Lettre XXIII
Mon cher père,
J’ai reçu, avec joie, ta lettre dans laquelle tu dis que tu quitteras l’Egypte avec la prochaine caravane pascale, en vue de visiter Jérusalem. Tu dois être déjà en chemin et es par ce temps près de Gaza où, dit mon oncle Amos, la caravane va s’arrêter demain soir. Mon cœur bondit de t’embrasser et mes yeux sont pleins de brillantes larmes à la pensée que je regarderai encore une fois ta noble mine et entendrai le son aimé de ta voix paternelle. Mon bonheur est augmenté de savoir que tu seras ici pendant que Jésus est dans la ville ; car il est dit, et Jean, le mari de Marie, l’affirme, qu’Il sera certainement à la Pâque. Je souhaite, cher père, oh, je souhaite que tu Le voies, car je sens que tu serais incapable de résister à la conviction qu’Il est le véritable Messie de Dieu, au sujet duquel Moïse et les Prophètes écrivirent.
Mais si ses paroles, cette divine éloquence et cette sagesse qui coulent de ses lèvres sacrées, ne te convainquent pas, les miracles qu’Il fera en preuve de sa mission seront sans résistance. Ces miracles deviennent chaque jour de plus en plus puissants et étonnants. Pour Lui-même, pour l’accroissement de son prestige, pour sa sécurité personnelle (car souvent sa vie a été mise en péril par ses ennemis) Il ne recourt jamais à ce pouvoir divin ; mais pour attester ses paroles de vérité qu’Il est venu de Dieu, pour guérir la souffrance, soulager la détresse, Il les accomplit chaque jour. Si jamais un homme n’a parlé comme Lui, jamais un homme n’a fait des merveilles comme Lui.
Il a changé l’eau en vin ; guéri par une parole le fils mourant du noble Chuza, premier officier de la maison d’Hérode, quoique à plusieurs lieux de Lui à ce moment là. Il calme une effroyable tempête sur la mer Tibériade en parlant à celle-ci et en ordonnant la paix ! Dans le pays de Gadara, Il chassa des esprits mauvais de plusieurs démoniaques, esprits qui, en sortant des corps de ceux qu’ils avaient possédés, reconnurent son pouvoir et confessèrent, comme si c’était contre leur volonté, qu’Il était le Christ, le Fils de David. De la résurrection de la fille du dirigeant Jaïrus et du fils de la veuve de Naïn, je t’ai déjà écrit. En dehors de ces miracles de guérison et de résurrection de mort, Il a été vu marchant sur la mer à une lieue du rivage, aussi fermement que s’Il marchait sur un parquet de porphyre ; plusieurs pêcheurs ayant vu cela, furent remplis de terreur et fuirent tous à terre où ils répandirent, partout la nouvelle. Il a restauré la vue d’un aveugle dont les yeux étaient complètement partis ; et créé de nouveaux membres là où les jambes et les bras avaient été perdus pendant des années.
La semaine dernière, Eli le paralytique, que tu as connu, un Scribe des Lévites, dont la main a été flétrie pendant neuf ans, si bien qu’il avait été dépendant de l’aumône des adorateurs dans le Temple pour son pain, apprenant le pouvoir de Jésus, Le chercha à la maison de l’oncle Amos, où Il demeurait ; car ce fut notre privilège béni de L’avoir comme hôte. En effet, Jean, son disciple bien-aimé, maintenant le mari de la loyale fille de l’oncle Amos, ma douce cousine Marie, conduisait toujours le Prophète à notre maison.
Jésus se reposait avec notre famille au repas du soir à la fin du jour où le tumulte s’était produit dans le Temple, tel que décrit dans mon avant dernière lettre, quand Eli vint et se tint non loin de la porte. Humble et doutant, ses genoux tremblaient, et il regarda timidement et avec nostalgie vers Jésus mais ne dit rien. Je sus tout de suite ce pour lequel l’affligé était venu et je m’approchai de lui, disant : “ne crains pas, Eli, demande-Lui et Il te restaurera !”
“Ah, dame, je crains qu’il n’y ait trop de bonheur pour moi d’attendre. C’est plus que ce que j’ose rêver. Mais je suis venu à Lui, espérant.” Sa voix tremblait et les larmes coulaient de ses yeux, alors qu’il pensait à sa famille dans la pauvreté et à sa propre impuissance. “Comment parlerai-je au grand Prophète, fille – moi, mendiant à l’entrée du Temple ? Parle pour moi et le Seigneur te bénira, enfant. Ma langue colle à mon palais !”
Jésus ne voyait pas le pauvre homme, sa face étant tournée vers Rabbi Amos, à qui Il expliquait le sens du sacrifice d’Abel. Mais laissant cette conversation, il dit d’une voix douce, sans se retourner :
“Viens à moi, Eli, et demande ce qui est dans ton cœur et ne crains rien car si tu crois, tu recevras tout ce que tu veux !”
A ceci, Eli s’élança et, se jetant aux pieds de Jésus, il les embrassa et dit : “Rabbouni, je suis pauvre, homme pécheur, je crois que tu es le Christ, le Fils du Béni !”
“Crois-tu, Eli, que j’ai le pouvoir de te restaurer ?” demanda Jésus, le regardant fixement.
“Je crois, mon Seigneur” répondit Eli, inclinant sa face à terre.
“Alors, tes péchés te sont pardonnés. Lève-toi et rentre à ta maison et ne pèche plus, de peur qu’une mauvaise chose ne t’arrive.”
“Cet homme pardonne aussi les péchés ?” cria le vénérable sacrificateur, Manassé, qui était à table. “C’est un blasphémateur ! car Dieu seul pardonne les péchés. Se dira t-il Lui-même Dieu ?” et il se leva rapidement et déchira sa robe et cracha sur le parquet détestablement.
“Manassé” dit Jésus doucement “dis-moi ce qui est plus facile à faire – dire à cet homme à genoux ici ‘tes péchés te sont pardonnés’ ou dire ‘étends ta main restaurée comme l’autre’ ?”
“Il serait plus difficile de faire le dernier” répondit Manassé, surprit à cette question.
“Qui seul peut faire le dernier, o prêtre ?”
“Dieu seul qui, le premier, le fit” répondit Manassé, regardant la main flétrie qui, décharnue, pendait sans utilité à son côté.
“Si alors Dieu seul guérit et Dieu seul pardonne les péchés, les deux actes, Manassé, seraient de Dieu ! Par conséquent” dit Jésus au paralytique “je te dis, Eli, étends ta main restaurée !”
L’homme, regardant la face de Jésus, et semblant retirer confiance de son expression de puissance, fit un mouvement convulsif avec son bras, qui était dénudé jusqu’à l’épaule, exhibant toute son hideuse déformation, et l’étendit à la fin. Immédiatement, le bras fut entouré de chair et des muscles ; le pouls remplit et bondit avec le chaud sang de vie, et il devint aussi normal que l’autre. Le changement fut si instantané qu’il fut fait avant que nous puissions voir comment. L’étonné et merveilleusement ravi Eli plia son coude, étendit et contracta ses doigts, sentit la chair et la pressa avec son autre main, avant qu’il puisse réaliser qu’il était guéri. Alors, il éleva sa voix en louange à Jéhovah et, se jetant aux pieds du Prophète, cria :
“Tu n’es pas un homme, mais Gabriel, l’ange de Dieu !”
“Tu es maintenant guéri, Eli” dit Jésus avec impression “adore Dieu, va et ne pèche plus !”
“Maître, tu connais toutes choses ! Voici, mon péché même n’était pas caché devant toi, quoique je croyais qu’aucun œil ne le voyait. Hommes et frères” continua t-il, s’adressant à ceux qui étaient assemblés “ce Saint Prophète ou ange de Dieu fit bien de me dire premièrement ‘mes péchés étaient pardonnés’ au lieu de me dire d’étendre ma main ; car ce fut un grand péché qui causa ma paralysie, comme punition pour cela. J’avais copié un parchemin pour un Lévite, Phinée, le collecteur de taxe pour le service du Temple, et avait malicieusement altéré un chiffre dans un montant, par lequel j’allais être gagnant de quatre pièces d’argent. Au moment où j’écrivis le dernier chiffre, je sentis une attaque de paralysie et mon bras retomba mort à mon côté. Ce fut la punition de Dieu. Ce fut il y a huit ans. Aucun œil ne sut cette action sauf Dieu et moi-même. Mais je me suis repenti dans une profonde humiliation. Par conséquent, comme mon bras flétri l’était pour punir mon péché, mon Seigneur fit bien, le Puissant Prophète me dit ‘mon péché était pardonné’ car alors ma punition a été ôtée. Car je sentais déjà à sa parole, le sang couler à travers mes veines desséchées.
Sur cette franche reconnaissance, Manassé s’écria, émerveillé “réellement, Dieu est bon pour Israël. L’heure de sa promesse est venue. En vérité, o Jésus de Nazareth, tu es le Fils du Très Haut ! Pardonne à un ver de terre, et mes péchés aussi !” Et le hautain prêtre tomba aux pieds de Jésus et pencha ses cheveux blancs comme neige dessus en adoration et révérence.
Si alors, cher père, les péchés secrets des hommes sont connus par Jésus ; s’Il pardonne le péché aussi bien qu’Il guérit les maladies ; s’Il ôte la punition temporelle que Dieu inflige aux hommes pour leurs iniquités, quel nom, quel pouvoir, quelle excellence Lui concéderons-nous ? Ne devons-nous pas avec Esaïe L’appeler “le Merveilleux, le Conseiller, le Dieu Puissant, le Prince de Paix, qui s’assiéra sur le trône de David pour l’établir désormais avec justice et jugement, même pour toujours ?” “Qui” répété-je avec Manassé “qui pardonne le péché si ce n’est Dieu seul ?”
Comment serai-je capable de me rappeler et répéter toutes les autres puissantes œuvres que Jésus a faites en preuve de son divin pouvoir ! Tu devrais avoir appris comment Il nourrit, à partir d’un petit panier de pain (la frugale provision qu’un garçon avait apportée dans le désert pour sa mère et ses frères), pas moins de cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Cette vaste foule L’avait suivi loin des villes pour écouter ses enseignements, gens de toutes les classes et langues, incluant plusieurs capitaines romains. Quand l’importante foule eut faim, Il la fit asseoir sur l’herbe et, du panier, Il prit du pain qu’Il multiplia in exhaustivement dans sa main alors qu’Il distribuait ; si bien que, quand tous eurent mangé, il fut ramassé douze fois la quantité de fragments qu’il y avait dans le petit panier d’origine. Qui, cher père, sauf le Messie, pouvait faire ce miracle ? Lui qui put ainsi créer du pain à sa volonté, n’est-Il pas le Seigneur de moisson de la terre ? Mon esprit est accablé, mon cher père – je suis remplie d’étonnement et de crainte quand je réfléchis sur la puissance, le pouvoir et la majesté de Jésus et je crains de me demander – qui, plus qu’un homme, est-Il ? Est-Il véritablement le terrible Jéhovah du Sinaï, visible dans la forme humaine ? Oh, merveilleux et incompréhensible mystère ! Un homme avec le Tout-Puissant pouvoir, et manifestant les attributs même de Jéhovah, le Seigneur des Armées, marchant sur la terre, conversant avec les hommes, demeurant dans nos habitations, mangeant et buvant avec nous, et dormant avec l’insouciance pacifique d’un enfant sous nos toits ! Je n’ose pas risquer mes pensées à pénétrer le mystère dans lequel Il marche parmi nous dans le caractère divin voilé de son pouvoir. Son disciple bien-aimé, Jean, dit que Jésus lui a dit que le jour n’est pas loin où ce voile sera ôté, et que nous Le connaîtrons alors, qui Il est, et pourquoi Il est venu dans le monde, et l’infinie conséquence de sa mission sur les hommes.
La Pâque est très proche, où nous verrons encore la majesté de da présence. Je viens juste d’apprendre que Lazare, l’aimable frère de nos cousines Marie et Marthe, est soudain tombé malade, et je clos ma lettre en vue d’accompagner ma cousine Marie et son père à Béthanie, d’où on nous a envoyé un sérieux message de supplication. Puisse Dieu préserver sa vie.
Ta fille dévouée,
Adina.