que briser signifie la mort !

Les Juifs qui étaient présents, voyant que le sépulcre était ainsi rendu sûr par le scellement de la pierre et l’installation d’une garde romaine de dix-huit hommes pour veiller, s’en allèrent. Rabbi Joseph, Nicodème et le reste des amis de Jésus se retirèrent alors lentement, laissant un garde faisant les cent pas devant la tombe pendant que les autres étaient groupés aux environs sous les arbres ou sur les marches du sépulcre, jouant à leur jeu favori de dé, ou regardant la grande une, conversant ou chantant leurs airs natifs italiens ; cependant avec leurs armes à portée de la main, prêt à bondir sur leurs pieds à la moindre alarme ou mot d’alerte. La haute silhouette du Centurion, debout sans mouvement, appuyé sur la garde de sa longue épée droite, dans une attitude méditative à côté de la tombe, fut à la fin cachée de la vue des disciples qui se retiraient, par l’angle dans le chemin qui tourne dans la direction de la porte.

(Quelque chose de terrible doit, en cet instant, s’être produite car la maison vient d’être secouée comme si c’était un tremblement de terre. Que peut être la signification de ces merveilles ?)

Telle est, mon cher père, l’histoire de l’arrestation, le procès, le jugement, la crucifixion, la mort et l’enterrement du puissant Prophète Nazaréen. Il fait maintenant presque jour et je ne suis pas fatiguée de t’écrire sur un si grand sujet. Je suis entrée ainsi dans les détails, non seulement pour te permettre de voir, comme si tu avais été présent à tout ce qui se passait, mais à la demande de mon oncle, Rabbi Amos, et aussi pour donner libre court à ma propre plénitude d’émotion. Il m’appartenait, moi, qui avait cru en Lui si fermement de montrer que, quoique Il fut crucifié et est mort, les extraordinaires évènements qui accompagnèrent sa crucifixion ont attesté qu’Il était plus qu’un homme si pas le vrai Messie ; et que par conséquent, il y a une excuse, non seulement pour moi, pour avoir été son disciple, mais pour tous les autres qui Le suivirent. Tu peux aussi t’apercevoir, mon cher père, dans la manière honorable dans laquelle Il fut enterré par l’éminent conseiller, Rabbi Joseph d’Arimathée, qu’Il fut jugé, par ce dernier, innocent de tout crime coupable d’une telle mort ; et qu’il croyait qu’Il avait été trompé, plutôt qu’être trompeur.

C’est cette vue de son caractère, combiné avec sa patience, sa dignité, son air de divine innocente pendant son procès, qui nous fait tous encore penser et parler de Lui avec tendresse et pleurs. Tout ce qui nous reste de Lui est son corps, et à ceci nous avons rendu hommage de notre affection révérencieuse.

Ce matin, Marie et Marthe, avec d’autres , sont allées visiter sa tombe dans le jardin de Joseph (comme je l’ai déjà dit) dans le but de l’embaumer ; et à leur retour, nous devons aller à Béthanie pour quelques jours, jusqu’à ce que la violente hostilité des Juifs envers ses suiveurs s’apaise. Le Procurateur attend, chaque jour, quatre légions de soldats romains venant de Syrie, en renfort. Alors, il sera capable de nous protéger et de maintenir complètement la  suprématie du pouvoir romain. Oh, si ces forces avaient été ici le jour de la crucifixion, alors , dit Rabbi Amos, Pilate, conscient de la force militaire, aurait agi librement et sauvé Jésus des mains de ses ennemis.

J’entends maintenant les voix de Marie et Marthe, dans la cour de la rue revenant de la tombe. Elles sont transportées dans une débordante note de joie ! Que peut signifier le tumulte – les exclamations – la course et le bruit à travers les corridors et la cour ? Je dois clore et courir pour apprendre quelle nouvelle terreur ou quel merveille s’est produit.

En hâte, ton affectueuse fille,

Adina

[1] Jean 19 :39

[2] Matthieu 27 :62-64