Le Prince de la Maison de David- Lettre 10

Lettre  X

Mon cher père,

Je vais commencer cette lettre par te demander l’examen impartial de ma précédente épître et te supplier de ne pas laisser un quelconque préjudice, indigne de la sagesse et la libéralité par lesquelles tu es distingué parmi les hommes, te conduire à rejeter, sans examen, la croyance des événements qui ont constitué le sujet de mes récentes lettres à ta destination et à fermer ton esprit aux convictions qu’ils peuvent susciter. Qu’il te plaise mon honoré et bien-aimé père, qu’il te plaise de considérer impartialement les choses au sujet desquelles j’ai écrit ; la prédication de Jean et son baptême à Jésus que, devant dix mille personnes, il déclara être le Messie, à qui il rendit témoignage et comment la voix de Dieu, aussi audible à toutes les oreilles que celle qui secoua Horeb et Sinaï, proclama du ciel qu’Il était « Son Fils bien-aimé » pense à tout ceci et demande-toi sérieusement « n’est-ce pas le Christ? »

Cette question ne nécessite pas d’aller loin pour trouver une réponse de mes lèvres et de mon cœur : « oui, Il est le Christ et je vais croire en Lui! »

Je peux voir ta face, mon cher père, changer son expression de douce affabilité alors que tu lis cette confession de ma plume. Je peux te voir paraître à la fois mécontent et peiné. Mais tu n’as pas de raison de craindre que je fasse ou croie quelque chose qui va apporter la honte sur tes cheveux gris ou sur ton nom. Si tu es un Juif, et fier de descendre de la lignée des Patriarches qui marchèrent avec le Seigneur, je suis aussi fière de ma nation et de ma foi. En croyant que Jésus de Nazareth est le Messie de Dieu, je ne fais pas de moi moins qu’une juive ; mais en ne le croyant pas, mon cher père, je ne pourrais pas être complètement une juive. Le Messie de notre nation n’a-t-Il pas été le fardeau des prières de Juda et de l’espérance d’Israël pendant longtemps? La croyance selon laquelle le Messie vient ne constitue-t-elle pas l’une de grandes caractéristiques de la race juive? Si non, et si nous seulement Le cherchons et chaque mère en Israël espère en tremblant, avec joie et doute, qu’Il peut être trouvé dans son premier né , est-ce que je suis moins qu’une juive, ou plutôt suis-je seulement une véritable juive, quand je crois que Jésus est le Messie, voyant en Lui tout ce qu’un Messie pourrait apporter, même la voix de Dieu en témoignage de Sa mission? Mais sincèrement je crois, mon cher père, que je défends ma croyance inutilement et que, quand tu viendras à lire et comparer, et bien examiner, tu te réjouiras avec moi du fait que Dieu se soit souvenu d’Israël et soit sur le point d’ôter sa réprobation parmi les nations.

J’attendrai ton prochain paquet des lettres avec la plus profonde sollicitude afin que je puisse savoir quelle est ta décision à l’égard des choses extraordinaires qui viennent de se dérouler. Tu ne les apprendras pas seulement par mes lettres, cher père, car le récit de ces merveilles est répandu partout dans le pays et les hommes qui ont vu le baptême de Jésus vont, sans doute, raconter en Egypte ce qui s’est passé. Spécialement la voix de Dieu grondant comme un tonnerre clair le long du ciel sans nuage et la descente de la colombe de feu sur la tête du nouveau Prophète. Des marchands de Damas et du Caire étaient présents, ayant laissé leurs cortèges de chameaux un peu de côté et un cavalier arabe assis sur leurs selles en dehors de la foule, pendant que des soldats romains, des étrangers venus de Perse et d’Edom et mêmes des marchands venus de Médie, avec d’innombrables personnes, gentils comme juifs, étaient vus mélangés dans la multitude. Cette chose, par conséquent, ne fut pas faite dans un coin. La voix, je l’entendis clairement et compris chaque mot! Elle me sembla venir des lointaines profondeurs du ciel, à une distance qu’on ne peut mesurer, mais avec la clarté d’une trompette et la majesté sonore du tonnerre. Mais la lumière qui descendit fut la plus éblouissante que les yeux humains n’aient jamais rencontrée. Et quoique en descendant avec la vitesse de l’éclair, elle ressemblait à une lance de feu, cependant en atteignant la tête sacrée de Jésus, au moment où ce dernier sortait de l’eau, elle prit, comme je l’ai déclaré avant, la forme d’une colombe. Et se posant sur Lui, elle Le couvrit d’ombre avec ses ailes de lumière et projeta par-dessus toute Sa personne une splendeur brillante, semblable au soleil. Ceci dura une minute entière, si bien que tous les yeux la virent et tous suivirent ensuite la voix venant des cieux! L’éclat de la lumière venant de la colombe céleste était tellement resplendissante que je ne pus la voir. Et quand je regardai de nouveau, elle avait disparu ; mais un nuage d’un éclat doux brillait encore autour de la tête de Jésus et sa face, comme celle de Moïse, émettait des rayons de gloire. Pendant que des milliers étaient soit debout stupéfaits, soit tombés sur leur face dans l’adoration et la crainte, Il se retira de la multitude et personne ne sut comment, sauf deux hommes dont les yeux ne Le quittèrent jamais. Il s’agit du cousin de Marie, Jean, et de Lazare, le frère de Marie et de Marthe.

Le peuple, après être un peu revenu de son étonnement et de sa crainte, Le chercha et se demanda où Il était allé, certains fixant l’eau, certains regardant vers le désert, certains même regardant en haut dans le ciel — j’étais de ce dernier groupe — comme s’ils s’attendaient à Le voir s’élevant sur un chariot de nuages brillants vers le trône de Son Dieu et Père, qui L’avait annoncé comme étant Son Fils. L’impression générale fut qu’Il avait été transporté au ciel ; et certains pleuraient du fait qu’un prophète fut envoyé pour être pris aussitôt ; pendant que d’autres se réjouissaient du fait que le Seigneur n’avait pas oublié d’être gracieux envers Israël. Certains doutèrent et l’appelèrent de la magie et de la sorcellerie ; et d’autres, qui étaient sans doute remplis de leur propre méchanceté, se moquèrent et dirent que la voix fut un tonnerre et la lumière, l’éclair. Mais ici, ils furent contestés car, dirent des centaines, « il n’y a aucun nuage dans le ciel, alors d’où pouvait venir le tonnerre et l’éclair? »

Mais la majorité crut et se réjouit beaucoup de ce qu’ils avaient vu et entendu. Le prophète Jean du Jourdain m’apparut être plus surpris que tous les autres par ce qui s’était passé. Il cherchait constamment Jésus de tous côtés. Et ensuite, avec ses mains croisées et levées, il fixa le ciel comme s’il fut satisfait, avec des milliers autour de lui, qu’Il ait été reçu au ciel.

L’excitation que la soudaine disparition de Jésus avait produite, conduisit à une séparation générale de la foule qui se dispersa dans toutes les directions, certains pour Le chercher, certains pour répandre les nouvelles de ce qu’ils avaient vu et tous oubliant Jean le Baptiste, qu’ils avaient suivi jusqu’ici, dans la plus grande splendeur du nouveau prophète, dont la venue avait été si remarquablement accompagnée par la descente du feu et une voix venant du ciel.

Rabbi Amos et notre groupe restèrent debout près de l’eau car il ne souhaitait pas que nous nous perdions dans la foule qui se retirait. Il désirait également parler avec Jean qui se tenait seul au milieu de l’eau, précisément  là où il avait baptisé Jésus. Aucun de ses disciples ne resta avec lui. Rabbi Amos s’approcha et lui dit :

« Saint prophète, connais-tu quel homme, s’il peut être appelé homme, venait d’être baptisé par toi? »

Le prophète, dont les yeux avaient été constamment levés pendant tout ce temps, baissa son regard avec une tendresse déchirante sur Rabbi Amos et dit de façon plaintive et touchante :

« C’est Celui dont je parlais — après moi vient un homme qui m’a précédé, car Il était avant moi. Et je ne Le connaissais pas ; mais Celui qui m’a envoyé baptiser d’eau, Celui-là m’a dit ; Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est Celui qui baptise du Saint Esprit. Et j’ai vu l’Esprit descendre comme une colombe, et j’ai vu et j’ai rendu témoignage qu’Il est le Fils de Dieu.« [1]

« Et où, oh saint prophète du Jourdain » demanda Rabbi Amos avec un intérêt profond et sacré « où est-il parti? »

« Cela, je ne sais pas! Il doit croître et je dois diminuer, qu’Il demeure sur terre ou qu’Il ait été pris au ciel. Ma mission arrive maintenant à sa fin car Celui à qui j’ai rendu témoignage est venu. »

« Et,est-Il venu pour partir aussitôt pour toujours? » demandai-je avec un intérêt profond « ne Le verrons-nous plus? »

« Les choses cachées sont à Dieu. Je ne sais pas d’où Il est venu et où Il est allé! Car je ne Le connaissais pas dans toute Sa gloire, mais seulement comme prophète et fils de l’homme jusqu’à ce que l’Esprit descende et demeure sur Lui. Vous avez entendu mon témoignage que c’est le vrai Messie, le Christ, le Fils de Dieu! »

Ayant ainsi parlé, il se retourna et sortit de l’eau sur le côté qui est vers Bethabara et disparut parmi les arbres qui bordaient la rive. Je regardai immédiatement dans la face de Rabbi Amos, sur les bras duquel Marie était appuyée, en larmes, encore sous l’influence de la terreur que les scènes, dont elle avait été témoin, avaient produite dans son âme. Sa face était grave et pensive.

Je dis « oncle, crois-tu tout ce que tu as vu et entendu? »

« Je ne sais quoi dire » répondit-il « seulement, les choses que j’ai vues aujourd’hui sont l’évidence que Dieu n’a pas oublié Son peuple d’Israël! Il ne dit rien de plus.

Nous quittâmes les rives du Jourdain dans le silence et le regret. Et, remontant sur nos mules, que les deux esclaves gibeonites tenaient pour nous, attendant sous un palmier non loin de là, nous retournâmes à la maison de mon oncle à Guilgal. Sur le chemin nous dépassions constamment des groupes de gens, chevauchant ou marchant ; et tous étaient dans une intense conversation au sujet d’extraordinaires événements qui s’étaient produits à la rivière. L’impression générale semblait être que Jésus était monté au ciel après avoir été baptisé.

Mais mon cher père, c’est avec une profonde joie que je suis en mesure de te dire que cette merveilleuse personne est encore sur la terre et que, sans doute, il lui est permis d’y rester pour un but important. J’ai déclaré que mon cousin Jean et Lazare, le secrétaire des scribes, avaient gardé leurs yeux sur Lui depuis le début et qu’ils L’avaient vu descendre la rivière, où certains arbres en surplomb Le cachèrent de la vue. Quoique ils Le perdirent souvent de vue, ils Le suivirent cependant par les empreintes de ses sandales dans le sable humide du rivage et, à la fin, apparurent devant Lui, au moment où Il quittait le bord de la rivière et se dirigeait vers le désert, entre deux petites collines qui Le cachèrent d’eux. Mais l’un de jeunes hommes dit à l’autre, pendant que les deux brûlaient d’émerveillement et d’amour :

« Ne manquons pas de Le rejoindre et de Le suivre partout où Il ira ; car avec Lui doit être la source de la vie étant donné qu’Il est le plus approuvé de Dieu.

 

Alors ils allèrent ; mais quoique ils se déplaçaient vite, ils Le virent ensuite à une grande distance, traversant la plaine aride qui s’étend au sud vers Jéricho et le désert. Ils coururent très vite et, à la fin, étant proches de Lui, ils appelèrent :

« Maître, bon Maître, reste pour nous car nous voudrions Te suivre et apprendre de Toi! »

Il s’arrêta et tourna vers eux un visage si pâle et si marqué par la tristesse et l’angoisse qu’ils se tinrent silencieux et Le fixèrent, étonnés de voir un tel changement. La gloire de Sa beauté était partie et la rayonnante splendeur qui brillait de Sa face était entièrement partie. L’expression d’un inexprimable chagrin qui restait, les perça au plus profond d’eux. Lazare, qui avait été si longtemps son ami intime, pleura tout haut.

« Ne pleurez pas! Vous me verrez un autre jour mes amis » dit-Il « je vais maintenant au désert, en obéissance à l’Esprit qui me guide. Après un temps, vous me verrez de nouveau. Il est avantageux pour vous que j’aille où je vais. »

« Non, mais nous irons avec toi » dit Lazare sérieusement « si tu dois endurer le mal, nous serons avec toi. »

« Il ne doit y avoir personne pour aider. Il ne doit y avoir personne pour soutenir. » dit-Il fermement mais avec tristesse. « Je dois fouler seul la cuve de la tentation. »

Ensuite, Il les quitta, agitant Sa main pour leur dire de rentrer. Ils obéirent avec chagrin, se demandant ce que Ses paroles signifiaient et pourquoi il était nécessaire pour Lui d’aller dans le désert, où certaines mystérieuses épreuves semblaient L’attendre. Et ils s’étonnèrent surtout du changement de Sa face laquelle, de l’état de rayonnement par une lumière céleste, fut alors, dit Lazare, « défigurée plus que celle des fils des hommes.« [2]

De temps en temps, les deux jeunes hommes regardaient en arrière pour voir la figure de plus en plus lointaine du Christ, jusqu’au point où ils ne purent plus la distinguer suite à la distance du désert, vers la solitude duquel Il garda constamment Sa face.

La même nuit, les deux amis vinrent à la maison de Rabbi Amos à Guilgal et là, Lazare nous fit connaître ce que je viens de relater. Cela nous affecta tous profondément et nous nous assîmes tard la nuit sur la véranda sous les figuiers, à parler de Jésus et des choses Le concernant qui s’étaient produites ce jour. Quoique nous nous réjouissions beaucoup qu’Il fut encore sur terre, nous pleurions à la pensée qu’Il fut conduit par un certain destin inconnu et insondable par nous, à demeurer seul dans le désert.

Alors, mon cher père, combien merveilleux est tout ceci! Qu’un grand prophète est parmi nous ne peut être nié. L’étoile de la renommée de Jean le Baptiste se réduit à un ver luisant devant la gloire de ce Fils de Dieu. Qu’Il attirera à Lui tous les hommes, même au désert, s’Il installe Sa demeure là-bas, ne peut être mis en doute. Mais tout jusqu’ici est mystère, respect mêlé de crainte, curiosité, étonnement et excitation. Personne n’a émis une quelconque opinion de ce que va être la fin de ces choses. Rabbi Amos avise chaque personne d’attendre patiemment l’issue, car si Dieu a envoyé un Prophète, Il doit avoir une mission qu’Il viendra du désert exécuter au temps convenable.

Dans ma prochaine lettre je pourrais t’écrire davantage concernant le développement de ce qui demeure tellement enveloppé dans un mystère. Puisse le Dieu de la maison de nos pères venir réellement des cieux pour le salut de Son peuple.

Ta dévouée et affectueuse,

Adina.

[1]  Jean 1.30-34   Note du traducteur

[2]  Esaïe 52.14   Note du traducteur