Le Prince de la Maison de David- Lettre 11

Lettre XI

Mon cher père,

Dans ma dernière lettre pour toi, j’ai parlé de notre retour du Jourdain pour Guilgal à la maison de campagne dans les champs de blé de Peniel, où Rabbi Amos séjourne pendant les deux semaines de la moisson. A la maison étaient assemblés, non seulement Jean, le cousin de Marie, et le noble Lazare, mais aussi Gamaliel et Saul, son disciple, dont j’ai parlé auparavant, tous ceux qui étaient invités pour partager l’hospitalité de mon oncle pour la nuit. En outre, la cour de la demeure était remplie d’étrangers et de gens ordinaires qui, étant loin de leurs maisons et sans nourriture, avaient été librement invités à se loger et se nourrir par l’hospitalier prêtre.

Alors que nous étions restés tard, conversant avec un profond intérêt sur les remarquables événements du jour, une observation faite par Jean quand, parlant du changement dans la face de Jésus, il dit « son visage était défiguré plus que celui des fils des hommes« [1] conduisit le vénérable Gamaliel à nous dire :

« Ce sont les paroles du prophète Esaïe et elles sont dites véritablement par lui à propos du Messie quand Il viendra. »

« Consultons alors Esaïe et voyons ce qu’il avait dit davantage » s’écria Rabbi Amos « Marie, apporte ici le rouleau des prophètes. »

Ma cousine Marie revint et plaça le livre sur un petit support devant lui car, comme je l’ai dit dans ma dernière lettre, nous étions tous assis sur la véranda où la brise du soir était fraîche. Une lampe étant ensuite apportée, je la tins par-dessus les rouleaux de parchemin, pendant que mon oncle trouvait la portion du prophète à qui appartiennent ces paroles.

« Lis à haute voix, digne Rabbi » dit le philosophe Gamaliel « nous allons tous écouter car quoique je ne croie pas que ce jeune homme qui fut baptisé aujourd’hui soit le Messie et le Christ qui va nous restaurer toutes choses, je me suis cependant préparé pour le révérer comme un grand prophète. »

« Et » répondit Rabbi Amos « si nous trouvons des prophéties sur lui qui concernent le Messie quand il vient, vas-tu croire, vénérable père? »

« Je vais croire et, avec révérence, adorer » répondit le sage, inclinant sa tête jusqu’à ce que sa barbe blanche pendante touche presque ses genoux.

« Lis Adina, car tes yeux sont jeunes » dit mon oncle. Et obéissant, quoique embarrassée devant une telle audience, je lis ce qui suit :

« Voici mon serviteur agira sagement ; Il sera exalté et élevé, et placé très haut. Comme beaucoup ont été stupéfaits en te voyant, tant ton visage était défait plus que celui d’aucun homme, et sa forme, plus que celle des fils des hommes.« [2]

« Combien parfaitement » dit Jean « ces paroles décrivent son apparence au bord du désert ; et cependant, je les ai utilisées inconsciemment. »

« Mais » dit Saul, le disciple de Gamaliel, « si ceci est prophétisé du Christ, alors nous devons avoir un Christ d’humiliation et non d’honneur et de gloire. Lis une partie que tu as omise, jeune fille, et nous verrons qu’il y a des paroles qui indiquent une condition plus élevée que celle de cette personne inconnue, que Jean le Baptiste lui-même confessa ne pas avoir connu ni vu auparavant. »

Je lis ce qui suit : « voici mon serviteur agira sagement ; Il sera exalté et élevé, et placé très haut, Il purifiera plusieurs nations ; les rois fermeront leur bouche devant Lui. Il élèvera sa main sur les gentils et élèvera son étendard sur le peuple. Les rois se prosterneront face contre terre devant Lui et lécheront la poussière de ses pieds!« [3]

« Voilà! Tel est notre Messie. » S’exclama Saul.

« Oui, c’est un Christ de puissance et d’autorité qui doit racheter Israël » ajouta Gamaliel ; « pas un jeune homme inconnu, d’à peine trente ans, qui vint d’où personne ne connaît et qui est parti comme il est venu. Quant au Christ, nous saurons d’où Il vient! »

En entendant ce grand et aimable homme parler ainsi, cher père, mon cœur fut abattu au-dedans de moi ; car je ne pouvais pas ne pas confesser que ces prophéties d’honneur et de puissance ne pouvaient s’appliquer à l’humble personne que Jean avait baptisée. Car Lazare nous avait déjà dit que son ami Jésus était de naissance humble, un fils de charpentier et sa mère une veuve ; qu’il l’avait connu depuis son enfance, mais connu uniquement pour l’aimer. Je regardai immédiatement vers lui, mais je repris courage quand je vis que les paroles de Gamaliel n’avaient pas faibli la lumière de sa foi et sa confiance, lumière qui étincela vivement dans ses yeux, que son ami Jésus était vraiment le Messie de Dieu. Mais mes yeux tombèrent sur ce qui suivait et au moment où je le lis, j’eus plus confiance : « Il n’avait ni forme, ni éclat ; et quand nous Le verrons il n’y a aucune beauté qui nous Le fasse désirer.« [4]

« Si la première partie de cette prophétie » dit Lazare, ses beaux yeux brillant alors qu’il regardait Saul « concerne le Christ comme tu viens de le confesser maintenant, alors cette dernière Le concerne ; et le fait que tu rejettes n’est que l’accomplissement de cette partie de la prophétie. »

Sur ce, une vive discussion s’éleva entre d’un côté Gamaliel et Saul et de l’autre Rabbi Amos, Jean et Lazare, les premiers soutenant que les prophéties se référaient à deux Christs distincts, l’un humble et un homme de souffrance, et l’autre honorable et conquérant ; pendant que les derniers maintenaient que les prédictions apparemment opposées ne se référaient qu’à un Christ à deux périodes et circonstances de Sa vie.

« Mais que ceci soit comme il se doit » dit Jean après que les arguments de deux côtés aient été, pour la plupart, épuisés. « Comment expliqueras-tu, o Gamaliel, et toi Saul, l’extraordinaire voix et l’apparition de feu qui ont distingué le baptême? »

« Cela doit avoir été un phénomène de la nature ou fait par l’art des célèbres sorciers babyloniens, que j’ai remarqués dans la multitude » répondit le philosophe.

« As-tu entendu les paroles? » demanda Rabbi Amos.

« Oui Rabbi ; néanmoins, elles peuvent avoir été lancées dans l’air à partir des poumons de ces sorciers ; car ils font des choses étonnantes. »

« Voudrais-tu supposer qu’un sorcier serait disposé à appliquer les paroles sacrées du Seigneur? » demanda Jean sérieusement.

« En aucune manière » répondit-il avec révérence.

« Si Rabbi Amos veut me le permettre, je vous montrerai les paroles mêmes dans les prophéties du Roi David sur le Messie. »

Tous regardèrent Jean avec intérêt, au moment où il prit de son manteau un rouleau de Psaumes. Il l’ouvrit et lit ce qui suit, regardant Gamaliel :

« Pourquoi les dirigeants prennent-ils conseil ensemble contre l’Eternel et contre son Oint? Je publierai le décret ; l’Eternel m’a dit : tu es mon fils.« [5]

Ayant entendu cette lecture, Gamaliel fut pensif. Rabbi Amos dit : « en vérité, nous Juifs croyons que ces paroles furent dites à propos de notre Christ par le Seigneur Jéhovah. N’avons-nous pas entendu cette prophétie s’accomplir aujourd’hui même dans nos oreilles? »

« C’est extraordinaire » répondit Gamaliel « je sonderai les Ecritures quand je regagnerai Jérusalem pour voir si ces choses sont ainsi. »

« Et la lumière en forme d’une colombe, trouves-tu une explication à cela? » demanda Rabbi Amos.

« Non » répondit-il « et je refuserai toute autre opinion pour le moment. »

« Il te convient, o Gamaliel » dit Rabbi Amos « toi qui es un père et docteur en Israël, de connaître si ces choses sont ainsi afin que tu puisses enseigner tes disciples. »

« Mais » dit Saul avec une certaine véhémence « écoutez pendant que je lis certaines prophéties. » Et il déroula le livre des Prophètes et lit ces paroles : « Et toi, Bethlehem Ephrata, quoique petite parmi les milliers de Juda, cependant de toi sortira pour moi celui qui sera le Souverain en Israël, dont l’origine a été aux temps anciens, à l’éternité.« [6]

« Maintenant, tu confesseras, Rabbi Amos » ajouta-t-il avec un regard de triomphe, « que cette parole se réfère à notre Messie attendu. »

« Sans doute » répondit mon oncle « mais »

« Attends, je te supplie, savant Rabbi  » dit Saul, « jusqu’ à ce que je t’aie lu une autre prophétie » et il lit, « ‘j’ai fait alliance avec David, j’établirai ta postérité pour toujours et j’édifierai ton trône à toutes les générations. Sa postérité durera pour toujours et son trône comme le soleil devant moi. Voici les jours viennent, dit l’Eternel, où je susciterai à David un germe juste.[7] Maintenant vous admettrez tous, frères, que ces prophéties se réfèrent au Messie. Il doit par conséquent venir de la lignée de David et doit naître à Bethlehem. Montrez-moi que ce Jésus, le Nazaréen, accomplit ces deux conditions dans sa personne, et je me préparerai à croire en lui. »

Ceci fut dit avec arrogance et l’air de quelqu’un à qui on ne peut répondre. Mais Lazare se leva immédiatement et dit : « quoique je ne me souvienne pas de cette prophétie, que Christ devait naître à Bethlehem, je suis cependant ravi de voir que le fait en question, Jésus l’accomplit. Il est né à Bethlehem de Juda. Ceci je l’ai su il y a quelques années ; et  »

Ici, pendant que mon cœur jubilait, Gamaliel dit sévèrement « je pensais que cet homme était né à Nazareth. »

« Il a vécu » répondit Lazare « à Nazareth depuis son enfance seulement. Durant les jours où César Auguste publia un décret que tout le monde devrait être recensé, sa mère et Joseph, son mari, allèrent à la cité de David, qui est Bethlehem, pour être recensés. Et là, Jésus est né, comme je l’ai souvent entendu de ses lèvres. Mais c’est sur les registres dans le bureau même du Temple et on peut s’y référer. »

« Admettant alors qu’il soit né à Bethlehem » dit Saul qui, par son instruction à l’école, paraissait beaucoup adonné à la discussion « tu dois prouver son appartenance à la lignée de David. »

« Pourquoi ses parents allèrent-ils à Bethlehem, la cité de David, sinon qu’ils étaient de la lignée royale? » demanda Rabbi Amos ; « car personne ne se rendit dans une autre cité pour être recensé que celle de sa propre famille. Le fait qu’ils allèrent là est la solide évidence qu’ils étaient de la maison de David. »

« Tout celui qui est né dans la cité de David » remarqua Gamaliel « n’est pas nécessairement de la maison de David ; mais c’est surprenant si ce Jésus est réellement né à Bethlehem. »

« Mais sa lignée ne peut-elle pas être vérifiée sans un seul doute dans les registres des tribus et de leurs familles, conservés par le commandement de la Loi du Temple? » demandai-je à mon oncle.

« Sans doute. Ces registres des générations de notre peuple sont à compter dessus. » Répondit-il.

« En fait » dit Gamaliel « ils sont conservés avec la plus grande précision et c’est aussi ordonné par Dieu, pour la raison même que quand le Messie vient, nous puissions connaître si celui qui revendique l’être est de la maison de David ou non. J’examinerai le livre des générations et verrai si sa mère et son père viennent de la souche et de la semence de David. »

« Et si tu trouves qu’ils le sont » demanda Jean avec émotion « peux-tu douter davantage que Jésus est le Christ? Le fait de sa naissance à Bethlehem et de son appartenance à la lignée de David, pour ne pas parler du témoignage de la propre voix audible de Dieu, entendue par nos oreilles aujourd’hui, ces faits ne vous conduiront-ils pas à croire qu’il est le Christ? »

« Ils m’empêcheront réellement de le rejeter » répondit le froid philosophe. « Mais tous les enfants né à Bethlehem, et de la maison de David, et il y en a beaucoup en Juda qui remplissent les conditions de ces deux prophéties ; ils ne sont pas par conséquent des messies! »

« Que peux-tu demander de plus? » demanda Marie avec émotion car elle croyait fermement aussi bien que moi que Jésus était le Christ, et était profondément peinée par tant de doute et par une telle subtilité d’objection de la part de ceux qui étaient si bien instruits dans les Prophètes. Mais les hommes raisonnent et raisonnent pendant que les femmes croient simplement.

« Miracles » répondit le disciple de Gamaliel en jetant un coup d’œil sur la face de son maître pour l’approbation.

« Oui, miracles » répondit également le sage. « Le Messie doit guérir le malade par une parole, restaurer la vue de l’aveugle, chasser les démons et ressusciter même le mort. » Et ici, il souhaita que Saul lise la prophétie particulière donnant au Christ le pouvoir d’opérer des miracles.

« S’il restaure l’aveugle et ressuscite le mort, je ne douterai plus. » Répondit Saul.

A ce moment, il y eut une interruption causée par une bruyante altercation dans la cour parmi quelques disciples de Jean le Baptiste ; certains étaient disposés à reconnaître pleinement la supériorité de Jésus, pendant que d’autres, se laissant encore aller à la pleine faveur de leur première conversion, soutenaient bravement la transcendante grandeur de celui qu’ils considéraient comme leur propre prophète. Rabbi Amos, en sa qualité d’hôte, sortit pour mettre fin à ces disputes, pendant que Gamaliel se retirait dans sa chambre. Et la conversation ne fut pas renouvelée.

Ainsi tu vois, mon cher père, que le jour même de ces merveilleux événements, parmi les témoins oculaires eux-mêmes, il y a beaucoup de différence d’opinion concernant ce que Jésus est. Par conséquent, je ne m’attends pas à ce que toi, qui est éloigné de la scène et qui ne les connaît que par le récit, tu croies tout de suite, comme je l’ai fait. Veux-tu m’écrire et me dire quel point de vue tu prends de tout ce sujet et qu’est-ce qui peut être tiré des Ecritures pour prouver que dans cette merveilleuse personne le Messie n’est pas venu?

Le matin suivant, très tôt, les gens quittèrent la cour où ils furent logés et environ une heure après que le soleil fut levé, nous prîmes aussi nos selles et chevauchâmes vers Jéricho où nous passâmes le jour avec Miriam, la fille de Joël, qui fut cousin à ma mère.

Lazare est retourné à Béthanie où son occupation demande sa présence. Mais Jean, le fils d’Eliasaph, est resté avec nous, s’étant entendu avec Lazare qu’il irait de nouveau seul dans le désert et n’arrêterait ses recherches pour le Divin Prophète, Jésus, que quand il L’aurait trouvé. Car les deux jeunes hommes paraissent tristes comme s’ils avaient perdu un bien-aimé et honoré frère.

Ta fille  Adina

[1]  Esaïe 52.14   Note du traducteur

[2]  Esaïe 52.13-14   Note du traducteur

[3]  Esaïe 52.13-15   Note du traducteur

[4]  Esaïe 53.2   Note du traducteur

[5]  Psaume 2.2, 2.7   Note du traducteur

[6]  Michée 5.1   Note du traducteur

[7]  Jérémie 23.5   Note du traducteur