Lettre XXI
Mon père chéri,
Je saisis ma plume que j’ai déposée il y a une heure, en vue de suivre à son enterrement le fils de notre hôtesse pour te raconter l’une des choses les plus extraordinaires qui soit jamais arrivée et qui nous remplit tous d’une telle joie et d’un tel étonnement que je crains que mes doigts tremblants ne puissent qu’à peine lisiblement exprimer ce que j’ai à te dire.
Comme je te l’ai dit dans ma lettre que je viens de finir, je fus appelée pour accompagner la mère, qui pleurait, au lieu d’enterrement, hors de la ville. Mais quand j’atteignis la cour où le corps de son fils était étendu dans une bière que les porteurs avaient déjà posée sur leurs épaules, la profonde peine de la pauvre Ruth la vainquit totalement et je la conduisis à sa chambre où elle tomba inanimée sur sa couche. Je ne pouvais pas la quitter dans cette situation et la procession s’en alla de la maison sans moi – Marie soutenant sur son bras, pendant qu’elle marchait, la mère affligée, qui était en vêtements de deuil.
Au moment où la suite funéraire passa près de la fenêtre, elle semblait sans fin, si nombreux étaient les gens qui accompagnèrent le corps pour faire honneur à une veuve en Israël. A la fin, elle passa et je restait seule avec l’immobile Ruth. Elle semblait dormir, quoique à chaque instant elle murmurait le nom du défunt. J’étais assise auprès d’elle, réfléchissant sur les mystérieuses voies de Dieu, ramenant sauf à la maison, le fils de cette veuve des milliers de dangers auxquels il avait été exposé, naufrage et esclavage, pour réjouir son âme par ses bras ! Alors que je regardais l’expression de marbre de la jeune fille affligée, je ne pouvais que prier afin qu’elle ne puisse jamais revenir de son évanouissement pour revivre l’amer réalité de sa perte et le renouvellement de sa peine.
Soudain, j’entendis un très grand cri. Je tressaillis et me hâtai à la fenêtre. Il fut répété plus fort et avec un ton gai qui m’indiqua que c’était un cri de joie. Il semblait venir d’au-delà des murs de la ville et d’une centaine de voix criant à l’unisson. Je savais que le sommet de la maison avait vue sur les murs et, voyant que Ruth ne bougeait pas, je montai rapidement vers le parapet ; les bruits et les cris joyeux augmentant toujours au fur et à mesure que je montai et excitant mon étonnement et ma curiosité. Ayant atteint le toit plat et fait un pas sur le parapet, je vis venir le long de la rue vers la maison, à la vitesse de l’antilope, Elec, notre esclave Gibeonite. Il agitait ses mains de manière extravagante et criait quelque chose que je ne pouvais pas entendre distinctement. Derrière lui, je vis deux hommes courant aussi, paraissant être porteurs de grande nouvelle.
Je sus que quelque chose de merveilleux devait s’être passée mais je ne pouvais deviner ce que ça pouvait être. En regardant vers la porte de la ville, direction de laquelle, par intervalles, les bruits continuaient d’approcher, je découvris sur le flanc du cimetière plusieurs gens assemblés et, à l’évidence, entourant une certaine personne au milieu d’eux ; car tout l’ordre de la procession était rompu. Je ne pouvais pas distinguer la bière ni comprendre comment la solennité de la marche du cortège funèbre fut soudain changée en une multitude confuse déchirant le ciel avec de fortes acclamations. Tout le corps du peuple retournait vers la ville. Les personnes que j’avaient premièrement vues courant le long de la rue, se firent audibles alors qu’elles s’approchaient.
“Il est vivant ! il est vivant !” cria Elec.
“Il a été relevé de la mort !” crie le jeune homme suivant derrière lui.
“Il vit et rentre dans la ville !” dit le troisième à ceux qui, comme moi, avaient accourus aux sommets de leurs maisons pour connaître la signification du tumulte que nous entendions.
“Qui – qui est vivant ?” demandai-je sérieusement à Elec, au moment où il passa sous le parapet. “Que signifie ce bruit, o Elec ?”
Il me regarda avec l’expression du plus enthousiaste plaisir mélangé de crainte et dit :
“Le jeune Rabbi Samuel est revenu à la vie ! Il n’est plus mort. Tu le verras bientôt, car on le ramène dans la ville et tout le monde est fou de joie. Où est Ruth, la jeune fille ? Je suis venu lui annoncer la glorieuse nouvelle.”
Avec une émotion que je ne peux pas décrire, croyant à peine ce que j’entendais, je me hâtai vers Ruth en vue de prévenir les effets d’une joie si soudaine. Ayant atteint l’appartement, je m’aperçus que la voie d’Elec, qui avait crié la nouvelle dont il était porteur, à ses oreilles l’avait tirée de la stupeur de sa peine. Elle le regardait de manière déréglée et incompréhensible. Je courus vers elle et, la serrant dans mes bras, je dis :
“Chère Ruth, il y a des nouvelles – de bonnes nouvelles ! ce doit être vrai ! Ecoute les cris de joie dans toute la ville !”
“Vit” répéta-t-elle, hochant sa tête ; “non – non – non ! oui, là !” dit-elle levant ses beaux yeux étincelants vers le ciel et montrant là haut.
“Mais sur terre aussi” cria Elec, positif “je l’ai vu s’asseoir et l’ai entendu parler aussi bien qu’il n’a jamais été !”
“Comment cela fut-il ? Fais-moi tout savoir” criai-je.
“Comment ? Qui pouvait avoir opéré un tel miracle si ce n’était le puissant Prophète que nous vîmes à Jérusalem ?” répondit-il.
“Jésus” m’exclamai-je avec joie.
“Qui d’autre pouvait-il être ? Oui ; Il croisa la bière juste hors de – Mais les voici venir !”
Elec fut interrompu dans sa narration par le bruit croissant des voix dans les rues, et les bruits des centaines de pieds. Le moment suivant, la pièce fut remplie d’une foule de personnes les plus excitées, certaines pleurant, certaines riant comme si elles étaient hors d’elles. Au milieu d’elles, je vis Samuel marchant, en vie et bien portant ! Sa mère accrochée à lui comme une plante grimpante autour d’un chêne.
“Où est Ruth ?” cria t-il “oh, où est-elle ? laisse-moi la rendre heureuse par ma présence.
Je le fixai avec crainte, comme si j’avais vu un esprit. Ruth avait aussitôt entendu sa voix qu’elle émit un cri perçant de joie. “Il vit – il vit réellement” et bondissant en avant, elle fut épargnée de tomber par terre par le fait d’être étreinte dans sa poitrine virile.
“Agenouillons-nous et remercions Dieu !” dit-il.
Pendant quelques temps, la scène fut solennelle et touchante, au-delà de tout spectacle jamais exhibé sur terre. Le nouvellement relevé de la mort s’agenouilla au milieu du parquet avec sa mère à droite, posant sa tête sur son épaule, et Ruth étreinte dans son bras gauche, l’embrassant comme s’il fut un ange qui allait encore battre des ailes et monter, la quittant pour toujours. Marie et moi nous nous agenouillâmes à côté d’elle, pendant que tout le monde inclinait sa tête dans l’adoration, au moment où Samuel éleva sa voix en remerciemment au Donateur de la vie et de la santé, pour les lui avoir redonnées. Quand il eut accompli cette première tâche sacrée, il se tint sur ses pieds et reçut toutes nos embrassades. Des centaines entrèrent pour voir sa face et chaque langue fut éloquente en louange sur la puissance de Jésus.
“Et où est le Saint Prophète ?” demandai-je à Marie “Doit-Il être oublié au milieu de notre joie ?”
“Nous Le remerciâmes là de tout nos cœurs et mouillâmes ses mains avec des larmes de reconnaissance” répondit-elle “mais quand on voulut l’emmener dans la ville en triomphe Il se déplaça ailleurs, profitant de la confusion et personne ne put voir que ce soit de Lui. Mais Jean, qui était avec Lui, m’a dit qu’Il viendrait tout à l’heure dans la ville après que le calme aura été restauré et qu’il L’emmènerait à notre demeure.
“Oh ! je Le verrai alors et Le remercierai aussi” m’écriai-je ”fais-moi connaître, Marie, les détails de ce merveilleux miracles” lui demandai-je.
Car, quoique je voyais Samuel assis et même mangeant dans la pièce de la nourriture servie par sa joyeuse mère et par l’heureuse Ruth, pendant que tous regardaient pour voir s’il mangeait réellement et, quoique je croyait dans le pouvoir de Jésus de faire toutes choses, je pouvais cependant à peine réaliser que celui que j’avais vu emporté mort dans sa bière, je le voyais alors assis à table partageant la nourriture, vivant et bien portant.
“Je te dirai tout” répondit Marie dont la face brillait d’une sainte lumière rayonnant de son intense bonheur ; et m’emmenant à part, elle parla ainsi :
“Alors que nous allions en pleurant, suivant lentement la bière, et que nous avions passé la porte, nous vîmes venir le long du chemin, à travers la vallée qui mène au Mont Tabor, un groupe de douze ou treize hommes à pied. Ils étaient suivis par une foule d’hommes, de femmes et enfants venant de la campagne, et ils marchaient de telle sorte qu’ils allaient nous croiser à la traversée du pont en pierres. Entendant quelqu’un dire à haute voix ‘c’est le Prophète de Nazareth avec ses disciples’ je regardai sérieusement en avant et reconnus avec joie Jésus à leur tête, avec Jean marchant à côté de Lui.
“ ‘Oh, si Jésus avait été à Naïn, quand ton fils était malade !’ dis-je à la veuve, lui montrant Jésus au moment où Lui et son groupe s’arrêtèrent à l’entrée du pont et se mirent sur un côté, la voie étant trop étroite pour les deux groupes de traverser au même moment. Levant les yeux et Le voyant, remarquant sa bienfaisante mine et combien tristement Il la regarda et se rappelant combien Il aurait empêché la mort de son fils, s’Il avait été à Naïn, la pauvre veuve ne put contenir sa peine qui éclata de plus belle ; et couvrant sa face avec son voile, elle pleura si violemment que tous les yeux se fixèrent avec pitié sur elle avec compassion ; et comme la veuve venait à l’opposé de l’endroit où Il se tenait, Il s’avança d’un pas vers nous et dit d’une voix poignante sympathie :
“ ‘Ne pleure pas, mère. Ton fils vivra à nouveau !’
“ ‘Je le sais, o Rabbouni, au dernier jour’ répondit-elle. ‘Il était si noble – si jeune – il était tout pour moi et avait été pendant tant de mois absent dans des terres lointaines uniquement pour venir mourir à la maison. Je sais que tu es un prophète venu de Dieu et que toutes les bonnes œuvres te suivent. Oh, si tu avais été ici, mon fils ne serait pas mort. Ta parole l’aurait guéri. Mais maintenant, il est mort ! mort ! mort !’
“La mère affligée versa alors ses larmes de plus belle.”
“ ‘Femme, ne pleure pas. Je rétablirai ton fils !’
“ ‘Que dit-il ?’ crièrent certains Pharisiens qui étaient dans les funérailles ; ‘qu’il ressuscitera un mort ? C’est aller trop loin. Dieu seul peut ressusciter le mort.’ Et ils sourirent et se moquèrent.
“Mais Jésus posa sa main sur le drap recouvrant le corps et dit à ceux qui portaient :
» ‘Posez la bière à terre.’
“Ils demeurèrent instantanément silencieux et Lui obéirent. Alors, Il s’avança au milieu du silence qui se fit et, découvrant le visage de marbre, Il toucha la main du jeune mort et dit d’une voix forte et d’autorité :
“ ‘Jeune homme, je te le dis, lève-toi !’[1]
“Il y eut un moment de silence douloureux à travers l’immense foule. Tout œil était fixé sur la bière. La voix fut entendue par l’esprit du mort et il revint dans le corps. Il y eut à première vue une vivante, tremblante émotion du corps jusqu’ici sans mouvement ! Les joues livides se colorèrent, les paupières s’ouvrirent et il fixa ses yeux sur Jésus ; ensuite, il leva sa main et ses lèvres se remuèrent ! Le moment suivant, il s’assit sur la bière et parla fortement de sa voix naturelle, disant :
“ ‘Me voici.’
“Ensuite, Jésus le prit par la main et, l’aidant à se tenir sur ses pieds en quittant la bière, Il le conduisit à sa mère et le confia à celle-ci en disant : ‘femme, voici ton fils’.
“Voyant ce miracle, les gens crièrent de joie et d’étonnement, et une grande crainte nous saisit tous ; élevant leur voix, ceux qui récemment pleuraient et regrettaient le mort, glorifièrent Dieu en disant ‘Dieu a réellement visité son peuple Israël. Un grand prophète s’est levé parmi nous. Le Messie est venu et Jésus est le vrai Christ, avec les clés de la mort et de l’enfer.’
“Avec de telles paroles et exclamations et de grands cris de joie, la foule entoura le jeune homme restauré, et procéda à le ramener à la ville ; la grande masse de gens étant plus attirée par le ressuscité que par l’auguste personne par laquelle l’acte avait été accompli. Je cherchai Jésus pour me jeter à ses pieds mais Il se déroba à l’hommage et la gratitude que sa miséricorde envers nous avait réveillés. Ainsi, l’humilité est un élément de toute puissance.”
Tel est, mon cher père, le récit de la résurrection de Samuel, le fils de Sarah, la veuve de Naïn. Je te le donne dans sa simple esquisse. Il ne manquera pas d’ordonner ta croyance. Le miracle fut accompli en plein jour en présence de milliers de gens. Les opposants à Jésus, les hostiles Scribes et Pharisiens ne renient pas le miracle car ils étaient convaincus de la réalité de la mort du jeune homme ; car il mourut, comme je l’ai dit auparavant, de peste et son corps fut une vue répugnante pour ceux qui le virent. Cependant, merveilleux à relater quand il fut ramener à la vie par le pouvoir de Jésus, il s’assit libre de tout signe externe de la putride maladie, sa peau belle et douce e tout son aspect celui de flambante santé et beauté virile. Personne ne pouvait, par conséquent, douter qu’un miracle avait été accompli et l’un de plus extraordinaire genre ; car jamais il ne fut entendu auparavant que le mort fut ressuscité par le pouvoir d’un homme. Ce miracle de résurrection de Samuel, le fils de la veuve, a amené des centaines, en ce jour, à confesser le nom de Jésus et à croire en Lui comme le Schilo oint d’Israël.
Depuis que je t’écris ce qui précède, j’ai parlé avec Samuel sur la conscience qu’il avait d’être mort. Il répond qu’il lui semblait qu’il avait été dans un songe dont la suite est maintenant brisée, suite qu’il ne pourrait encore se rappeler.
“Des fragments” dit-il “d’une ravissante condition ; de splendeur ; de gloire et félicité ; de musique ineffable et scènes indescriptibles, passèrent dans mon esprit pendant quelques temps après que me sois tenu sur mes pieds ; mais présentement volatilisés et je peux seulement me rappeler que ce fut ainsi ! Quand je trouvai que j’étais sur la bière, je ne fus pas surpris ; car le fait que j’avais été emmené à mon enterrement sembla instinctivement se présenter à ma conscience réanimée.” Plusieurs médecins ont été le voir durant le jour et lui ont posé des questions profondes concernant l’état de l’âme hors du corps ; mais il ne put pas leur donner satisfaction, tout lui paraissant comme de brillants fragments d’une splendide vision.
Jésus vint dans la ville le soir et demeura avec nous. Tu devrais avoir vu combien la gratitude de l’heureuse mère et de la non moins heureuse Ruth fut manifestée. Elles anticipaient sur chaque souhait et semblaient désirer qu’Il ait un millier de besoins afin qu’elles puissent les satisfaire. Mais sa vie est simple – ses besoins très peu nombreux. Il pense très peu au confort et, afin de pouvoir parler du royaume de Dieu à ceux qui L’entourent, Il oublie de prendre la nourriture placée devant Lui. Nous aussi, oublions toutes les autres choses quand Il parle et, debout ou assis autour de Lui, buvant dans la riche éloquence de ses sages lèvres. Plus je vois de Lui, cher père, plus je Le respecte, Le crains et L’aime.
Marie doit devenir demain l’épouse de Jean et Jésus sera présent au mariage, car pendant qu’Il réprimande sévèrement le péché et la folie, Il sanctifie, par sa présence, le rite sacré du mariage que Dieu ordonna. Le mois prochain, la joyeuse Ruth épousera le noble jeune qu’elle a merveilleusement reçu vivant en provenance de la mort.
La veille du huitième jour, à compter d’aujourd’hui, je partirai d’ici, avec Jean et Marie, pour Jérusalem, d’où je t’écrirai de nouveau.
Ton affectueuse fille,
Adina.
[1] Luc 7 :14