Le Prince de la Maison de David- Lettre 3

Lettre III

Mon cher père,

Ce matin, alors que je revenais du Temple, où j’avais été adorer et voir l’imposante cérémonie de la présentation des prémices, je remarquai une vaste pile d’édifices couronnant le rocher opposé. Il me fut dit qu’il s’agissait de la tour Antonia. Elle semblait regarder d’un air heureux le Temple et sur ses murs brillaient par intervalles, de nombreux aigles romains. Je t’avais si souvent entendu relater les événements historiques liés à ce fameux château que je le regardai avec un intérêt particulier. Toi, qui me l’avais si fréquemment décrit, tu semblais te tenir à mes côtés pendant que je le contemplais. Les quatre tours, une à chaque coin, sont toujours comme elles étaient quand tu combattis à partir de celle du nord et la défendis seul contre les romains. Mais maintenant ces barbares occupent les cours et leurs clairons, qui ont sonné des murs conquis de chaque pays sur la terre, sont même entendus dans les oreilles des citoyens de Jérusalem. L’insolence et la puissance de la garnison romaine ont fait que la belle promenade aux alentours du bas de la tour soit presque désertée ; mais de cela, je n’avais pas été prévenue. Accompagnée seulement par mon esclave éthiopien Onia, je m’attardai pour admirer la splendeur du cloître qui, jadis, entourait la maison du trésor du Temple, avec ses terrasses supportées par des piliers en marbre blanc haut de quinze coudées quand deux soldats romains, venant de l’une des portes de la cité et rentrant au château, approchèrent. C’est alors que je vis que j’étais seule, le groupe qui avait quitté le Temple avec moi étant parti loin en avance. Je tirai bien mon voile et m’apprêtai à les dépasser à pas rapides quand l’un d’eux se plaça sur mon chemin et, s’emparant de mon voile, essaya de me retenir. Je laissai le voile dans sa main et m’enfuis mais l’autre soldat m’arrêta. C’était en pleine vue du château et à mes hurlements, les barbares dans le château rirent tout haut. A ce moment, apparut un jeune centurion sur le dos d’un cheval qui descendait le chemin rocailleux qui remonte le rocher de Sion. Et, criant sur eux, il galopa en avant et, avec son épée, mit les hommes, qui étaient ivres de vin, à la fuite immédiate et me secourut. Au même moment, il envoya les deux soldats aux arrêts dans le château. Ensuite, il s’adressa à moi gentiment et s’excusa pour la brutalité dont j’avais été victime entre les mains de ses hommes, disant qu’ils seraient sévèrement traités. Je fus frappée par sa beauté, sa civilité et son air de commandement praticien quoique il ne pouvait pas avoir plus de vingt huit ans.

Dans le but de m’escorter en sécurité dans les rues d’en bas, il descendit de son cheval et, le conduisant par les rênes, marcha à mes côtés. Je t’avoue, cher père, que je n’avais pas atteint la maison de mon parent que mes préjugés contre les romains furent considérablement modifiés. J’avais trouvé dans l’un d’eux une personne aussi courtoise que je n’avais déjà rencontré parmi mon propre peuple, et à cause de lui je suis prête à penser du bien de son pays et peuple barbares. Il vit à travers mes préjugés et comment je me dérobais alors qu’il marchait à mes côtés ; pendant que nous descendions la hauteur, il parla éloquemment en défense de son pays natal, avec ses filles loyales, ses hommes sages, ses braves chefs, sa puissance et sa gloire et sa domination sur toute la terre.

Quand je l’entendis utiliser ces derniers mots, je soupirai profondément car Juda, est-il prophétisé, devrait dominer sur toute la terre et, par conséquent, ces romains tiennent cette domination qui normalement appartient à notre peuple. Comment est-ce, cher père? Comment est-ce que ces barbares sont autorisés par Jéhovah à garder le sceptre qui est l’héritage légitime du Lion de la tribu de Juda? Combien de fois par jour, depuis que je suis à Jérusalem, me suis-je rappelé les dégradations de mon peuple? Comment est-ce que ces ennemis de Jéhovah, ces adorateurs de faux dieux, se tiennent dans le lieu saint et usurpent le pouvoir que Dieu nous a donné?

Je posai ces questions à Amos, le bon prêtre, après que je sois rentrée à la maison ; car le récit de mon aventure conduisit naturellement à la conversation sur la domination romaine sur la terre. Il apparaît que ce noble centurion n’est pas inconnu de Rabbi Amos, qui parle de lui comme étant l’un des plus populaires officiers romains dans le commandement de la cité. Je suis contente d’entendre ceci. Il me mit aussi en garde de ne pas approcher de nouveau de près des points de la garnison de la ville, étant donné que les soldats prennent plaisir à importuner les citoyens.

Pendant que je t’écrivais ce qui précède, un tumulte à l’extérieur, comme si quelque chose d’inhabituel se passait, m’attira au treillis qui donne sur la rue qui sort par la porte vers Béthanie, l’une des artères les plus fréquentées de la ville. Le spectacle que mes yeux rencontrèrent était vraiment imposant mais fit que mon cœur s’effondre de honte. C’était un cortège avec drapeaux, aigles, trompettes et chariots dorés! Mais pas le cortège d’un roi d’Israël comme ceux qui éblouissaient les rues de Jérusalem aux jours de Salomon et du roi David! Pas le passage triomphant d’un prince israélite, mais du gouverneur romain. Précédé par une cohorte de chevaux, il roulait dans un chariot de guerre doré, se prélassant à son aise sous un store de soie bleue, brodée d’or. Les chevaux étaient blancs comme neige et couverts d’une protection en argent et parés de plumes.

Il était suivi par un autre corps de cavalerie composé principalement de jeunes gens richement vêtus et à leur tête, paraissant plus comme dirigeant et prince que l’indolent Pilate, je reconnus le généreux centurion qui m’aida à échapper aux deux soldats. Ses yeux cherchèrent le treillis où je me tenais, et je me retirai mais pas avant qu’il ne m’ait vue et saluée. Certainement, père, ce jeune est noble et assez courtois pour être un juif, et puisse une quelconque providence nous faire rencontrer de nouveau, j’essaierai de le convertir de l’idolâtrie pour servir le vivant Jéhovah. Je ne fus pas contente de l’apparence du gouverneur. C’est un homme foncé et élégant, mais trop charnu avec l’air de quelqu’un trop adonné au vin ; et j’appris qu’il est de nature indolent et luxurieux et déficient en décision de caractère. Il est un ami particulier de l’empereur romain et c’est suite à son penchant qu’il doit d’être gouverneur ici. Cependant, il est mieux d’avoir un amoureux de la table et homme oisif pour maître plutôt qu’un cruel et actif tyran comme son prédécesseur, de l’insurrection contre lequel fut tué cet homme éminent, le père de Jean, le cousin de Marie, dont je te parlai dans ma dernière lettre.

Ceci me rappelle que j’avais quelque chose à relater. Tu te rappelleras, cher père, que je fis allusion à une excitation qui croît chaque jour en référence à un nouveau prophète qui prêche dans le désert de Jéricho et dont la vie est aussi austère que celle d’Elie. Pendant trois semaines passées, plusieurs groupes de citoyens ont été dans la vallée du Jourdain pour le voir et l’écouter et ont été tellement enthousiasmés par lui qu’ils ont été baptisés par lui dans le Jourdain, confessant leurs péchés. Parmi eux était Jean, le cousin et épris de Marie qui, ayant beaucoup entendu parler, par ceux qui étaient revenus, de la puissance avec laquelle cet homme parlait, alla aussi satisfaire sa curiosité et, comme il le dit, avec l’espoir secret que Dieu s’est souvenu de nouveau d’Israël et qu’Il nous a envoyé un prophète de réconciliation. A son retour, nous vîmes que son expression était animée au-delà de la normale, car d’habitude il est d’aspect triste et doux, que ses beaux yeux rayonnaient avec un ardent espoir qui paraissait renaître dans son âme. Ainsi, il nous raconta sa visite au prophète du Jourdain.

« Après avoir quitté la porte et traversé le ruisseau et la vallée de Kedron, je rencontrai un large groupe qui remontait la route qui serpente par-dessus le côté sud des oliviers. C’était des hommes, des femmes et des enfants et ils avaient des provisions de nourriture dans des paniers et voyageaient comme notre peuple le fait quand il vient à la fête de Pâque. Je remarquai en me joignant à eux qu’ils dirigeaient leurs pas vers le désert, dans le but d’écouter le grand prophète, dont la renommée était dans toutes les bouches. Parmi eux étaient des prêtres et des juges, des Saducéens, des Pharisiens et des Esséniens et même des non-croyants ; car même en Judée nous avons plusieurs dizaines de milliers qui ne croient pas en Dieu, beaucoup de temps étant passé depuis que Jéhovah a visité son peuple!

« Le groupe voyageant lentement et comme j’étais mieux préparé que lui, je le devançai et atteignis à la fin le sommet de la colline, duquel je regardai en arrière pour jeter un coup d’œil de départ sur la ville. Combien, semblable à la ‘cité de Dieu’, elle couronnait ses collines royales!

« Toute la gloire de Jérusalem, du passé, vint à ma mémoire et je soupirai du fait que cette gloire était partie, non dans la destruction de ses édifices, car Jérusalem est toujours splendide et imposante, mais dans la chute de son pouvoir. J’entendis, aussi loin que j’étais, les accents des clairons romains, faisant écho du dessus des vallées où les prophètes, prêtres, rois sont enterrés, et des murs du Temple, les échos sacrés par lesquels jadis la voix de Dieu les avait réveillés.

« Gethsémané, ce beau jardin de Salomon, où il essaya de créer un second Eden, était à mes pieds, ses murs brisés, ses allées sauvages et recouvertes d’herbes ; ici et là une figue ou une olive, ou seulement un palmier restant pour dire au voyageur passant que ici fut ‘le grand plaisir des jardins, la demeure du plaisir et de la joie, d’où étaient exclus tous ceux qui étaient tristes, qu’aucune larme ne pouvait tomber sur ses parquets en émail dédicacés à la joie voluptueuse!’ Cette description, donnée par nos poètes, passa à travers mon esprit alors que je contemplais sa mélancolie et son aspect désert, ressemblant plus à un lieu de larmes que de joie, comme si ces ombres vont inviter le chagriné pour y pleurer, plutôt que le pied argenté du danseur!

« Bientôt, j’atteignis la belle ville de Bethphage où, à l’hôtellerie, je vis plusieurs cavaliers monter sur leur cheval pour aller en direction de Jéricho. Je connaissais plusieurs parmi eux et, en rejoignant la cavalcade, j’appris qu’ils étaient, pour la plupart, venus de Jérusalem pour le même voyage de curiosité que moi. Mais l’un d’eux, cependant, un jeune noble d’Arimathée était poussé par le même saint désir qui brûlait en mon sein ; que nous pourrons découvrir dans le prophète appelé Jean un homme envoyé de Dieu. Les autres étaient poussés par le commerce, le plaisir, ou la simple curiosité, pour voir celui dont chacun parlait dans tout le pays de Judée. Pendant que Joseph d’Arimathée et moi chevauchions ensemble, nous conversions au sujet de l’homme que nous espérions voir et les différents récits qui étaient entendus de tous côtés à son sujet. Mon compagnon semblait croire qu’il était un vrai prophète car, étant très bien versé dans les Ecritures, il dit que les soixante dix semaines de Daniel étaient sur le point d’être complétées à la venue du Messie. Je lui demandai alors s’il croyait que le Messie qui devait être ‘un Prince et Roi, et avoir la domination de la mer aux extrémités de la terre’ viendrait dans le désert, habillé des peaux de bêtes sauvages.

« A ceci il répondit qu’il ne pouvait pas considérer ce prophète comme étant le Messie car quand le Christ viendra, il doit soudain entrer dans le Temple et que nous allons Le voir premièrement là ; mais qu’il avait un grand espoir que ce prophète que nous allions voir prouvera être le précurseur annoncé par Malachie. Ayant un rouleau du prophète Daniel avec moi, car je pris les prophètes pour comparer ce que j’entendrai proclamer par le prédicateur du Jourdain avec eux, je vis à ma surprise que non seulement les soixante-dix semaines étaient sur le point d’atteindre leur achèvement, mais que l’expiration des ‘mille deux cent quatre vingt dix jours’ était proche. Nous fûmes tous les deux surpris de cette coïncidence avec la venue de ce nouveau prophète et joie et peur vibrèrent dans nos cœurs, tempérées avec des espoirs que nous n’avions pas le courage d’émettre.

 » ‘Ceux qui l’ont entendu’ dit Joseph, alors que nous chevauchions à travers le village de Béthanie, ‘disent qu’il proclame publiquement qu’il est le précurseur du Messie. L’opinion des plus ignorants qui l’ont écouté est qu’il est Elie lui-même, revenu sur terre! Pendant que d’autres affirment que c’est Hénoch lui-même, descendu du ciel ; et beaucoup croient qu’il est Esaïe.’

« De cette façon, conversant, nous franchîmes une colline où, dit la tradition, se tenait l’arbre de la connaissance du bien et du mal, et aussi, où se posa le pied de l’échelle de Jacob ; et lieu à partir duquel, il est cru par beaucoup, tous les hommes bons après la résurrection vont monter dans le troisième ciel. Car c’est la croyance générale que le trône de Jéhovah est directement au dessus de cet endroit.

« A la fin, après un long trajet d’un jour, pendant lequel nous avions rattrapé et dépassé beaucoup de larges groupes se dépêchant pour entendre le prophète, et également rencontré beaucoup qui retournaient, répandant de merveilleux récits de son éloquence, sa sagesse et sa puissance, nous arrivâmes en vue de Jéricho. La ville est vraiment majestueuse, avec ses tours et palais romains, étant le lieu de séjour d’hiver favori des gouverneurs. Sa situation, dans une vallée verte, fut un rafraîchissement pour les yeux après notre morne voyage toute la journée sur les collines brisées et stériles. A notre départ, un mile avant d’arriver en ville, nous passâmes les ruines des tours et maison de Hiel, qui rebâtit Jéricho aux jours des rois. A droite était le champ où l’armée chaldéenne battit nos pères dans la bataille et prit le roi Sédécias captif ; il était maintenant couvert de beaux jardins et souriait comme si la paix a toujours habité dans ses douces ombres. Sur une éminence au nord de l’endroit où nous étions, à environ une demie lieue de là, Joseph, qui avait souvent voyagé par ce chemin, me fit remarquer les ruines d’Aï, et la colline d’embuscade où tombèrent les guerriers de Josué, surpris et coupés de la ville. Comme nous approchions de la ville, je ne pouvais ne pas me rappeler la période où des centaines de milliers d’Israélites, chaussés de sandales qu’ils avaient portées quarante ans dans le désert, firent sept fois le tour de cette ville.

« En imagination, j’entendis leurs pas martiaux secouer la terre même, et vis le princier Josué, débout à l’écart sur une éminence proche, dirigeant la marche solennelle. J’entendis encore le son des trompettes des armées de Dieu tonner sept fois, et vis l’imposant mur de la ville tomber, assombrissant les cieux avec des nuages de poussière qui roulèrent par-dessus les têtes d’Israël, fortement impressionné. Mais combien différente était la réalité! Le soleil couchant dorait les inébranlables tours, tourelles, pinacles et murs de la cité romaine lui offrant une splendeur qui transporte l’âme dans l’admiration, et le ciel bleu s’étendait sereinement, sans nuages, par-dessus elle ; la vallée environnante, au lieu de faire écho aux pas d’une armée pour laquelle Jéhovah combattit, était maintenant remplie des chevaliers romains et des dames se livrant à de gaies parties de plaisir, et des processions de jeunes filles se dirigeant vers le cimetière, habillées en vêtements blancs comme neige, jetant des fleurs sur leur itinéraire et chantant des chansons sacrées ; car c’était le jour où les filles de Jéricho célébraient le malheureux sort de la ravissante fille de Jephté, par la visite de son sépulcre ; car elle était née et enterrée dans cette ville, où Jephté habita longtemps avant de se déplacer pour Mizpah ; et ici son corps sacrifié fut transporté pour être placé dans la tombe de ses pères.

« A la porte nous fûmes stoppés par un soldat romain qui demanda nos passeport et le tribut de voyage. Cette humiliante affaire réglée, nous entrâmes dans la ville ; car notre intention était de passer la nuit là, et tôt le matin nous allâmes aux bords du Jourdain où, avions-nous compris, le prophète enseignait et baptisait. »

A ce point de la narration du cousin de Marie, cher père, je vais clore ma lettre. Toutes, nous avions écouté avec une profonde attention, tant pour l’intérêt qu’elle contenait que pour la manière dont il raconta ce qu’il avait vu ; sa face était calmement belle, ses yeux doux et pleins d’expression, sa voix musicale et son aspect la vraie et éloquente manifestation de l’intelligence, de la gentillesse, de l’amabilité et du noble ardeur de piété qui appartient à tout son caractère. Dans ma prochaine lettre je vais reprendre sa narration cher père ; car quand je te l’aurai donnée entièrement, j’ai beaucoup de choses à te demander que ce récit a suscitées dans mon esprit. Puissent les bénédictions du Dieu d’Israël être sur toi, mon père chéri.

Adina.