Le Prince de la Maison de David- Lettre 15

Lettre XV

Mon cher père,

A la demande que tu fis dans ta dernière lettre, « qu’est devenu le Prophète du Jourdain depuis que la renommée de Jésus a éclipsé la sienne ?« , je peux répondre mais avec tristesse. Ta question semble conclure qu’il serait envieux de la puissance et des miracles qui distinguent son successeur. Mais, au contraire, Jean a toujours déclaré dans sa prédication que : « il n’était pas digne de délier les lacets des sandales de Celui qui devait venir après lui« [1] et plusieurs fois que « Celui à qui je rends témoignage doit croître mais moi je dois diminuer !« [2] La mission pour laquelle Jean était venu s’acheva quand Jésus vint. Aussitôt après, il quitta le désert et entra à Jéricho, où par hasard, Hérode fut en visite. Ici, Il prêchait dans des places publiques et dans le marché, et sur les marches même du palais du gouverneur, que les jugements de Dieu venaient sur la terre et que les hommes devaient, par la repentance, apaiser sa colère ; et que Christ serait le juge des hommes ! Alors, pendant qu’il parlait ainsi au peuple, aux officiers et soldats de la garde  du Tétrarque, Hérode lui-même vint sur le balcon pour écouter, car il avait beaucoup entendu sur Jean en Galilée et avait ardemment désiré l’entendre. Le prophète l’avait à peine vu qu’il s’adressa hardiment à lui et le réprimanda sévèrement pour le péché d’avoir pris en mariage la femme de son frère, Philippe, contrairement à la loi. Alors, Hérode, est-il dit, ne montra aucun ressentiment à ce traitement mais, invitant le prophète dans son hall, il parla beaucoup avec lui et, en partant, lui offrit des cadeaux que Jean refusa de toucher. Le jour suivant, il le fit appeler de nouveau pour lui poser certaines questions concernant le Messie qu’il prêchait. Alors Hérodias, quand il lui fut rapporté, après le retour d’Hérode de Jéricho dans sa Tétrarchie, comment le prophète avait parlé publiquement contre son mariage avec Hérode, fut très irritée ; et quand elle s’aperçut que Jean était encore approuvé par son mari, elle fit appeler Hérode et dit “que s’il voudrait lui plaire, il doit mettre le prophète du Jourdain en prison”. Hérode l’aurait excusé disant que c’est un homme de Dieu ; seulement Hérodias insista le plus véhémentement qu’il devrait être mis en prison. A la fin, Hérode céda, contre sa propre volonté, et donna des ordres pour arrêter le prophète qui, la même nuit, fut placé dans la prison du château. Quand la nouvelle atteignit les disciples de Jean, elle causa une grande peine ; et plusieurs allèrent le voir et parlèrent avec lui. Mais il leur dit qu’ils ne devaient plus penser à lui ; que sa brève vie tirait à sa fin ; mais qu’ils devaient tourner leurs yeux vers Christ, le soleil de justice dont le lever était jusqu’à un jour éternel. “Ne vous ai-je pas dit” leur demanda t-il : “Il doit croître et moi, je dois diminuer ?” Pendant quelques semaines, ce saint homme, dont l’unique offense fut d’avoir eu le courage de réprimander le péché dans les hauts lieux, demeura en prison, pendant que Hérode cherchait, chaque jour, un prétexte pour le relâcher sans déplaire à Hérodias, dont la colère le tenait dans une grande crainte, étant un abject esclave de son amour pour elle.

A la fin, le jour anniversaire de la naissance de Hérode arriva ; il envoya un mot à Jean, qu’en l’honneur du jour, il le ferait sortir de prison, aussitôt qu’il obtiendrait le consentement de sa femme. Il croyait qu’elle allait le lui accorder à l’occasion d’un tel anniversaire.

Or, après la fête, Philippa, la fille de Hérodias avec son premier mari, Philippe, vint et dansa devant le prince Hérode ; et étant belle dans sa personne et pleine de grâce dans chaque mouvement, elle plut tellement à son beau-père qu’il fit un grand serment, ayant bu beaucoup de vin avec ses hôtes, qu’il lui donnerait tout ce qu’elle demanderait, serait-ce la moitié de son royaume. Sa mère l’appela alors et lui chuchota de façon autoritaire à l’oreille.[3]

Donne moi” dit la jeune fille, se tournant vers Hérode avec la demande que de sa mère lui avait commandé de faire “maintenant, la tête de Jean Baptiste sur un plat.”[4]

Le tétrarque, aussitôt cette requête entendue, devint pâle et dis violemment : “ta mère a tripoté avec tes oreilles, fille.” Hérodias, cependant, ne trahit aucune confusion, mais elle s’assit non concernée. Hérode, est-il dit par ceux qui furent présent, hésita pendant longtemps et, finalement, dit : “demande la moitié de mon royaume et je te la donnerai ; mais ne me laisse pas répandre le sang le jour de mon anniversaire.

Vas-tu falsifier ton serment ?” demanda sa femme avec dédain.

A cause de mon serment et pour ceux qui l’ont entendu, je vais accéder à ton désir” répondit-il à la fin, avec un soupir de regret et de reproche de soi. Il se tourna alors vers le capitaine de la garde et lui ordonna de tuer Jean le Baptiste en prison et d’apporter aussitôt sa tête sur un plat.

Au bout d’un quart d’heure, passé par Hérode dans une grande excitation, allant et venant sur le parquet, et par ses hôtes dans une attente silencieuse, la porte s’ouvrit et le capitaine de la garde entra, suivi par l’exécuteur qui apporta un plateau d’airain sur lequel était posée la tête couverte de sang de l’éloquent précurseur de Christ.

Donne-la lui !” cria Hérode sévèrement, le dirigeant vers la belle mais cruelle jeune fille sans cœur qui se tenait près de la porte intérieure. L’exécuteur plaça le plateau dans ses mains. Et, sans pâlir, mais avec un sourire de triomphe, la jeune fille le porta à sa mère qui s’était retirée dans la chambre intérieure. Il est dit qu’aussitôt que celle-ci le vit, elle cracha sur la face et le tenant devant elle, elle se mit à l’injurier. Les disciples de Jean, ayant appris sa mort, vinrent à Hérode et demandèrent le corps et l’emportèrent pour l’enterrer. Mais quand ils auraient demandé aussi la tête à Hérodias, elle aurait répondu : “qu’elle l’avait donnée à ses chiens pour la dévorer !” Combien terrible peut être la revanche d’une femme qui ne craint pas Dieu !

Tous les disciples du prophète assassiné allèrent alors où Jésus prêchait et guérissait et Lui dirent ce qui avait été fait à Jean. “Quand Jésus apprit la mort de Jean, il fut très triste” écrit Jean, son disciple, à Marie “et se retira à part, dans un endroit désert pour déplorer le sort de son intrépide et saint précurseur.”[5]

Dans l’entre-temps, les disciples de Jean Baptiste, croyant que l’assassinat de leur prophète n’était que le premier coup d’un massacre général, s’enfuirent, certains dans le désert, pendant que d’autres cherchèrent Jésus pour qu’il les protège et les conseille. A la fin, Il se trouva entouré par une grande multitude qui avait fui des cités, principalement parmi les disciples de Jean, à côté de plusieurs qui étaient venus L’écouter prêcher et pour être guéris par Lui. L’endroit était un désert et très éloigné de toute ville. Négligeant tout autre chose, sauf suivre Jésus, ils étaient sans nourriture “au point que “dit Jean, écrivant à Rabbi Amos “nous qui sommes ses disciples, voyant cela, suggérâmes que Jésus les envoie ailleurs dans des villages pour acheter eux-mêmes leurs victuailles. Mais, Jésus nous répondit et dit calmement :

Ils n’ont pas besoin d’aller ailleurs – donnez-leur à manger.[6]

Et Simon dit  ‘Maître, où pouvons-nous trouver du pain pour des gens si nombreux ? Il y a ici une armée à nourrir et nous n’avons parmi nous que cinq pains et deux petits poissons.’ Ayant entendu ceci, Jésus dit : ‘c’est assez, apportez-les moi ici.[7]

Nous rassemblâmes le pain et les poissons et, moi même, je les posai sur une pierre devant Jésus. Il nous dit ensuite ‘ordonnez à la foule de s’asseoir sur l’herbe.’ Et quand ils furent tous assis, Il prit les cinq pains et, posant ses mains dessus et sur les deux poissons, Il leva son regard vers le ciel et les bénit ; et ensuite les brisant en fragments, il les donna à nous ses disciples et nous dit de les distribuer au peuple. Aussi souvent que nous retournions pour davantage, nous trouvions du pain et des poissons qui ne diminuaient pas. Je vis, avec étonnement, comment ; quand ce Prophète de Dieu coupait une partie d’un des poissons ou de pain, la même partie apparaissait immédiatement comme si elle n’avait pas été séparée ; et de cette façon, Il continua  à couper et à nous distribuer pendant presque une heure jusqu’à ce que tous aient mangé autant qu’ils voulaient et soient rassasiés. Et quand personne n’en demanda plus, Il cessa de couper et nous ordonna de rassembler les fragments qui traînaient à ses côtés, fragments qu’ils avaient entassés autour de lui aussi rapidement qu’Il coupait et il y eut, par dessus ce qui avait été nécessaire, douze paniers pleins. Le nombre qui avait été ainsi miraculeusement nourri, fut d’environ cinq mille hommes, en plus de presque un nombre égal de femmes et d’enfants. Et ce puissant Prophète, qui put ainsi nourrir une armée, souffrit volontairement l’angoisse de la faim dans le désert pendant quarante jours et quarante nuits ! Il semble être un homme en souffrant, un Dieu en créant ![8]

Ce merveilleux miracle, mon cher père, en est un qui a tellement de témoins pour être renié. Lui qui put miraculeusement nourrir cinq mille, pouvait nourrir tous les hommes ! Lui qui, alors, pouvait nourrir toute l’humanité, ne doit-il pas être divin ? Assurément, ce doit être le Fils de Dieu ! Si je devrais te mentionner tous les miracles qui ont été faits par Lui, je remplirais plusieurs lettres. Pas un jour ne passe sans que nous n’apprenions certaine plus extraordinaire exhibition de sa puissance que la précédente. Chaque jour, quand les gens se rencontrent dans les places du marché ou dans les corridors du Temple, la première question est “quelle nouvelle merveille a t-Il accomplie ? Avez-vous appris un autre miracle de ce puissant prophète ?” Réellement, l’intérêt ressenti ici pour voir Jésus et être témoin de ses miracles est si grand que là  où un allait pour écouter Jean prêcher dans le désert du Jourdain, dix vont voir Christ en Galilée. Seuls les prêtres sont offensés et parlent en mal de Lui par jalousie. Ils se plaignent du fait qu’Il attire le peuple loin des sacrifices, qu’Il prêche une autre loi que celle de Moïse ; qu’il mange avec les pécheurs, qu’Il entre dans les maisons des Samaritains et qu’Il aime la Galilée plutôt que Jérusalem. Ce qui, soutiennent-ils, est une évidence qu’Il n’est pas le Christ qui devait “venir au Temple et envoyer sa loi depuis Jérusalem

Ils sont même allés très loin en affirmant qu’il accomplit ses miracles par la magie ou par l’aide de Beelzebub, le prince des démons. “Si nous acceptons qu’il capture l’esprit des hommes comme il le fait » dit Caïphe à Rabbi Amos, hier, quand il apprit que Jésus avait marché sur la mer pour rejoindre ses disciples  dans leur barque et calmé la tempête avec une parole “l’adoration dans le Temple finira et le sacrifice cessera. Il attire tous les hommes à Lui.”

Hérode ayant, comme je l’ai dit, tué Jean et appris directement après, la renommée de Jésus, dit à Hérodias : “c’est Jean Baptiste ressuscité des morts et, par conséquent, faisant de puissantes œuvres  qui se montrent en Lui.[9]

S’il ressuscite des morts soixante dix fois, j’aurai autant de fois sa tête” répondit Hérodias ; sur ce, Hérode envoya en privé dire à Jésus, supposant qu’il était Jean Baptiste, de demeurer dans la partie de la Galilée où Il était. Les Lévites et les Scribes soutiennent qu’Il est Elie qui, il est prophétisé, doit venir et rétablir toutes choses avant que le Schilo ne vienne. D’autres croient qu’il est Esaïe, ou Jérémie, ressuscité des morts ; et certains disent une chose, et d’autres une autre. Ils sont disposés à croire que Jésus est tout sauf ce qu‘Il est, notamment : le vrai Christ et le Fils du Très Haut.

Tu as demandé, cher père, dans la lettre : “où est Elie qui doit précéder le Messie, selon le prophète Malachie ?” A cette question, Jésus Lui-même a répondu, dit Jean, quand un Rabbi la Lui a posée. Il a répondu ainsi :

Elie est déjà venu et vous l’avez traité comme vous l’avez voulu.[10]

Parles-tu de Jean Baptiste ?” demandèrent ceux qui étaient autour de Lui, quand ils entendirent ceci.

Jean vint dans l’Esprit et la puissance d’Elie, et par conséquent, il fut celui appelé ainsi par le prophète” fut la réponse de Jésus.

Je t’ai écrit principalement des miracles de Jésus, cher père, comme étant sans l’ombre d’un doute l’évidence concluante de sa divine puissance et de son autorité pour enseigner et restaurer Israël. Je t’ai peu parlé de son enseignement, étant donné que je ne L’ai pas encore écouté ; mais j’ai entendu ceux qui L’ont écouté répéter beaucoup de choses qu’Il leur a enseignées. De telles paroles de sagesse, une telle pureté d’enseignement, de tels saints préceptes et divine instruction, jamais sortis auparavant des lèvres d’un homme. Oh, quand serai-je si bénie que d’entendre sa voix et d’être suspendue à l’éloquence de ses lèvres ? J’envie tous ceux qui L’ont entendu parler.

Je ne t’ai pas dit que, outre les six disciples que je t’ai nommés, Il a choisi six autres, les douze qu’Il garde près de sa personne comme ses suiveurs les plus favoris et qu’Il instruit chaque jour dans les doctrines qu’Il descendit du ciel pour enseigner. Des milliers qui ne s’étaient jamais lassés d’aller de place en place à sa suite, Il a aussi choisi soixante dix hommes qu’Il a envoyés par deux dans chaque ville et chaque village de Judée, leur ayant ordonné de proclamer que le royaume de Dieu est proche et que le temps où les hommes, partout, se repentiraient et se tourneraient vers Dieu, est venu.

Ainsi, tu vois, mon cher père, que le solitaire et inconnu jeune homme, qui fut baptisé il y a à peine une année dans le Jourdain, exerce maintenant plus d’influence dans le pays que le Procurateur Romain Pilate ou Hérode. Et même, peu de jours depuis, après qu’il eut nourri une autre foule par un miracle, le peuple a voulu faire de Lui un roi par la force ; mais Il se soutira à leur pression et se retira à la montagne seul pour échapper à cet honneur. Par conséquent, cher père, Il n’est pas un leader ambitieux. Son royaume, s’Il doit être Roi, ne doit pas être reçu comme un don des hommes. Cependant, qu’Il sera un roi est aussi certain qu’Il est Christ ; car la prophétie dit que le Messie : “s’assiéra sur le trône de son père David.” Qui peut regarder dans le futur et voir la limite de sa gloire ? Déjà, par la foi, je Le vois couronné par le même Dieu puissant qui proclama du ciel qu’Il était son Fils bien-aimé, Roi des rois et Seigneur des seigneurs ; avec son trône sur le Mont Sion et les nations de la terre tributaire de son sceptre de justice et soumises à son autorité illimitée. Il est la Pierre détachée de la montagne sans le secours d’aucune main, qui remplira toute la terre.

Tu pourras m’accuser d’être enthousiaste, mon cher père, mais si Jésus est le Christ, la terre n’a pas de langage pour exprimer la splendeur de son règne.

Il est maintenant notoirement rapporté qu’Il sera ici à Pâque. Je pourrai alors Le voir et, comme les mages, je L’adorerai avec, à la fois, respect et amour. Je t’écrirai de nouveau, cher père, après L’avoir vu et écouté.

D’ici là, crois-moi ton affectueuse fille,

Adina.

[1] Luc 3 :16 – Jean 1 :27   Note du traducteur

[2] Jean 3 :30   Note du traducteur

[3] Matthieu 14 :6,7   Note du traducteur

[4] Matthieu 14 :8   Note du traducteur

[5] Matthieu 14 :12,13   Note du traducteur

[6] Matthieu 14 :15,16   Note du traducteur

[7] Matthieu 14 :17,18   Note du traducteur

[8] Matthieu 14 :19-21 ; Luc 9 :14-17   Note du traducteur

[9] Matthieu 14 :1,2 ; Marc 6 :14   Note du traducteur

[10] Matthieu 17 :12 ; Marc 9 :13   Note du traducteur