Le Prince de la Maison de David- Lettre 20

Lettre XX

Mon cher père,

Ca fait beaucoup de mois que tu as reçu une lettre de moi, écrite de ma propre main et je me réjouis d’être rétablie, comme pour renouer ma correspondance avec toi. Je ne saurai te parler si chaleureusement en louange de mon oncle Amos et de ma cousine Marie pendant ma maladie. Par leur attention et leurs soins, sous la bénédiction de Dieu, je suis maintenant presque bien. L’air pur des montagnes de Galilée m’ayant été recommandé, ils voyagèrent avec moi jusque là au pied du Mont Tabor, dans le joli village de Naïn, où j’ai passé beaucoup de semaines, revivant chaque jour.

Nous sommes maintenant à l’humble demeure de Sarah, un veuve dont le mari avait été perdu dans la Grande Mer, où il fut marin sur l’un des navires marchands de Cesarée. La maisonnette de la veuve est dans un jardin duquel on a une vue sublime du Mont Tabor dans toute la majesté de sa grandeur. Un jour, pendant que je me promenais dans le jardin, deux hommes couverts de poussière et portant des habits de voyage, s’arrêtèrent à la porte entrouverte et, nous saluant, dirent

“Que la paix soit avec cette maison, jeune fille, et avec tous ceux qui y demeurent.”

“Entrez” dit la veuve, les ayant entendus “entrez et vous aurez de l’eau pour vos pieds et du pain pour apaisez votre faim.”

Les deux hommes entrèrent alors et s’assirent ; et ayant été rafraîchis par le pauvre mais hospitalière veuve, l’un d’eux se leva et dit :

“Ce jour, le salut est venu à cette maison. Nous sommes des ambassadeurs de Jésus de Nazareth et allons de ville en ville, proclamant que le jour du Seigneur est proche car le Messie est venu !”

Ayant entendu ces paroles, Marie et moi nous exclamâmes de joie du fait que nous avions vu et entendu Jésus à Jérusalem et que nous croyions en Lui. Sur ce, ils parurent très contents ; et ils répondirent à nos questions concernant le Prophète, disant qu’Il était en Samarie, prêchant et faisant des miracles, proclamant son royaume. Quand nous entendîmes ceci, nous nous réjouîmes excessivement, car nous étions sans ses nouvelles pendant longtemps. D’eux, nous apprîmes qu’Il avait choisi douze apôtres, qui L’accompagnent toujours et sont enseignés chaque jour par Lui ; et très récemment soixante-dix autres qu’Il a envoyés deux par deux dans chaque ville pour annoncer son approche.

“Viendra-t-Il alors à Naïn ?” dit la veuve avec émotion. « Je serais disposée à mourir pour pouvoir poser mes yeux sur un si grand et saint homme !”

“Oui, Il viendra ici” répondirent les hommes ; “et quand nous Lui rapporteront ton hospitalité envers nous, Il visitera ta maison ; car Il n’oublie jamais un verre d’eau accordé à l’un de ses disciples.”

Les hommes s’en allèrent alors, appelant encore la paix de Dieu sur notre demeure. Quelques minutes à peine après leur départ, nous entendîmes un grand tumulte dans la place du marché, qui était à côté. Etant montés au sommet de la maison, nous vîmes ces deux hommes debout sur une éminence et prêchant que le royaume de Christ est proche, et appelant tous ceux qui écoutaient à se repentir de leurs mauvaises œuvres et de mener une vie pieuse. Car Jésus les jugerait un jour selon les œuvres accomplies dans leurs corps. Sur ce, certains crièrent contre Jésus et d’autres jetèrent des pierres aux deux hommes. Quand nous atteignîmes le sommet de la maison, nous vîmes l’un deux ôter ses sandales et en secouer la poussière en disant d’une voix forte :

“Comme vous rejetez les paroles de vie, vos péchés demeurent sur vous de la manière que je vous retourne la poussière de votre ville.”

Ils s’en allèrent alors, suivis par des Lévites et des hommes vils qui les éconduisirent de la ville. Cette hostilité, nous découvrîmes, fut causée par un ordre émanant du grand Sanhédrin et adressé toutes les synagogues et à tous les sacrificateurs dans le pays, qu’ils devaient dénoncer tout celui qui prêche que Jésus de Nazareth est le Christ.

Pendant que nous désolions de cette hostilité envers un prophète envoyé de Dieu, dont la vie est une série de bonnes œuvres, entra précipitamment une belle jeune fille du nom de Ruth. Elle tenait une lettre ouverte dans sa main et sa belle figure luisait suite à quelques joie secrète qui contrastait étrangement avec notre tristesse du moment. Nous avons connu Ruth mieux et l’avons aimée comme si elle avait été une sœur. Elle était orpheline et vivait avec son oncle, Elihaz le Lévite, un homme influant de la ville. Elle était ingénieuse, peu soupçonneuse et très intéressante dans toutes ses manières.

“Quelle bonne nouvelle, chère Ruth ?” demanda Marie souriant en réponse à son brillant sourire. “Une lettre de qui ?”

“Pour Sarah” répondit la jolie jeune fille, rougissant si timidement et consciencieusement que nous nous doutâmes de la vérité.

“Mais ça ne nous dit pas de qui” persévéra Marie un peu espiègle.

“Vous pouvez deviner” répondit-elle, regardant par dessus son épaule blanche, alors que, d’un bond, elle s’éloignait de nous dans la maison.

Nous fûmes aussitôt après elle et l’entendîmes au moment où elle s’écria, mettant la lettre dans la main de la chère veuve :

“De Samuel”

“Que Dieu soit béni” s’écria la veuve “mon fils vit et se porte bien.”

“Lis, chère Sarah” s’écria la jeune fille. “Il était à Alexandrie quand il écrivit ceci et il sera bientôt à la maison. O heureux, heureux jour !” ajouta la fille ravie, ayant complètement oublié notre présence. Mais nous étions depuis longtemps au courant de l’histoire de son amour pur pour le fils de la veuve, que nous avions une fois vu à Jérusalem, étant donné qu’elle avait fait de nous les confidentes de tous ses espoirs et craintes et nous avait lu toutes les lettres qui venaient de lui en mer ; car il faisait le commerce en mer sur des navires comme son père avant lui. Nous savions aussi que le jeune itinérant l’aimait avec autant de dévotion qu’elle et nos cœurs sympathisèrent avec elle dans sa loyale affection.

“Non” dit la veuve “mes yeux sont pleins de larmes de joie ; je ne peux pas voir pour lire. Lis-la à haute voix. Laisse Adina et Marie aussi connaître ce qu’il a écrit. La lettre m’est-elle adressée ou à toi, enfant ?

“A – à moi, chère Sarah” répondit la jeune fille, embarrassé

“Probable – probable ; il est plus naturel que tu aies la meilleure part de ses épîtres. Mais si de cette manière, j’apprends qu’il se porte bien, c’est pareil qu’il m’écrive ou qu’il t’écrive !

Alors Ruth jeta un regard brillant sur nous et ainsi lit à haute voix de la lettre venant d’outre mer :

“Ruth chérie —- je crains que tu n’aies été impatiente suite à mon long silence. Mais, je ne t’aime pas moins, quoique tu n’aies pas souvent de mes nouvelles. Maintenant que je suis en sécurité, je t’écrirai. Ce que je n’aurai pas fait en état d’incertitude. Sache qu’après que notre navire eut quitté Cesarée pour la Crète, nous fûmes pris dans un vent du Nord du Nord et, en nous efforçant de gagner l’extrémité Est de l’île, nous nous égarâmes et fûmes déportés sur l’Afrique où nous fîmes naufrage, perdant toute notre cargaison et les vies de beaucoup qui naviguaient avec nous. Avec d’autres, je fus capturé par les Barbares et emmené à l’intérieur des terres, dans un pays des montagnes rocailleuses ; et là, je devins prisonnier de l’un des principaux hommes de la nation où j’étais captif. A la fin, inspiré par la conscience de l’angoisse que ma bien-aimée mère et toi devriez avoir du fait de ne pas recevoir de mes nouvelles, je résolus de m’échapper. Après de grands périls, j’atteignis le bord de la mer et au bout de plusieurs jours, en suivant la côte, je fus pris à bord d’un petit bateau de Chypre et transporté à Alexandrie. Le vaisseau appartenait à un riche marchand de mon propre peuple, Manassé Benjamin Ben Israël qui, me trouvant malade et destitué de toute chose juste au moment où je me suis échappé, me prit dans son hospitalière maison et me traita comme un fils jusqu’à ce que j’ai recouvert ma santé et ma force – disant qu’il avait une fille au loin en Judée, que je vis à la maison de Rabbi Amos, et il espérait que si jamais elle avait besoin de l’aide des étrangers, Dieu le récompenserait en les rendant aimables envers elle.”

A ce moment là, Marie et moi, nous regardâmes l’une l’autre avec agitation et agréablement surprises.

“Il s’agissait de mon père” s’exclamai-je avec émotion “je me réjouie que sa maison soit devenue la maison de ton fils, o dame. Béni soit mon père !”

Quand Sarah apprit que ce fut dans ta maison, cher père, que son fils avait été hospitalièrement reçu, elle m’embrassa encore et encore et m’implora de te transmettre sa sincère gratitude – ce que je fais ici. Et c’est, père chéri, parce que tu connais et aimes ce jeune homme, si providentiellement confié à tes soins, que je serai si particulière en racontant ce que je suis sur le point de faire, le concernant.

Ruth acheva alors la lecture de la lettre, qui disait qu’il retournerait par le premier navire à destination de Sidon ou Cesarée et qu’il espérait la voir ainsi que sa mère  face à face et recevoir comme épouse la jeune fille qu’il avait si longtemps aimée et chérie dans son cœur.

Sarah sembla alors plus attirée vers moi en affection et Ruth aussi depuis qu’elles avaient appris que je suis la fille du noble Juif qui fit tant pour Samuel dans un pays étranger. A la fin, comme le jour de quitter, en vue de retourner à Jérusalem, approchait, ayant recouvert complètement ma santé, nous fûmes toutes remplies d’une ravissante surprise à l’apparition du fils si longtemps absent et amoureux au milieu de notre joyeux cercle.

Marie et moi l’avions vu une fois et nous fûmes impressionnées par sa beauté virile et dorée par le soleil, son air intrépide et sa franche et ingénieuse manière. Nous ne pouvions qu’être d’avis que la jolie Ruth avait bon goût. Il me donna le paquet que tu désirais qu’il achemine à Jérusalem, et ainsi nous eûmes toutes raison de nous réjouir de sa venue. Mais hélas ! mon cher père, notre joie fut de courte durée ! Nous ne prévîmes pas combien vite notre réjouissance devait s’achever en deuil. La nuit même de son retour, il fut saisi d’une fièvre maligne qu’il avait rapportée avec lui d’Afrique, et nous fûmes tous accablées de peine.

Il serait impossible de peindre l’angoisse de la mère, la détresse déchirante de la fiancée, alors qu’elles se penchaient sur sa couche et voyaient la peste féroce qui le brûlait comme s’il était dans une fournaise.

Inconscient de leur présence, il délirait d’une manière extravagante et quelques fois il s’imaginait souffrant de soif sur le sable brûlant d’Afrique ; et parfois se battant contre les Barbares pour sa vie. Tout ce que les médecins purent faire, ainsi que ses amis – car il était beaucoup aimé aussi bien pour lui-même que pour sa mère et pour Ruth – tout fut vain. Ce matin, le troisième jour après son retour, il expira, au milieu de la plus affligeante agonie. Pauvre Ruth ! Elle se jeta dans un total abandon de peine sur son corps sans vie et défiguré ; et maintenant qu’ils l’ont déplacée de la chambre de mort, ses cris aigus remplissent la maison. La mère est à côté du mort, l’image de désespoir, tenant sa main froide dans la sienne et émettant des gémissements de peine, assez pour déchirer un cœur romain ;

“Mon fils ! mon fils ! perdu et retrouvé, pour m’être arraché pour toujours ! Oh, que ne fut-je pas morte pour toi ! Toi et Ruth seriez alors heureux. Plut-il à Dieu que je sois morte lamentant pour toi, o mon fils, Samuel, mon fils !” C’est comme David se lamentant sur Absalom.

Je t’écris cette triste nouvelle, cher père, sachant combien profondément tu vas pleurer sa mort ! Car tes lettres me montrent que tu as pour lui presque un attachement paternel poussé loin d’après une promesse de lui procurer un bateau pour faire le commerce en Egypte, après que son mariage avec Ruth aura lieu. Hélas ! au lieu d’un mariage, voici des funérailles. Déjà, les porteurs sont à la porte et, dans quelques minutes, il sera mis en bière et porté au lieu d’inhumation , hors de la ville.

“Oh” soupire Marie à côté de moi, au moment où j’écris “oh, si Jésus, le puissant Prophète, avait été ici ; Il pouvait l’avoir guéri !”. Jean lui a envoyé un message disant qu’Il chemine dans cette direction, dans sa mission de guérison et d’enseignement et peut être ici ce soir. Mais à quoi cela sera t-il profitable, cher père ? Même, Jésus ne peut ramener le mort à la vie. Oh, s’Il pouvait avoir été ici hier, son pouvoir sur les maladies L’aurait rendu capable de sauver sa précieuse vie ! Mais les regrets sont inutiles. Le noble jeune homme est mort et ne vivra de nouveau qu’à la résurrection du juste.

J’entends les lourds pas des porteurs de mort dans la cour, en bas. Les cris perçants et les gémissements des femmes qui pleurent font frémir mon âme de crainte. Mais, par dessus tout, perce le cri d’angoisse de la mère affligée ! La voix de Ruth s’est tue. Elle a été, pendant la dernière heure, inanimée comme le marbre, assisse avec un œil vitreux et des traits rigides fixant l’endroit vide. C’est seulement par son pouls qu’on peut dire qu’elle vit ! Pauvre fille ! Le coup est si terrible à supporter pour elle.

Ma cousine Marie a, en ce moment, reçu un petit rouleau de parchemin que, par le flot soudain sur ses joues, je sais provenir de son fiancé. Elle sourit tristement et les yeux en larmes, elle me le donne.

Je l’ai lu, cher père. On lit ce qui suit ; si j’ai le temps, je le transcrirai avant que l’appel pour suivre le mort ne soit donné :

“Gadara, au delà de Judée.

“Le porteur, bien-aimé, est un des disciples de Jésus. Son nom est Barthimée. Il fut aveugle et pauvre et vivait en mendiant ; et, comme tu le vois, sa vue a été restaurée et il insiste maintenant pour aller de ville en ville où il a été connu comme aveugle pour proclamer ce que Jésus a fait pour lui. Il t’apporte ceci. J’écris pour dire que je souhaite que tu puisses prospérer en toute chose et trouver la santé pour laquelle ta cousine et toi aviez cherché l’air du Mont Tabor. Je n’ai pas de plus grande joie que d’apprendre que tu es bien portante. Cette lettre vient t’implorer, jeune fille, afin que, comme nous nous aimons sincèrement l’un l’autre, nous puissions bientôt être unis dans cette sainte union que Dieu a bénie et ordonnée. Je voudrais te rappeler que tu as donné ta promesse à ce sujet quand nous nous sommes rencontrés dernièrement à Nazareth. Mais ayant beaucoup de choses à dire là dessus, je ne vais pas le confier au papier et à l’encre ; mais demain ou après demain, j’espère venir à toi et parler avec toi, chèrement bien-aimée, face à face, sur ces choses qui viennent maintenant à mes lèvres. Adieu, dame et que la paix soit avec toi et avec tous dans ta maison. Salue tes amies en mon nom, leur apprenant que nous serons bientôt avec vous ; Amos aussi, ton père, maintenant notre frère dans le Seigneur. Il y a beaucoup de choses que j’ai vues et entendues concernant mon Saint Maître, Jésus,  et sa sainte mission envers le monde, que je te dirai quand nous allons nous rencontrer, afin que toi aussi tu puisses communier avec nous dans ces choses que nous connaissons et croyons à son sujet. Mon Maître te salue et tous ceux de ta maison ; Rabbi Amos aussi te salue par un baiser. C’est la seconde épître que je t’ai écrite de cet endroit.”

“O, que le puissant Prophète n’était – Il venu un jour plus tôt !” s’écria Marie. “Quelles peine et angoisse auraient été épargnées à la pauvre Ruth et à la mère ! Mais que la volonté de Jéhovah soit faite.”

Nous entendons maintenant, cher père, la voix du gouverneur des funérailles, nous disant de descendre pour enterrer le mort.

Adieu, mon père. Je sais que tu verseras des larmes en mémoire du noble jeune dont la mort, à ce jour, a fait porter le deuil à tout Naïn. Au moment où je regarde de la fenêtre, je vois une immense foule de gens qui remplit toute la rue. Maintenant, puisse le Dieu de notre père Abraham te préserver et te garder et permettre que nous nous voyions une fois encore face à face dans la joie et la paix.

Ta fille respectueuse et chagrinée,

Adina.