LETTRE XXXIII
Mon cher père,
Dans cette lettre, que j’écris dans la solitude de ma chambre, pendant que tous dans la maison ont cherché le repos, je continuerai mon récit du procès, si cela peut être appelé ainsi, de Jésus. Je t’ai déjà montré comment Il fut premièrement emmené à Anne et, de là, traîné devant Caïphe et le Sanhédrin qui, n’étant pas en mesure d’exécuter sur Lui la sentence de mort, L’envoyèrent au Procurateur Pilate, avec l’accusation de conspiration ; pendant que ce dernier, répugnant de condamner un homme qu’il savait être innocent de tout crime et, craignant cependant de Le relâcher de peur d’être accusé par les Juifs à César, chercha à rejeter la responsabilité sur Hérode dans la Tétrarchie duquel se trouve Nazareth où Jésus demeurait ordinairement.
Jean, le fidèle, et cependant confiant disciple que Jésus aimait, se tenait toujours à côté de son captif Maître, et cherchait à Le réconforter par des regards affectueux et, là où il pouvait le faire en toute sécurité, par des actes aimables. Plus d’une fois, il fut poussé de côté par les Juifs les plus féroces et, une fois, plusieurs hommes le saisirent et lui auraient fait violence, comme un suiveur du Prophète, si Caïphe, à qui Jean est vaguement apparenté, et qui le connaît bien, ne s’était pas interposé. En effet, ce fut à travers cette influence protectrice du Souverain Sacrificateur que le disciple fut autorisé à rester auprès de Jésus. Et pendant que Jean faisait ainsi tout ce qu’il pouvait pour adoucir la rudesse du traitement de son ami, nous, à la maison, nous employions à apaiser la maternelle sollicitude de Marie de Nazareth, sa noble mère au cœur brisé que nous ne pouvions qu’avec peine empêcher de se précipiter au palais pour se jeter aux pieds du Procurateur et l’implorer de s’interposer pour sauver son fils – son fils unique – des mains de ses propres compatriotes ! Ainsi, ces deux scènes d’angoisses, au palais et à la maison de Rabbi Amos, se déroulaient. Marie, Marthe et Lazare étaient aussi avec nous, étant venus dans la ville aussitôt que la lettre de ma cousine Marie les atteignit ; et en outre, il y avait avec nous quatre ou cinq des disciples, qui étaient venus, un par un, secrètement, de peur d’être attrapés par les Juifs et attendaient anxieusement ici l’issue, et croyant fermement que Jésus allait encore se libérer Lui-même par son pouvoir divin et miraculeux. A chaque approche de pas à la porte, ils criaient vivement : “c’est le Seigneur !” Mais, ah, en vain leurs espoirs et toutes nos anticipations.
Hérode, le Tétrarque de Galilée, qui occupait le vieux palais des Macchabées qu’Alexandre, le Macédonien, avait construit pour Séleucus, rompait son jeûne avec du fruit et du vin, à une table ayant vue, par une fenêtre, sur la rue des Gentils, quand le bruit de milliers de Juifs avançant, qui amenaient Jésus devant lui, atteignit ses oreilles. Il se leva de table et dit :
“Ces gens sont sûrement en insurrection contre Pilate !”
“Non, grand prince” répondit le jeune Abel, son échanson, qui est parenté à Jean et qui m’apprit plusieurs de ces choses ; “ils ont capturé le Prophète Nazaréen Jésus et Lui font un procès pour sédition.”
“Ce tumulte ne vient pas d’un procès mais d’une vaste foule en mouvement et ils semblent approcher” fut sa réponse à lui.
Pendant qu’Hérode parlait, il alla au treillis de sa basilique et vit la tête de la foule venant d’émerger dans la rue, en provenance de celle qui descend de la colline du Prétoire. D’abord, il ne put pas dégager de cette masse confuse une quelconque chose particulière.
“Il y a des lances et des Romains à l’avant-garde – et je vois des sacrificateurs et des paysans mélangés. Je vois maintenant la cause de tout le tumulte – un simple jeune, attaché et sali, et pâle comme le marbre ! Quoi, messieurs, n’est-ce pas le Grand Prophète dont j’ai entendu la renommée ?” dit-il, se tournant vers ses officiers. “Que veulent-ils en l’amenant ici ? Pourtant, par Bacchus, je suis content d’avoir une vue de Lui !”
La foule, semblable au bouillonnement Nil, afflua vers les entrées, hurlant et se frottant comme ses puissants cataractes, si bien qu’il y avait quelque chose de terriblement sublime dans cette démonstration de puissance de passions humaines. Aemilius, avec peine, réussit à faire entrer son prisonnier dans la galerie du palais, si étroitement pressé par la foule des Juifs autour et sur Lui. A la fin, il se tint avec Lui devant Hérode, dans son Hall du banquet, qui avait à son autre extrémité une estrade ou un trône, où le Tétrarque s’assit, pendant que les Juifs remplissaient toute la vaste salle avec une vague de faces passionnées.
“Très royal prince” dit Aemilius, s’agenouillant devant Hérode et présentant la chevalière “je suis envoyé par son excellence Ponce Pilate, le Procurateur Romain de Judée, pour amener devant toi cette personne, accusée de blasphème ! Ignorant de vos coutumes et foi, le gouverneur désire que toi, qui es de sa nation, tu veuilles l’interroger ; et en plus, Pilate, apprenant qu’Il est un Galiléen et un sujet de ta juridiction, refuse courtoisement d’interférer avec ton autorité.”
Quand Hérode Antipas entendit, si courtoisement délivré, un message du Procurateur avec qui il avait été pendant quelques temps en inimitié, il fut content.
“Monsieur le Chevalier, dis à son excellence, le très noble et princier Gouverneur de Judée, que j’apprécie son extraordinaire civilité, et que rien ne me donnera plus de plaisir, en retour d’une telle courtoisie distinguée, que d’être considéré par lui comme son ami ; et que je regrette tout événement qui nous a jusqu’ici brouillés. Transmets-Lui mon assurance de la haute considération dans laquelle il a toujours été tenu par moi.”
Aemilius, ayant reçu cette réponse, se releva, s’inclina et ensuite dit avec l’hardiesse qui le caractérise :
“Très gracieux et royal Tétrarque, je te prie de ne pas faire attention aux accusations de ces Juifs, concernant ce prisonnier. Ils ont conçu contre Lui une haine implacable sans raison valable. Il n’a rien fait qui mérite la mort ! Pilate n’a trouvé quoi que ce soit en Lui qui put retenir l’attention de la dignité d’un tribunal romain.”
“Que ton prisonnier ne craigne rien” répondit Hérode, regardant attentivement Jésus au même moment, alors qu’Il se tenait devant Lui, dans le calme majesté d’innocence. “Je ne prendrai pas de sa main, la prérogative du jugement de Pilate, si gracieusement tendue à moi. S’Il a blasphémé – Mehercule ! le Souverain Sacrificateur, et les Sacrificateurs du Temple même” ajouta-t-il en riant “le font chaque jour de leurs vies ; car la religion est très basse parmi les canailles hypocrites. Je n’ai rien à faire avec leurs accusations de blasphème, ou je les aurai tous lapidés à mort, sans miséricorde. J’aimerai d’abord voir quelques miracles accomplis par ton très célèbre prisonnier, noble Aemilius, et ensuite le renverrai à mon illustre ami Ponce, dont les dieux prospèrent en toutes choses.”
Ensuite, Hérode fixant curieusement ses yeux sur Jésus, qui se tenait silencieux devant lui, apparemment la seule personne sans mouvement dans la vaste multitude, qui se bousculait et murmurait autour de Lui, dit aux soldats :
“Déliez-Le ! Par le bâton de Jacob ! Il a été rudement traité. Hommes d’Israël, il ne vous convient de faire violence à un homme avant qu’il ne soit condamné ; et ensuite s’il est prouvé qu’il a fait quelque chose qui mérite le châtiment, que la loi le punisse. Cet homme est un Galiléen, et je suis résolu à le voir obtenir justice, et à le protéger du mal.”
Pendant qu’il parlait, Jean arrangea son manteau autour de sa forme. Hérode regarda avec intérêt et compassion, la pâle et divinement sereine mine du prisonnier ; et il sembla être frappé par l’indescriptible majesté de son aspect et allure et la pureté d’âme qui brillait de ses saints yeux.
“Es-tu le Nazaréen, Jésus, au sujet duquel j’ai tant entendu ?” demanda-t-il d’un ton de déférence.
“Je le suis” fut la calme réponse du captif.
“Alors, c’est avec plaisir que je te rencontre ; car j’ai longtemps désiré te voir ; et je voudrais volontiers te voir faire quelque miracle. Les hommes disent que tu peux guérir le malade, restaurer l’estropié et ressusciter le mort ! La rumeur dément-elle tes pouvoirs ? Quoi ! tu es silencieux ! Ne connais-tu pas celui qui te parle ? Viens ici gaillard.” Il appela un muletier Samaritain qui se tenait dans la foule, dont la face ovale et les yeux juifs montraient qu’il était à la fois de descendance assyrienne et israélite, dont le bras avait été coupé par un épée, dans un combat contre Barabbas et ses voleurs ; “viens ici, et que ce prophète prouve son pouvoir et sa mission en restaurant entièrement ton bras, semblable à l’autre !”
L’homme vint vivement et tous les yeux furent dirigés avec passion sur lui et sur Jésus ; mais il poussa en vain sur ordre de Hérode, le moignon de son bras devant Jésus. Les yeux du Prophète ne bougèrent pas de leur regard méditatif au sol.
“Te moques-tu de nous, toi, faux Christ ?” cria le Tétrarque fâché “ne vas-tu ni parler, ni agir ? Si tu n’es pas un imposteur, fais un miracle devant nous tous, et nous croirons en toi !”
Jésus resta sans mouvement, cependant préserva une ferme et majestueuse mine, qui Le fit paraître plus royal que Hérode.
“C’est un trompeur ! Il fait ses œuvres par Beelzebub, qui l’a maintenant abandonné !” crièrent les sacrificateurs.
“Nazaréen” dit Hérode “je suis un Juif aussi. Si tu veux me prouver, par un signe que je vais citer, que tu es le Christ, je ne deviendrai pas seulement ton suiveur, mais te laisserai aller librement. Ton silence est une insulte à mon pouvoir. Je te préviens que ma patience n’est pas divine. Je n’ai pas de prétention à la sainteté supérieure. Tu vois au dessus de la statue de marbre de Judas Macchabée. Ordonne à l’épée dans sa main de bouger trois fois au dessus de sa tête casquée et je fléchirai les genoux devant toi ! Non – veux pas ? Je te donnerai, alors, quelque chose de plus facile à faire ! Vois-tu les grenades taillées dans l’entablement du mur ? Dis à l’une qui pend au dessus de cette colonne de mûrir en fruit naturel et de tomber à mes pieds ! Non ?”
“Il n’a aucun pouvoir – son ami Beelzebub l’a abandonné entre nos mains ! Mort au nécromancier !” furent les terribles paroles qui firent alors trembler le Hall.
“Il est un blasphémateur maudit ! Il s’appelle lui-même le Fils de Dieu ! Il brise le jour du Sabbat ! Il est un ennemi de notre religion ! Il détruirait le Temple” fut crié par Abner, les sacrificateurs et les scribes.
“Vois la tempête que tu as soulevée, o Nazaréen !” cria Hérode, se levant “si tu es un prophète, ils ne peuvent te faire aucun mal ; et si tu es un imposteur, s’ils te tuent, tu mérites ton sort ! Je te remets entre leurs mains ! Sauve-toi toi-même si tu es le Christ !”
A peine Hérode avait-il dit ces mots, abandonnant Jésus entre les mains de ses ennemis, que, avec un cri sauvage, comme des chacals affamés dans le désert se ruent sur leur proie, ils se ruèrent sur leur victime. Aemilius ne put pas Le protéger ; voire, certains soldats d’Hérode, que les Juifs avaient à demi intoxiqués avec du vin, se joignirent à eux aussitôt qu’ils virent que leur maître Antipas L’avait rejeté, et commencèrent à se moquer de Lui et l’un d’eux enfonça un casque sur sa tête, et abaissa la visière sur ses yeux !
“Non” dit Hérode, en voyant ceci “comme Il s’appelle Lui-même un roi, enlève le casque et couronne-Le, et habille-Le royalement et place un sceptre dans sa main ; et voici au dessus du billot, tu Lui feras un trône approprié ! Nous devons montrer à Pilate comment, nous Juifs, servons les hommes qui usurpent le pouvoir de son maître, César !”
Aucune parole ne pouvait avoir mieux plu au peuple, sauf celle qui aurait condamné Jésus à mort. Avec une joyeuse réaction, ils commencèrent à mettre à exécution le conseil qu’il leur avait si méchamment donné. L’un des hommes de guerre apporta une vieille robe de pourpre, qui appartenait à Hérode, et avec de forts éclats de rire, et des plaisanteries vulgaires, ils Le vêtirent, Jésus n’offrant aucune résistance, comme l’agneau entouré pour le sacrifice. Ensuite, quelqu’un démêla les épines grimpantes qui poussaient sur le mur extérieur et les enroula dans la forme d’une couronne, qu’il tendit, par dessus les têtes des hommes, à Abner, dont la haine envers Jésus provenait du fait bien connu que parmi les changeurs de monnaie qu’Il chassa du Temple, se trouvait un jeune frère qui, par son affaire, faisait de gros gains pour l’avaricieux sacrificateur. Ce dernier, par conséquent, ne pardonna jamais cet acte du Prophète.
Quand Abner vit la couronne, il sourit avec une malicieuse reconnaissance, et l’approuvant de la tête, il dit :
“C’est ce dont nous avions besoin ! Rien ne pouvait être mieux fait.” Et avec ses deux mains, il la plaça sur la tête de Jésus, pressant cruellement les épines aiguës dans ses tempes, jusqu’à ce que le sang coula d’une douzaine de plaies. Jésus ne se plaignit pas, mais la douleur fit couler de ses yeux, de grosses larmes brillantes, qui roulèrent sur ses joues et tombèrent le long de la robe pourpre comme d’étincelantes perles.
“Voici également un sceptre pour notre roi !” s’exclama le Samaritain ayant un seul bras, utilisant ce dernier pour faire passer à ceux qui paraient Jésus une pièce de roseau, de laquelle un agneau pascal avait été lancé avec force. Ceci fut enfoncé dans l’empoigne du Prophète et Il le tint avec patience. Sa soumission, son silence, son endurance face à la douleur, sa constante dignité, et la majestueuse soumission qu’Il paraissait manifester devant toutes leurs insultes et tortures, amenèrent des larmes aux yeux d’Aemilius ; et Jean, incapable de faire du bien à son cher Maître, s’agenouillant à ses pieds, les mouilla de ses larmes et ne se détacha pas de Lui quoique les hommes marchèrent sur lui et le frappèrent ; mais il désirait souffrir avec son Maître et, comme il me le dit, aurait porté avec plaisir tous ses affronts à sa place. Même Hérode se tenait, étonné par une telle patience divine, et il dit à son capitaine chef :
“Si cet homme n’est pas le Fils de Dieu, Il est digne d’être déifié. Une telle patience sublime est plus qu’humaine – elle est divine ! Vous Romains, Aemilius, feraient d’un tel homme un héros, et quand il mourrait, l’adoreraient comme un dieu !”
“Alors, puissant prince, pourquoi accepte-t-Il d’être traité ainsi ?” demanda Aemilius.
“C’est son propre choix. Je l’ai traité loyalement. Je ne lui ai demandé qu’un de ces miracles que les gens disent qu’il accomplit, comme preuve qu’il est le Messie, et il ne m’en fait aucun – ne me montra aucun signe. La conclusion est qu’il ne peut en faire aucun et, par conséquent, il est un imposteur. Par ailleurs, pourquoi ne me prouve-t-il pas ses prétentions en faisant en miracle ?”
“Très royal prince” dit Abner à haute voix “tu vois maintenant le ‘Roi des Juifs’, couronné, vêtu, et ayant un sceptre !” et il pointa Jésus.
“Salut ! très puissant Souverain de Galilée ! Salut ! Roi des pêcheurs” cria Hérode, se moquant de Lui, et apparemment très amusé à cette plaisanterie. “Si tu veux me dire dans quelle partie des nuages se trouve ta capitale, ma cour et moi te rendrons une visite. Sans doute, as-tu une brave armée de pêcheurs Galiléens et une puissante flotte de navires de pêche ! Salut ! puissant roi ! Quoi, gaillards, hommes aux armes, et vous tous qui restez bouche bée ! ne fléchissez-vous pas les genoux devant ce personnage royal ? Rendez hommage à votre roi !”
Sur ce, plusieurs qui étaient autour de Lui s’agenouillèrent et certains, avec moquerie, se prosternèrent même devant le Prophète ; mais Il se tenait tellement comme un monarque que d’autres, qui étaient sur le point de se moquer de Lui, s’abstinrent ; pendant que Hérode, se tournant ailleurs avec un regard troublé, disait abruptement :
“Ramenez-le au Procurateur !”
Une fois de plus la vaste multitude fut en mouvement et, avec des cris et des insultes, escorta Jésus de la présence de Hérode au Prétoire, comme je l’ai déjà dit dans ma précédente lettre.
Quand Pilate vit leur retour de cette façon, et comprit comment Hérode déclina d’exercer son privilège en la matière, il fut très vexé. Quand, une fois de plus, Jésus se tint devant lui, paré comme je l’ai décrit, de la splendide robe et de la couronne, Pilate, se tournant vers Caïphe et les sacrificateurs, dit fâché :
“Que voulez-vous avoir de plus ? pourquoi avoir ramené cet homme devant moi ? Vous dites qu’il pervertit le peuple. Voici, je l’ai examiné devant vous, et je n’ai trouvé aucune faute en lui. Vous n’avez rien prouvé par vos témoins concernant ces choses pour lesquelles vous l’accusez. Je vous ai alors envoyé avec lui à Hérode, et voici ! le Tétrarque de Galilée, l’un de votre nation, ne trouve rien en lui qui mérite la mort ! Sans doute, il a dit quelque chose au sujet de ne pas payer le tribut, et mérite pour cela une légère punition, mais pas la mort. Je le châtierai, lui ordonnerai d’être plus prudent et le laisserai aller.”[1]
“Si tu laisses aller cet homme, tu es un ennemi de Tibère” répondit Caïphe “vois-tu quel trouble il a provoqué dans la ville ? S’il est relâché, il y aura une révolution, et César viendra et ôtera notre lieu et nation. Serait-il mieux que tous les hommes en Judée périssent plutôt qu’un homme ? Il est commode qu’il meure pour le peuple. Rien moins que sa mort sauvera maintenant notre nation !”
“Dans le nom de l’Olympien Jupiter, o Nazaréen, qu’as-tu fait pour courroucer ces Juifs ? Si tu es leur roi, prouve-le leur ou à moi” demanda Pilate, très troublé.
“Mon royaume n’est pas sur la terre” répondit Jésus “si mon royaume était terrestre, alors mes serviteurs auraient combattu afin que je ne fusses pas livré aux Juifs ; mais mon royaume n’est pas de ce monde.”[2]
“Ainsi, tu confesses toi-même être un roi !” s’exclama Pilate avec surprise. [3]
“Tu dis ce que je suis – un Roi. A cette fin, je suis né et pour cette raison je suis venu dans le monde, afin que je puisses rendre témoignage à la vérité.” [4]
“La vérité ! Qu’est-ce que la vérité ?” demanda le Romain ; mais sans attendre la réponse de Jésus, et voyant que les Juifs hors du Hall, devenaient de plus en plus impatients, il se dépêcha de sortir vers eux et dit :
“Je ne trouve aucune faute du tout dans le prisonnier. Mais vous avez une coutume, que je devrais à la Pâque pardonner à un criminel de prison, comme un acte de clémence, en l’honneur du jour. Voulez-vous, par conséquent, que je pardonne et vous relâche ce ‘Roi des Juifs’ ?”[5]
Pilate avait à peine fait cette proposition que tous d’une voix, et avec des gestes furieux, crièrent :
“Non ! non ! pas cet homme ! Nous ne voulons pas qu’il soir relâche. Nous voulons avoir le malfaiteur le plus vil que ta prison détient, plutôt que lui !”
“Qui dois-je alors vous relâcher ?” demanda Pilate dans un ton de désappointement.
“Barabbas ! Barabbas !” fut repris en écho et encore par des dizaines de milliers de voix.[6]
Ce Barabbas, cher père, est le même bandit féroce, dont j’ai parlé dans l’une de mes précédentes lettres il y a deux ans, qui fut alors capturé par Aemilius, mais ayant une subséquemment échappé. Il fut récemment fait prisonnier une seconde fois, pendant qu’il menait une sédition dans la ville, et se trouva alors sous la condamnation de mort. Il devait ce jour là, être crucifié avec deux de ses lieutenants. Mais, à la pressante demande du peuple, Pilate fut alors obligée d’envoyer l’officier de la prison pour le laisser aller libre, et il ne se passa qu’un court instant avant qu’il ne fut escorté, en grande pompe, de sa cellule jusque devant le Prétoire et il devint tout de suite l’un des plus actifs en hostilité envers Jésus.
Pilate, par conséquent, voyant que les Juifs ne seraient contents de rien moins que le sang de Jésus, retourna, triste, dans le Hall du jugement, où il L’avait laissé assis sur la plus basse marche de son trône ; car le Prophète battu ne pouvait plus tenir à cause de l’épuisement et du lourd traitement qu’Il avait subi.
Le reste de mon récit de la condamnation et la crucifixion, je le donnerai le matin, cher père.
Ton affectueuse fille,
Adina.
[1] Luc 23 :14-16
[2] Jean 18 :36
[3] Jean 18 :37
[4] Jean 18 :37
[5] Jean 18 :38-39
[6] Matthieu 27 :21 ; Luc 23 :18 ; Jean 18 :40