Le Prince de la Maison de David- Lettre 31

LETTRE   31

Père chéri,

J’ai seulement achevé ma dernière lettre pour prendre ma plume et en commencer une autre ; car de la plus profonde affliction qui m’a mise à terre, je ne trouve de soulagement qu’en t’écrivant. Si quelque chose peut s’ajouter à ma mortification à la mort du Nazaréen, Jésus, c’est que j’ai si sérieusement tenté de te faire croire aussi en Lui. Pardonne-moi, mon cher père ; ta sagesse, ta connaissance des Prophètes, ton jugement, sont de loin au dessus des miens. Mais qui aurait cru qu’Il était moins que ce qu’Il prétendait être ; le véritable Fils et Messie de Dieu. Oh je n’aurai plus encore confiance en un être humain ; et plus beau, plus saint, plus céleste sera le caractère de quelqu’un, plus sage et plus pur ses enseignements, plus méfiante serai-je envers lui. Dans la tombe avec Jésus est enterré, désormais et pour toujours, toute confiance dans la vertu humaine – même accompagnée d’étonnants miracles. Je m’aperçois que un homme peut enseigner des vérités divines, voire porter sur ses traits l’empreinte même d’un ange, peut guérir le malade par un toucher, marcher sur la mer, ressusciter le mort, et chasser les démons et cependant s’avérer être, à la fin, un imposteur. Hélas, pour la vérité humaine ! Hélas, pour pauvre Israël ! qui a ainsi été aveuglée. Ils ont vu leur Schilo idolâtré cloué à une croix Gentil, sans puissance en Lui-même pour éviter cette ignominie.

Mais je vais me détourner de ces douloureuses pensées et, comme je l’ai promis dans ma dernière lettre, te donner le récit de ce qui s’est passé dans son procès, d’autant plus que tu seras désireux de connaître sur quelle accusation repose sa condamnation.

C’est maintenant le matin suivant sa crucifixion et je suis plus calme que hier, et serai capable d’écrire avec plus de cohérence. Vingt quatre heures se sont écoulées depuis qu’Il fut cloué à la croix. Depuis son arrestation, ses suiveurs ont été traqués comme des bêtes du désert. Anne a loué et bourré de vin de féroces soldats romains et les a envoyés partout pour attraper les Nazaréens fugitifs. Jean était spécialement recherché et les émissaires d’Anne sont venus à minuit, la nuit dernière, à la maison pour le prendre ; mais nous l’avons aidé à s’enfuir, au moyen du passage souterrain qui conduit de la demeure de Rabbi Amos aux Catacombes qui sont sous le Temple. Marie de Nazareth, la mère de Jésus, l’a accompagné et ils sont sortis en sécurité de la ville et sont maintenant à Béthanie avec Marthe, d’où ils iront à la nouvelle à la nouvelle habitation de Jean, prés de Genesareth. Même Lazare, que Jésus ressuscita, fut fait prisonnier mais fut relâché suite à l’influence d’Aemilius, le cavalier romain qui l’a conduit jusqu’ici où il est maintenant en sécurité. Et Aemilius a aussi placé une garde près de notre maison, par crainte d’autre violence juive. Par conséquent, je peux t’écrire sans être  dérangée. Aemilius est le seul qui a encore confiance, depuis que Jésus est mort, dans ses promesses. Il assure que Jésus annonça clairement sa mort at aussi que s’Il mourrait, Il se lèverait de nouveau ! Pierre aussi, se rappelle que Jésus a dit cette parole ; mais oncle Amos n’a pas confiance et dit :

“C’est facile à toute personne d’annoncer qu’il mourra, et tout comme c’est facile pour lui d’ajouter qu’il se lèvera de nouveau ! Mais voyons Jésus se lever de nouveau et nous croirons réellement en Lui !”

Mais Aemilius, quoique converti seulement récemment du paganisme de Rome est ferme dans sa foi, qu’Il reviendra de nouveau à la vie ; et , au lieu de renoncer, comme nous, il dit qu’il ne serait pas étonné d’être soudainement informé par les soldats, qu’il a laissés pour garder sa tombe, qu’Il est revenu à la vie ! La confiance d’Aemilius m’a presque insufflé une nouvelle espérance ! Mais, cher père, j’ai vu son côté percé, le flot de sang et d’eau couler de la plaie cramoisie, et vu sa tête sans vie retomber sur sa poitrine. S’Il n’avait pas été percé, je pourrais avoir espéré qu’Il pouvait encore revivre ! Mais le fait qu’Il fut percé ôte tout espoir qu’Il peut être restauré. Il ne s’était évanoui, et apparut ainsi comme un mort, ou nous pouvions espérer dans Sa restauration ; mais Il fut tué, et je l’ai vu étalé le corps mutilé au pied de la croix, saignant des cinq plaies, dont l’une était à travers Son cœur. Je me réjouirais d’avoir la foi du cher Aemilius ; mais je lui réponds que j’ai jusqu’ici cru trop bien, et que quand Jésus expira, toute la foi dans mon sein expira avec Lui.

Mais j’oublié que j’ai à te raconter, cher père, les détails de Son accusation, Son procès et Sa condamnation.  Comme je n’étais pas présente dans le Prétoire je suis redevable, pour de plus amples détails que je donnerai, en partie à Jean et en partie à Rabbi Amos, qui étaient là une partie de la nuit ; Pierre et d’autres disciples, aussi bien qu’Aemilius, ont aussi donné d’autres faits. Je vais les donner au risque de me répéter, étant donné qu’ils sont plus complets que mon récit précédent, car certains d’entre eux ont entendu, et vu ce que Jean n’a pas fait.

“Aussitôt qu le groupe de Juifs, qui avait Jésus sous arrestation, et que je vis dépasser la maison, atteignit la demeure de Rabbi Anne, il leur demanda qui ils avaient arrêté et quand ils répondirent que c’était le ‘grand prophète nazaréen’ il dit avec une grande joie :

“ ‘Emmenez-le dans la cour basse, afin que je puisse le voir. Par la verge d’Aaron ! Je voudrais le voir faire quelque miracle notable pour moi !’ ”

“ Et parlant ainsi, le vieil homme aux cheveux blancs, se hâta, comme je l’ai dit, de descendre dans la cour, qu’en atteignant, il trouva pleine d’une multitude furieuse, mêlée à des soldats romains. Ce fut avec difficulté qu’il se fit un passage jusque là où se tenait Jésus, à la fois emprisonné et défendu par un étincellent treillis de lances romaines. Après L’avoir regardé attentivement, il dit avec curiosité, quoique avec sarcasme :

“ ‘Es-tu alors, le Roi des Juifs ? Es-tu venu pour régner sur le trône de David ? Montre-moi un signe du ciel, et je te reconnaîtrai, o Nazaréen !’ ”

“Mais Jésus se tint calme et plein de dignité, ne répondant pas. Anne, alors fâché, Le tira par la barbe et un messager arriva au même moment pour lui dire que Caïphe, le Souverain Sacrificateur qui avait épousé la belle et arrogante Miriam, la fille de Anne, demandait que Jésus soit emmené devant lui. Sur ce, il dit d’une forte voix :

“ ‘Conduisez-le au palis ! Caïphe, mon beau-fils, voudrait voir l’homme qui voulait détruire le Temple et le reconstruire en trois jours !’ ”

“Il s’éleva alors un terrible cri des sacrificateurs et du peuple qui, se ruant sur Jésus crièrent ‘Crucifiez-le !’. Et ils tentèrent d’empoigner sa personne alors qu’Il était gardé le long des rues ; mais en Le protégeant comme ils en avaient reçu l’ordre, les romains blessèrent plusieurs juifs. Sur ce il y eut un grand cri de sédition et des bruits de :

“ ‘A bas les aigles romains ! à bas les barbares ! mort aux gentils !’ ”

“Ces cris furent suivis par un terrible mouvement de masse humaine sur la poignée de gardes. Ils furent repoussés en arrière, leurs lances brisées comme la paille, ou tournées de côté, et Jésus, avec succès, arraché de leur pouvoir. Mais en pleine bataille, Aemilius, qui avait entendu le tumulte depuis le château, apparut avec une portion de la légion dont il était Préfet, et instantanément chargea le peuple, qui s’enfuit devant les poitrails de ses chevaux, secourut le Prophète, mais non sans le sacrifice de la vie d’un des gens les plus en avant dans la foule.

“ ‘Rabbi’ dit Aemilius au Prophète, avec un respect compatissant ‘je sais que tu as le pouvoir venant de Dieu pour disperser comme la paille, cette cohue enragée ! Parle et qu’ils périssent par ton divin commandement !’ ”

“ ‘Non, mon fils ! Je suis venu dans le monde pour cette heure’ répondit Jésus. ‘Ceci, aussi est une part de ma mission reçue de mon Père. Il me convient d’endurer toutes choses, même la mort.’

“ ‘Tu ne peux pas mourir, mon Seigneur !’ dit Aemilius, chaleureusement. ‘Ne t’avais-je pas vu relever Lazare de la tombe ?’

“ ‘Pour mourir, je suis venu dans ce monde ; mais pas pour moi-même. Je donne ma vie et je peux la reprendre. Ces hommes ne pouvaient avoir aucun pouvoir sur moi, à moins que mon Père ne le leur ait accordé ; et ce que mon père veut je le veux aussi. Ne cherche pas, mon fils, à me délivrer. Ce jour fut vu par Essaïe qui a écrit de moi. Je dois accomplir les prophètes. Il ne reste plus que je sois livré au jugement et à la mort !’

“Ces paroles furent échangées entre eux sous le portique, alors qu’Aemilius déliait les cordes tranchantes des poignets blessés du jeune Prophète”

“ ‘A Caïphe ! A Caïphe !’ cria alors la foule, qui avait été surpris par la charge intrépide du cheval romain mais alors s’accrut audacieusement pendant que certains ôtaient de vue le mort et blessé.”

“Au palais avec le blasphémateur ! car celui qui s’appelle lui-même Dieu doit, par notre loi, être puni de mort. Emmenez-le au Souverain Sacrificateur !”

“ ‘Je peux te secourir, Grand Prophète !’ dit Aemilius, résolument ‘Donne-moi la parole, et tu es monté sur mon cheval et mis en sécurité dans le château de David.’ ”

“ ‘Le Souverain Sacrificateur m’a fait demandé. Il doit être obéi’ répondit Jésus ; et Aemilius surpris par son refus d’échapper, L’escorta avec répugnance au palais. Les fenêtres déjà éclairées par les torches, et le superbe hall d’Aaron à l’intérieur du palais était éclairée par une centaine de flambeaux. Les Romains entrèrent gardant leur prisonnier et suivis par la tumultueuse foule, qui, à chaque instant augmentait terriblement en nombre.  Caïphe était déjà sur son trône, quoique minuit était passé déjà longtemps – un temps inhabituel pour lui de s’asseoir dans la chambre du conseil ; mais son désir d’avoir Jésus  amené devant lui, dont l’arrestation aux Oliviers lui fut annoncée une heure avant par un de ses émissaires, le conduisit à tenir un conseil extraordinaire. Un vingtaine d’anciens et principaux sacrificateurs se tenaient autour de lui, leurs faces sombres, impatientes observant attentivement l’entrée, pour avoir une vue du Prophète qui approchait. Parmi les plus ardents de tous ceux-ci était Caïphe lui-même, qui considérait l’éloquent Nazaréen comme son rival aux yeux de tout le peuple, et avait, par conséquent, longtemps ardemment désiré sa destruction. Au moment où Jésus sereinement entra, conduit par le chagriné Aemilius, Caïphe inclina sa grande forme lugubre, poussa son cou et son énorme tête en avant et avec ses yeux vifs et un regard tranchant, scrutateur, embrassa du regard celui qu’il considérait jalousement comme son ennemi !”

“La foule se pressant à  l’intérieur, remplit aussitôt tout le vaste hall, et même prit d’assaut la tribune, où étaient assis les scribes, les anciens et beaucoup de principaux sacrificateurs. Les soldats romains avec l’acier tintant, entrèrent et se rangèrent de part et d’autres du souverain sacrificateur laissant Jésus debout  seul devant son marchepied. La scène doit avoir été frappante, et pleine d’intérêt douloureux pour le moins concerné présent là.

Le plafond voûté de la chambre, soutenu par soixante-dix colonnes de porphyre représentait le profond ciel bleu, parsemé de brillantes constellations en or étoilé. Les murs étaient de jaspe, superbement colorés, avec des pierres précieuses incrustées représentant chaque variétés de fruit et fleur, dans leur teinte naturelle et leurs formes variées de grâce et de beauté. Les cent flambeaux reflétés un millier de fois des surfaces polies des colonnes, répandaient une lumière splendide partout. La robe splendide du souverain sacrificateur, son éblouissante tiare et son pectoral hors de prix, réfractaient les rayons lumineux avec une indescriptible splendeur prismatique ! Les têtes en acier des lances et les cuirasses polies des gardes romains captant la lumière sur les pointes et reliefs, rayonnaient comme des flammes de feu ; pendant que la crête d’or du casque d’Aemilius brillait au milieu de toute cette gloire comme un petit soleil.

“Contrastant avec cet éclat, houleux, et agité et ému sous la sombre masse des gens dans leurs gris et brune bonnets et manteaux, car la nuit était froide, et ils portaient leurs vêtements d’hiver ; et tout ce furieux  océan de formes humaines étincelait avec dix milliers d’yeux, brillant comme les étoiles phosphorescentes qui scintillent à la surface agitée de la mer, quand l’ombre du nuage de l’orage est suspendue au dessus d’elle, et que les vents sont sur le point d’être déliés, pour la fouetter avec acharnement. Ainsi paraissait cette terrible mer de têtes humaines – Jésus, le centre de leur regard et haine ! Le phare au pied duquel ces écumantes vagues de passion se brisaient avec un pouvoir terrifiant Lui seul, de toute cette foule innombrable était calme – serein – sans crainte !  Caïphe Le regardait alors qu’Il se tenait devant son marchepied, trahissant dans son regard l’admiration mêlée de ressentiment. Les scribes et les sacrificateurs aussi regardaient curieusement, et parlaient entre eux avec des regards d’un intérêt inhabituel. Alors Caïphe agita sa main d’un geste pour obtenir le silence et s’adressa à Jésus :

“ ‘Ainsi donc’ parla-t-il avec une arrogance ironie ‘tu es Jésus, le très célèbre Prophète Galiléen ! Les gens disent que tu peux ressusciter le mort ! Nous serions heureux de voir un miracle ! Penses-tu que si nous te mettons à mort tout de suite, tu peux ressusciter toi-même ?’ ”

“ ‘Jésus’ dit Rabbi Amos qui venait d’entrer et se tint près de Lui et vit tout ‘Jésus resta sans mouvement. Son allure était marquée par une certaine dignité divine pendant qu’une expression de sainte résignation était sur ses traits. Il paraissait comme la paix, incarnée dans la forme d’un homme. Une douce influence semblait couler de sa présence, produisant une universelle mais momentanée émotion de sympathie Caïphe le perçut et cria de sa voix sévère et dure :

“ ‘Vous avez amené cet homme devant moi, hommes de Jérusalem ; de quoi l’accusez-vous ? Que ceux qui ont des accusations, viennent et les fassent connaître. Il est un Juif et sera jugé par nos lois.’

“ ‘Vous Juifs n’avez aucun pouvoir de juger un homme pour sa vie, très noble Caïphe’ dit Aemilius. ‘Les vies de toute votre nation sont dans la main de César et dans celles de ses tribunaux. Vous ne pouvez mettre aucun homme à mort.’

“Cette demande d’une accusation contre Jésus par le peuple, réclamée ici par Caïphe fut faite plus tard avec plus d’autorité par Pilate ; et cette déclaration d’Aemilius, faite pour sauver Jésus, fut subséquemment répétée par les Juifs devant le gouverneur romain en vue de garantir sa crucifixion !

“Aemilius avait parlé dans l’espoir que si Jésus pouvait être emmené devant Pilate, Procurateur, Il pouvait être relâché par lui car il savait que Pilate n’avait aucune jalousie ou sentiment contre le Prophète.”

“ ‘Tu as dit bien noble romain’ répondit Caïphe ; ‘mais pour les crimes de blasphèmes contre le Temple, nous sommes autorisés par César de juger notre peuple par les lois de Moïse. Et cet homme, si la rumeur est proche de la vérité, a été coupable de blasphème. Mais, nous entendrons les témoins.’

“Sur ce, plusieurs des principaux sacrificateurs et scribes qui allaient et venaient parmi la foule, amenèrent certains hommes dont l’aspect même montrait qu’ils étaient du plus vil genre. Un de ces hommes témoigna qu’Il pouvait encore, en trois jours, le reconstruire plus somptueusement qu’il ne le fut aux jours de Salomon le Puissant.”[1]

“Sur ce témoignage, tous les sacrificateurs crièrent ‘blasphémateur’ et réclamèrent que Jésus soit lapidé à mort ; et le passionné Abijah, le plus virulent des scribes, lança violemment son cor en fer sur Lui, mais un des soldats le détourna de côté avec sa lance ; suite à cela, il y eut un profond murmure contre les romains, que Caïphe calma avec difficulté.

“Un second témoin fut alors présenté par Abijah, qui affirma que Jésus avait enseigné en Samarie que, bientôt, les hommes n’allaient plus adorer dans le Temple mais que toute la terre allait être un temple pour les Juifs et les Gentils.

“Ceci fut à peine entendu que certains des hommes grincèrent des dents contre Jésus et, n’eut été les gestes et le ton haussé de Caïphe, ils auraient tenté de L’avoir en leur pouvoir. Le bruit de leur rage, si grande étant la folie du peuple, est décrit comme semblable au rugissement des bêtes sauvages du désert, se précipitant au banquet d’un frais champ de bataille.

“Un troisième témoin, un homme qui avait été notoire pour ses crimes, vint ensuite. Il portait sur son poignet un coq juste emmené de l’arène des combats de coqs pour rendre témoignage ; car tel fut la sorte de gars subornés par les sacrificateurs. Il témoigna que Jésus avait dit que le jour viendrait bientôt où il ne resterait pierre sur pierre du Temple ; qu’Il l’avait appelée ‘caverne des voleurs’, les sacrificateurs ‘des guides aveugles’ et ‘des trompeurs’, les scribes ‘des renards’ et les pharisiens ‘des hypocrites’ !

“Mais les quatrième et cinquième témoins se contredirent l’un l’autre et le témoignage de deux autres ne concorda pas ; car l’un dit L’avoir entendu s’appeler ‘le Fils de Dieu’ mais il fut contredit par l’autre qui déclara que ce ne fut que ‘le Fils de l’homme’, et dans un autre cas un dit qu’il L’entendit dire que Lui et Dieu étaient un, pendant que l’autre témoigna que ce qu’Il avait dit c’était que Dieu était plus grand que Lui. D’autres témoins, non plus, ne purent se mettre d’accord.

“Des tels témoignages opposés rendirent perplexes et irritèrent Caïphe et confondirent les principaux sacrificateurs et les scribes. Le Souverain Sacrificateur commença alors à s’apercevoir que Jésus risquait d’être relâché faute de témoignage contre Lui. Pendant tout ce temps, le prisonnier était resté debout devant lui, attaché, avec ses mains liées croisées sur son corps, sa contenance douce mais héroïque, exhibant ‘la fermeté et le sang-froid de l’innocence’ selon la description faite par Aemilius de toute son allure.

“ ‘Quoi ! Galiléen et blasphémateur de Dieu et de son Temple ! ne répons-tu pas ?’ cria le Souverain Sacrificateur ; ‘n’entends-tu pas ce que ces témoins ont contre toi ?’ [2]

“Mais Jésus resta silencieux. Caïphe était sur le point de rompre le silence par quelques paroles violentes quand une voix fut entendue de l’autre côté des colonnes, à gauche du trône, à l’endroit où était allumé un grand feu, autour duquel se tenaient plusieurs personnes. Rabbi Amos reconnut aussitôt, dans le violent orateur, Pierre, qui était entré avec lui et Jean ; ce dernier, déguisé en sacrificateur, se tenait non loin de Jésus, Le regardant tendrement et écoutant avec le plus douloureux intérêt tout ce qu’ils témoignaient contre Lui ; mais Pierre se tenait plus loin, près du feu, cependant non moins vivement attentif à tout ce qui se passait.

“ ‘Tu es l’un des suiveurs du Nazaréen !’ cria la voix d’une femme qui apportait du bois pour alimenter le feu ‘tu n’as pas besoin de le nier. Je suis de la Galilée et te connaissait quand tu étais un pêcheur. Attrapez-le car il est l’un d’eux’. ”

“ ‘Femme, je jure par l’autel et l’arche de Dieu et par les tables sacrées, je ne connais pas l’homme ! Je n’ai jamais vu la Galilée !’

“ ‘Ton parler te trahit, maintenant que tu as parlé’ cria la femme ‘tu es un Galiléen et ton nom est Simon Ear-Jonas. Je te connais bien ; et je connais comment, il y a trois ans, ton frère André et toi abandonnâtes vos filets pour suivre ce Nazaréen !’

“ ‘Puissent les tonnerres d’Horeb et la  malédiction de Jéhovah me suivre, si ce que tu dis est vrai, femme. Tu me confonds avec un autre homme. Je vous jure par la tête de mon père, hommes et frères, que je n’avais jamais vu sa face auparavant ! Je ne connais pas l’homme !’

“Alors qu’il parlait” dit Jean “il jeta son regard fâché vers l’endroit où se tenait Jésus. Il capta les yeux de son Maître fixés sur lui avec un regard tendre et réprobateur si plein de compassion, mêlée de pardon, que je vis Pierre tressaillir comme s’il fut frappé par l’éclair. Ensuite, il pressa ses deux mains sur sa face et, émettant un cri d’angoisse et de désespoir, qui fit que le Souverain Sacrificateur le regarda et qui alla droit à chaque cœur, il se précipita dehors par la porte ouverte, dans l’obscurité, et disparut. Au moment où il fit ainsi, le coq qui était tenu lié sur le poignet du troisième témoin, chanta deux fois, à haute voix ! Je me rappelai alors les paroles de Jésus à Pierre, dites à peine douze heures auparavant ‘cette nuit, avant même que le coq ne chante le premier lever du jour, trois fois tu nieras ne pas me connaître !’

“Sur ce” ajouta Jean “ma confiance dans mon Maître revint, pleine et forte, et je sentis qu’Il n’allait pas, ne pouvait pas être anéanti ; car Il savait toutes choses qui pouvaient Lui arriver, et allait encore échapper à la mort.

“A la fin, après une grande excitation et dissension parmi les anciens, les principaux sacrificateurs et les scribes, Caïphe plaça Jésus devant le grand conseil à leur demande, leur salle étant contiguë à la sienne. Là, aussi bien que Caïphe, ils Le questionnèrent de près et dirent :

“Es-tu le Christ, le Fils de du Béni ? Je t’adjure par le Dieu vivant, dis-nous clairement !’[3]

“Jésus éleva alors sa forme princière et, fixant ses yeux sur la face du Souverain Sacrificateur, avec un regard si brillamment céleste que Caïphe, involontairement, baissa ses yeux à terre, Il répondit et dit :

“ ‘Si je vous dis, o sacrificateurs, vous ne croirez pas ! Si je vous le prouve à partir des Prophètes, et par mes œuvres, vous n’écouterez pas ! Si je dis que je suis le Christ, vous ne me reconnaîtrez pas ni ne me laisserez aller libre ! J’ai parlé clairement au monde, dans le Temple et dans la synagogue. Je n’ai rien caché. Demandez à ceux qui m’ont écouté, qu’est-ce que j’ai dit. Néanmoins, je vous dis que j’ai auparavant enseigné que je suis le Christ, le Fils du Béni ; et après vous me verrez assis à la main droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel ![4]

“ ‘Es-tu le Fils de Dieu ?’ crièrent plusieurs sacrificateurs à la fois, pendant que Caïphe levait les mains en horreur.[5]

“ ‘Vous avez dit ce que je suis’[6] répondit le Prophète sans changer, sauf au plus sublime regard, l’expression de sa contenance qui, dit Jean, sembla briller comme il L’avait vu sur la montagne quand Il fut transfiguré devant lui.

“ ‘Hommes d’Israël et de Juda, vous entendez ses paroles !’ cria le Souverain Sacrificateur, arrachant le lacet bleu de son éphod ‘entendez-vous son blasphème ?’

“ ‘N’ai-je pas dit ; fils d’Aaron, que tu n’allais ni me croire ni me laissez partir, si je te dis qui je suis ?’ dit Jésus fermement ‘je te dis la vérité et tu l’appelles blasphème ?’

“ ‘Réponds-tu ainsi au Souverain Sacrificateur’[7] cria furieusement Abner, l’officier principal du Temple, Le frappant avec la paume de sa main sur la bouche.

“Jésus répondit calmement ‘si j’ai mal parlé, fais voir ce que j’ai dit de mal et juge-moi par notre loi. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?’[8]

“ ‘Vous avez entendu le blasphème’ dit Caïphe, étendant ses mains vers le peuple ‘que pensez-vous ? Avons-nous besoin davantage de témoin que sa propre bouche ?’[9]

“ ‘Il est coupable de mort !’ cria Abner d’une voix rauque, ses yeux, rouges du fait d’être resté éveillé toute la nuit, furieux comme ceux d’un léopard et, s’avançant où se tenait Jésus, attaché et saignant, il Le frappa trois fois à la face.

“Ceci fut suivi par un vif tollé pour sa mort ; et plusieurs gens vils Le frappèrent aussi et Le tirèrent par la barbe. Durant quelques minutes, il sembla que ce fut la seule pensée de tous, ceux qui étaient de quelques manières près de sa personne, de Lui faire subir une certaine ignominie ; et n’eut été la protection d’Aemilius et de ses soldats, ils L’auraient mis en pièces.

“ ‘Est-ce ceci la justice juive ?’ cria Aemilius, indigné à Caïphe. ‘Condamnez-vous et tuez-vous un homme sans témoin ? Restez en arrière, car les romains n’ont pas l’habitude de voir des hommes condamnés sans loi. Arrière, gaillards – ou votre sang coulera aussitôt après le sien que vous réclamez !’

“A cette attitude déterminée, ils reculèrent pour un temps et laissèrent Jésus debout au milieu, triste mais serein. Jean courut à Lui et essuya le sang et les impuretés de ses lèvres, et joues et barbe, et Lui donna de l’eau, que la femme qui avait reconnu Pierre, apporta dans une cruche par compassion.

“Maître, utilise ton pouvoir et échappe de leurs mains !’ chuchota Jean.

“Non – ne me tente pas bien-aimé’ répondit-Il ‘ Mon pouvoir n’est pas pour ma délivrance, mais pour celle du monde. Pour vous, je peux faire de puissantes œuvres ; mais pour moi-même, je ne fais rien. Je suis venu non pour sauver ma vie, mais pour la donner. Mon heure est arrivée !’

“ ‘Qu’une poignée de Romains ne vous effraie pas, hommes de Jérusalem !’ cria Abner. ‘Il n’y a pas une légion dans toute la ville. Ici, nous sommes des maîtres si nous le voulons ! A la rescousse ! Laissez-moi entendre le Lion de Juda rugir dans sa puissance, et l’Aigle de Rome pousser un cri perçant et s’envoler. A la rescousse !’

“ ‘Retenez-vous ! hommes et frères !’ cria Caïphe, qui avait assez de jugement pour voir que le premier coup serait le début d’une révolution qui amènerait dans la ville, l’armée romaine cantonnée en Syrie, et qui finirait par la destruction de la nation. ‘Retenez-vous, fous !’

“Mais sa voix fut noyé au milieu du hurlement de la tempête humaine. Aemilius et ses hommes furent emportés dans la crête de la vague et furent si pressés par les corps des Juifs qu’ils ne purent pas faire usage de leurs armes. Dans la confusion sauvage, Jésus fut emmené par des mains féroces à l’extrémité opposée de la chambre du conseil, pendant que Caïphe s’efforçait d’apaiser la colère d’Aemilius, qui insistait afin que le sort de Jésus soit laissé à Pilate, le Procurateur. Après une brève consultation avec les principaux sacrificateurs, les anciens et les scribes, Caïphe consentit ; cependant, sachant que blasphème, il résolut avec le reste que rien ne serait dit à ce sujet devant lui, mais que Jésus devrait être accusé de sédition et d’avoir élevé un royaume en opposition à l’empire universel de César.

“Quand Aemilius, aidé par l’autorité de Caïphe, vint enfin où Jésus avait été entraîné, ils Le trouvèrent les yeux bandés parmi un groupe de plus vils types de Jérusalem, qui se divertissaient en Le giflant et Lui demandant de leur dire, par sa divine connaissance de toutes choses, qui l’avait fait. Ils tenaient aussi de l’argent devant ses yeux bandés et Lui demandaient d’en dire la valeur ou l’inscription ; et comme Il gardait le silence, ils Le frappaient, Le tapaient avec leurs mains et cruellement avec leurs bâtons pour l’amener à dire qui l’avait fait.[10]

“ ‘Nous te laisserons aller, Nazaréen’ dit l’in ‘si tu me dis combien de cheveux j’ai dans ma barbe !’

“ ‘Non, laisse-le deviner !’ cria un autre ‘ce que j’ai donné pour l’agneau de Pâque au marché, et le nom du Samaritain à qui je l’ai acheté.’

“ ‘Dehors avec tes agneaux, Kish !’ cria un troisième gaillard, se frayant un passage ‘laisse-moi l’entendre prophétiser ! C’est rare, un prophète dans ces temps sombres.  Quel Galiléen silencieux et renfrogné ! Je te ferai parler !’ Et il assena un coup de son bâton sur la tête de Jésus, coup qui L’aurait jeté à terre, n’eut été la voix de Caïphe qui en atténua, en partie, la force.

“ ‘Hommes d’Israël !’ cria-t-il fort ‘que ce Nazaréen nocif est un blasphémateur, nous l’avons entendu de nos oreilles ; et par notre loi, il doit mourir car il s’est fait lui-même Fils de Dieu ! Mais César a pris le pouvoir de vie et de mort de nos mains ! Nous Juifs ne pouvons pas mettre un homme à mort, il est un séditionniste peut être prouvé. Emmenons-le devant Pilate avec cette accusation ; et s’il est trouvé coupable de mort comme il le sera, à moins que le Procurateur ne cligne l’œil à la montée d’un usurpateur dans son gouvernement, ce qu’il n’osera pas faire, nous aurons le Nazaréen suspendu sur une croix romaine avant que le soleil n’atteigne la marque de midi sur l’horloge du Temple.’

“Ce discours plut au peuple et, ayant attaché Jésus à nouveau avec plus de sûreté, ils crièrent tous d’une voix : ‘A Pilate ! Au Prétoire !’

Alors, la foule sortit par les portes du palais semblables à un fleuve écumant et agité qui a débordé de ses rives et, avec de terribles cris que nous entendîmes, faisant tressauter l’aurore, même dans notre maison, elle prit la direction du Prétoire. Des milliers de Juifs en provenance de la campagne, qui remplissent Jérusalem comme une ruche à cette sainte saison, peu pouvaient s’être reposée cette nuit sans être dérangée et un grand nombre d’entre eux étaient présents à cette scène ; le bruit de pas de cette foule secoua les fondements du Mont Sion pendant que le murmure des voix était comme le bruit de plusieurs eaux.

Ce fut avec difficulté qu’Aemilius put protéger le Prophète en toute sécurité en montant la colline jusqu’à l’entrée du Prétoire, qu’il franchit avec son prisonnier, juste au moment où le soleil dorait les pinacles les plus élevés du Temple et où les trompettes des Lévites retentissaient pour la prière.

Dans une autre lettre, cher père, je continuerai le récit de son procès, dont le souvenir pendant que j’écris maintenant sur cela, allume presque tout mon amour, ma foi, ma dévotion et ma confiance en Lui ; car qui, sauf un homme soutenu par Dieu, pouvait avoir enduré avec soumission toutes ces souffrances, insulte, ignominie et honte ?

Adina.

[1] Matthieu 26 :61   ;    Marc 14 :58

[2] Matthieu 26 :62   ;   Marc 14 :60

[3] Matthieu 26 :63   ;   Marc 14 :61   ;   Luc 22 :67

[4] Matthieu 26 :64   ;   Marc 14 :62   ;   Luc 22 :67-69   ;    Jean 18 :20-21

[5] Luc 22 :70

[6] Luc 22 :70

[7] Jean 18 :22

[8] Jean 18 :23

[9] Matthieu 26 :65-66   ;   Marc 14 :63-64   ;   Luc 22 :71

[10] Matthieu 26 :67-68   ;   Marc 14 :65