Le Prince de la Maison de David- Lettre 29

LETTRE   XXIX

Mon cher père,

Avec quelles émotions de peine et d’étonnement, dont tu ne peux avoir une conception juste, je commence cette lettre ? Jésus, le Prophète de Dieu, est prisonnier du pouvoir romain ! Il est accusé de se faire Lui-même un roi,  et de conspiration de rétablir le trône de David ! Et qui, penses-tu, L’ont accusé de ce noble effort sinon les Juifs, notre propre, son propre peuple ! Des hommes qui devraient se glorifier de voir l’autorité de César arriver à sa fin ; des hommes qui devraient rougir longtemps d’avoir le Mont Sion commandé par une citadelle romaine. Ces bas, dégradés et méchants scribes et sacrificateurs, que j’ai honte d’appeler mes compatriotes, ont accusé Jésus, le don divin, de rébellion et de trahison devant Pilate. Et en ce moment, pendant que j’écris, Il est dans la prison du palais du Procurateur, gardé comme un prisonnier.

Mais je ne crains pas la suite ! Il ne peut pas être gardé par ses ennemis, sinon de son plein gré. Il peut, avec une parole, changer ses chaînes en ruban de sable, et par un regard changer ses gardes en hommes morts ! Par conséquent, Il échappera à leurs liens ! Ils ne peuvent rien sur Lui. Mais le Seigneur Dieu ne punira t-Il pas notre nation pour son péché et son inimitié contre son Christ ? Tu me demanderas, mon père, pourquoi, s’Il possède un tel pouvoir puissant, a t-il accepté d’être fait prisonnier ? A cette question, je ne  peux pas répondre. Elle me trouble. Je me demande et je suis pétrifiée d’étonnement. Toute personne autour de moi pose la même question. Notre maison est bondée de ses amis qui, comme c’est minuit, sont venus ici pour s’enquérir si la rumeur est vrai. Cinq de ses disciples sont avec oncle Amos dans la cour, donnant un récit de la manière de son arrestation, que je vais te relater, quoique elle épaissit le mystère.

Il semble qu’aujourd’hui, après avoir mangé la Pâque avec ses douze amis choisis, et institué une nouvelle et particulière fête avec le pain et le vin, fête qu’Il leur dit, de façon impressionnante, serait son dernier souper avec eux, Il se dirigea vers le Mont des Oliviers et là, s’asseyant Lui-même sous l’ombre d’un arbre, Il leur parla très tristement en disant “que son heure était venue, qu’Il avait fini son travail et qu’Il était sur le point d’être livré entre les mains des pécheurs !”

Jean, ayant été questionné par ma cousine Marie et moi-même, donna le récit suivant : “Il faisait nuit et le flanc Sud du Mont des Oliviers était dans une profonde obscurité. Nous étions tous tristes. Nous sentions, chacun de nous, comme si quelque mal grave était suspendu au dessus de nous. Le ton de la voix de notre bien aimé Maître nous émut en larmes, tout à fait comme ses paroles, lesquelles étaient pleines de mystère. Nous étions tous présents, sauf Iscariot qui disait resté dans la ville pour faire les achats du souper de Pâque, étant notre détenteur de bourse, et pour payer la location de la salle. A ce souper, Jésus avait dit très clairement qu’un parmi nous allait Le trahir entre les mains des sacrificateurs, lesquels ont, depuis son entrée triomphale dans la sainte cité, précédé et suivi par la multitude criant hosanna et Le proclamant Messie, cherché sa vie avec diligence. En entendant notre Seigneur dire ces étranges paroles dans un accent de reproche touchant, nous fûmes tous profondément émus ; et Pierre et le reste, à la fois, Le questionnèrent, individuellement, si c’était eux. ‘Seigneur, est-ce moi ?’ et un autre ‘Seigneur, est-ce moi ?’ Je me reposai à ce moment, ma face sur l’épaule de Jésus et je dis doucement : ‘Seigneur, qui est celui qui te trahit ? A la fois, je poserai mes mains sur lui et l’empêcherai de te causer du tort !’[1]

Jésus hocha sa tête et souriant doucement, Il dit :

“Mon bien-aimé frère, tu ne sais pas ce que tu ferais. Le Fils de l’homme doit avoir besoin d’être trahi par ses propres amis, mais malheur à celui qui me trahit. Note celui des douze qui trempe son pain avec moi dans le plat !”[2]

“Je regardai et vis Judas étendre sa main et tremper dans le plat au même instant que Jésus ; mais dans son ardeur, ou de culpabilité consciente, sa main trembla, il répandit le sel sur la table et le morceau de pain trempé tomba, de sa main, dans la coupe ; sur ce Jésus lui donna le morceau qu’Il tenait en lui disant avec une remarquable expression dans ses yeux clairs et perçants :

“Judas, ce que tu veux faire, fais-le promptement !”

Nous fûmes surpris par le ton et la manière dans lesquels ceci fut dit mais supposâmes que les paroles se référaient à quelques unes des tâches de Judas, comme porteur de la bourse, suspectant peu quelle terrible chose Il devait faire ! Instantanément, Judas se leva de la table et, sans réponse ou un regard sur aucun de nous, il sortit.

“Pendant quelques instants, après que ses pas eurent cessé d’être entendus, Il prévalut un lourd silence dans la chambre ; car une étrange peur était tombé sur nous, pourquoi, nous ne pouvions pas le dire ; et nous regardant dans la face l’un, l’autre, et ensuite dans celle de notre cher Maître, nous semblions attendre quelque terrible événement. Sa face était placide et pleine d’affection au moment où Il nous regarda. Le nuage momentané qui ombragea le noble profil quand Il parla à Judas s’était dissipé et il y avait la sérénité d’un ciel sans nuage dans sa face.”

“Quelle fut la mystérieuse fête qu’Il institue ?” demanda Marie en l’interrompant là.

“Tu peux adéquatement l’appeler mystérieuse” répondit-il. “Alors que nous mangions la Pâque, Jésus prit du pain et le bénissant par un acte solennel de consécration, Il le rompit avec ses mains et donna une portion à chacun de nous, disant avec ‘prenez, mangez ! Ceci est mon corps ! ‘[3]

“Effrayés et impressionnés par sa manière et par l’acte, nous le reçûmes tous et le mangeâmes comme Il nous commanda de faire (car qui le pouvait désobéir à son Seigneur ?) avec aussi bien de révérence que comme si ce fut le saint pain du Temple, dédicacé au service de Dieu ! Quand nous eûmes mangé en silence ce que nous perçûmes être l’inauguration d’une nouvelle et plus sacrée fête par sa propre main. Il prit la coupe de vin, la consacra aussi, en rendant grâce et bénissant. Il offrit la coupe consacrée à chacun de nous. Nous la bûmes tous avec une profonde dévotion car Il nous dit ‘je ne boirai plus avec vous du fruit de la vigne jusqu’à ce jour où j’en boirai de nouveau dans le royaume de Dieu’. Il dit aussi du vin – ‘ceci est mon sang !’ ”[4]

“Et comment comprends-tu ses paroles, que le pain consacré fut son corps et le vin fut son sang ?” demandai-je au disciple.

“C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre” dit Jean “c’est un mystère. Mais mon Seigneur dit qu’il nous sera rendu clair plus tard.”

“Nous chantâmes ensuite l’hymne de la Pâque à Dieu, et sortîmes sur son ordre pour aller au Mont des Oliviers. Pendant que nous allions, Il parlait avec nous :

“ ‘Mes enfants’ dit-Il ‘je ne serai plus longtemps avec vous. L’heure de mon départ est arrivée. Rappelez-vous mes dernières paroles – aimez-vous les uns les autres ! En ceci, tous les hommes sauront que vous êtes mes disciples.’[5]

“ ‘Seigneur’ cria Pierre ‘nous irons avec toi ! Tu ne nous quitteras pas, ni ne partiras sans nous !’

“ ‘Les sacrificateurs cherchent à te tuer, et tes traces sont épiées !’ s’exclama André de façon grave.

“ ‘Nous n’accepterons pas, cher Rabbi, que tu ailles loin seul’ dit Jacques avec enthousiasme ; ‘nos cœurs et nos mains te défendront !’

“ ‘Où partiras-tu Seigneur ?’ demandai-je avec émotion ‘tu ne te confieras pas toi-même aux Juifs ?’

“Ainsi, nous tous, avec ardeur et larmes, nous nous assemblâmes autour de Lui, alarmés et peinés par les paroles qu’Il avait dites. Il nous regarda affectueusement et dit :

“ ‘Petits enfants, je dois vous quitter. Là où je vais, vous ne pourrez venir !’

“ ‘Même si tu allais à l’extrême partie de la mer, je te suivrai, mon Maître et Saigneur !’ s’exclama Pierre ‘où iras-tu que nous puissions te suivre ? Je donnerai ma vie pour toi et il en sera de même de tous ceux-ci !’

“D’une même voix, nous affirmâmes notre dévotion à notre Maître bien-aimé et, secrètement, je Lui demandai où Il avait l’intention d’aller, et pourquoi Il nous défendait d’aller avec Lui ?”

“ ‘Comme Abraham lia Isaac, son Fils, et le posa sur le bois, ainsi mon Père fera que je sois lié et posé sur le bois, un sacrifice pour les péchés de ton peuple !’

“ ‘Pas ainsi ! pas ainsi, Seigneur !’ cria Pierre ‘je mourrai pour toi, avant que cette chose ne t’arrive !’ et le disciple au cœur généreux se plaça à côté de Jésus comme pour Le défendre.

“ ‘Mourras-tu pour moi Pierre ?’ dit Jésus, le fixant avec un regard triste et doux : ‘en vérité, Pierre, tu te connais peu. Le coq n’aura pas chanté deux fois pour annoncer la venue du jour, que tu m’auras renié trois fois disant que tu ne me connais pas !’[6]

“ ‘Te renier, Seigneur !’ répéta Pierre, avec une peine étonnée et l’horreur dans son regard.

“ ‘Oui, Pierre’ répondit Jésus fermement mais gentiment ‘renier que tu ne m’as jamais connu ; car le temps approche où il n’y aura de sécurité qu’en confessant ignorer Jésus de Nazareth. Et vous tous’ ajouta t-Il pendant que sa voix s’élevait tremblant et les larmes luisaient dans ses yeux ‘tous vous serez offensés à cause de moi cette nuit ; vous aurez honte de confesser que vous êtes mes disciples, et vous penserez que je suis un imposteur, et serez mécontents de moi. Oui, chacun de vous m’abandonnera, car ainsi est écrit “le berger sera frappé et les brebis seront dispersés.”[7]

“En entendant ces paroles, nous ne sûmes quoi répondre mais j’embrassai la main de mon cher Seigneur et dis que si le danger était suspendu au dessus de Lui, comme il semblait, je le partagerais avec Lui !

“Quand Il vit que nos cœurs étaient troublés et que nous étions tristes, et que le loyal Philippe sanglotait fort, du fait d’être supposé capable d’abandonner son Maître, Il ajouta, ‘que vos cœurs ne soient pas troublés ; je vais vous préparer une place dans la maison de mon Père !”[8]

“ ‘Ton père, Seigneur, n’habite plus à Nazareth ; et s’il vivait, il n’y a que deux petits appartements dans son humble maison’ dit Thomas ‘comment dis-tu que nous devons tous loger là-bas ?’

“ ‘Thomas, tu ne peux comprendre que ce que tes yeux voient. Je parle de mon Père qui est au ciel. Dans sa maison, il y a plusieurs demeures.’

“Ensuite, comme nous approchions de Cédron, Jésus commença à nous dire clairement à nous dire clairement qu’Il devait mourir et que par sa mort, nous allions être mis être admis au paradis céleste et vivre éternellement. Nous ne pouvions pas comprendre tout ce qu’Il disait mais nous savions qu’Il allait bientôt être pris du milieu de nous ; et la tristesse remplit nos cœurs. Après avoir parlé avec nous dans des termes touchants, Il dit à la fin :

“ ‘Venez, allons à Cédron sur le flanc du Mont des Oliviers dans le jardin où nous aimons tant nous promener.’

“Nous allâmes avec Lui, L’entourant comme une garde, pour dissimuler sa personne devant les lances juives, aussi bien que Le défendre. Pierre et Jacques marchaient devant. Sur ce chemin, nous étions passés à travers les rues sombres de la ville, et ce depuis la porte, que Pilate accepta de laisser ouverte jour et nuit pour le compte des foules à la Pâque, venant et sortant continuellement. La pleine lune brillait vivement et, par sa lumière frappant la face de Jésus, à côté de qui je marchais, je vis qu’elle était plus triste que d’habitude, pendant qu’Il ne parlait que peu.

“A la fin, nous traversâmes le ruisseau et entrâmes dans les sombres bosquets du Mont des Oliviers. Familiers avec tous les chemins, nous avançâmes vers un groupe central de vénérables oliviers sous lesquels, selon la tradition, Abraham avait l’habitude de s’asseoir ; et là, Jésus, se tournant vers nous, dit d’une voix de profond chagrin :

“ ‘Amis, l’heure de mon temps de procès est venue. Mon travail est fini. Je serai seul ! Restez ici et veillez car nous serons recherchés. Viens avec moi Pierre et toi aussi Jacques. Je m’en vais prier là-bas.’

“ ‘Prends-moi aussi, cher Seigneur’ dis-je avec tristesse.

“ ‘Oui, tu es toujours avec moi, bien-aimé’ répondit-Il ; ‘je ne vais pas te laisser maintenant.’

“Laissant ainsi les huit amis pour veiller contre l’intrusion de ses ennemis, qu’on savait être partout en train de Le chercher, Il alla vars le recoin le plus isolé du jardin. Il s’arrêta à l’endroit, près du rocher où il est dit que Adam s’était caché de la présence de Jéhovah ; et nous disant d’un ton triste ‘restez ici pendant que je m’en vais prier mon Père’ Il s’éloigna de nous d’une distance d’environ un jet de pierres et s’agenouilla où une épaisse branche d’olivier, suspendue bas vers la terre, le dissimula à notre vue. J’étais si profondément anxieux de peur qu’Il nous quitte et que nous ne puissions plus Le voir, que je m’avançai aussitôt près de l’endroit et Le vis prosterné à terre, pendant que des gémissements profonds s’élevaient de son cœur. J’entendis sa voix murmurer mais je ne pus pas distinguer les paroles, entrecoupées par la peine ; seulement, le ton était celui d’une étrange horreur et terrible.

“Alors qu’Il priait ainsi dans une grande agonie, je vis soudainement dans une lumière rapide passer à côté de moi, comme si elle venait des cieux et voici ! un ange se tenant à côté de Jésus. Il se pencha sur Lui et Le releva du sol. Une douce gloire brilla autour du lieu si bien que Pierre, en la voyant, s’avança vers moi supposant que quelqu’un était entré dans le jardin, portant une torche. Je fis signe à Pierre de ne pas bouger et il regarda avec moi, dans l’étonnement et l’admiration, sans mot, la forme de l’ange de la glorieuse face duquel était émise la radiation qui illuminait l’endroit où Jésus était. Au moment où l’ange fit lever Jésus de terre, nous vîmes que sa divine expression était bouleversée par l’angoisse et que sur son front étaient de grandes gouttes de sueur qui brillaient, mélangées avec le sang, qui suintaient de ses tempes blafardes et, descendant sur ses joues de marbre, tombaient à terre. Jamais nous n’avions vu un visage humain si défait par la peine et si profondément gravé de lignes d’agonie.

“L’ange semblait dire des paroles apaisantes et pointait, avec sa main brillante, vers le ciel comme si c’était pour L’encourager avec l’espérance et pour Lui donner la force. La face de Jésus devint plus sereine ; Il leva ses yeux vers le ciel avec une divine expression de sainte soumission et cria d’une voix forte :

“ ‘Ta volonté, non la mienne, o Dieu, soit faite !’[9]

“Ensuite, l’ange L’embrassa, comme s’il Lui donnait la force et, s’élevant, il disparut comme une étoile retournant dans les profondeurs bleues du ciel ; pendant que Pierre et moi étions à côté, nous posant des questions et remplis de respect et de crainte au sujet de ce que nous avions vu !”

“Comment était l’ange ?” demandai-je à Jean, l’interrompant dans son récit.

“Comme un jeune et noble homme, avec une mine si éblouissante que je ne pouvais pas le regarder fermement. Il semblait habillé en vêtements tombants blancs argenté ; et une senteur plus délicate et plus plaisante que le plus subtil  parfum de rose de l’Inde, était diffusée par sa présence partout dans le jardin, pendant que le son de sa voix semblait remplir tout l’air avec d’étranges vibrations musicales, non comparables avec quelque chose entendue sur la terre.”

“L’ange avait-il des ailes ?” demanda Marie.

“Non, je ne pus pas bien discerner” répondit Jean “Ses robes semblèrent se modeler en ailes au moment où il s’éleva de la terre ; et quand il se tint debout, elles flottèrent avec une grâce divine autour de sa forme divine. Après le départ de l’ange qui était venu du ciel, Jésus sembla plus calme et, comme nous ne voulions pas interrompre sa retraite sacrée, nous retournâmes doucement où Jacques dormait. Nous restâmes quelques instants à causer sur la  merveilleuse vision que nous avions vue, laquelle nous confirma avec certitude que Jésus était venu de Dieu et que, en vérité, Il était le Messie qui devait venir. Mais à la fin, épuisés par l’excitation de la journée, nous devons nous être assoupis car, soudainement, la voix de notre cher Maître nous fit tressaillir, disant :

“ ‘Pourquoi dormez-vous, enfants ? Mais l’heure est passée pour veiller. Vous pouvez dormir maintenant, car quoique votre chair soit fatiguée, votre esprit est disposé. Je n’ai plus besoin de votre aide !’

“Mais nous refusâmes de continuer à dormir. Ensuite, nous allâmes là où étaient les autres disciples et les trouvâmes aussi endormis.

“ ‘Levez-vous, partons !’ cria Jésus d’un ton qui les fit se tenir debout ‘voici, ils sont proches, ceux qui me cherchent !’[10]

“Pendant qu’Il parlait, nous vîmes plusieurs torches luire à travers les arbres, le long de l’allée Roi David et le bruit des pas vint à nos oreilles. Nous vîmes aussitôt un important groupe avançant vers le milieu du jardin, marchant rapidement et parlant seulement à voix basse. Tout de suite, nous fûmes alarmés et dîmes à Jésus :

“ ‘Fuis, cher Maître ! Gravissons la colline et échappons par le chemin qui mène à Béthanie ; car ceux-ci son des ennemis.’

“ ‘Non’ répondit notre cher Maître ‘je dois me soumettre à la volonté de mon Père. Il est nécessaire que je me livre entre les mains de ces hommes ; par quel autre moyen les Ecritures peuvent-elles s’accomplir ! Cherchez la sécurité en fuyant pour vous-mêmes ; mais j’irai où ils me conduiront.’

“ ‘Pas ainsi’ répondit Pierre ‘il y a du temps pour toi pour échapper ; ou sinon, nous serons tous à tes côtés et te défendront !’

“Ainsi parlèrent tous les disciples. Jésus hocha la tête  et dit avec un sourire triste : ‘Vous ne savez pas ce que vous dites, ou ferez. Mon heure est venue !’

“Alors qu4il parlait encore, la multitude s’approcha et ceux qui avaient la direction, levant leurs torches haut au dessus de leurs têtes, nous découvrirent avec Jésus au milieu. A ma surprise, je vis Judas leur servir de guide car lui seul savait où son Maître devait être trouvé à cette heure là. Ayant vu Jésus, ce méchant homme courut avec l’expression d’amitié dans sa face et baisa Jésus sur la joue disant :

“ ‘Salut, Maître, je suis content de t’avoir trouvé’

“ ‘Judas’ dit Jésus ‘est-ce par un baiser que tu trahis le Fils de l’homme ?’[11]

“Quand Judas entendit ceci, il se tourna vers la multitude, à la tâte de laquelle je reconnus certains des principaux sacrificateurs et des scribes les plus instruits du Temple, et cria fort :

“ ‘C’est Lui ! saisissez-Le et tenez-Le bien !’

“Sur ce, la foule, au nombre de deux cents personnes parmi lesquelles des gens les plus vils, se rus pour poser les mains sur Jésus ; la lune et les torches répandent ensemble presque la vive lumière du jour dans le jardin sur le groupe entier.

“En les voyant avancer si furieusement avec des lances, des gourdins et des épées, Pierre et Jacques se placèrent devant Jésus pour Le défendre pendant que moi, n’étant pas armé, je me mettais à travers sa poitrine pour protéger son cœur avec mon corps. Les hommes les plus intrépides dans la foule s’approchant trop, Pierre frappa l’un deux avec son épée, étant donné qu’il avait avancé sa main pour attraper Jésus par l’épaule, et arracha son oreille. [12]

En voyant ceci, la foule émit un cri féroce et se pressa sur nous quand Jésus leva la paume de sa main et dit calmement :

“ ‘Qui cherchez-vous ?’ [13]

“Instantanément, toute la foule recula, comme une masse qui s’éloigne en rebondissant sur la face d’un rocher inamovible, et chaque homme tomba contre terre, où ils restèrent étourdis pendant une minute. Nous, les douze, seuls restâmes debout, car Judas ne fut pas frappé. Ainsi, il se tint regardant avec étonnement et terreur les ennemis prostrés de Jésus. [14]

“ ‘Seigneur !’ cria Pierre, étonné ‘si tu peux ainsi repousser tes ennemis, tu n’as pas besoins de les craindre encore. Dois-je frapper Judas aussi ?’

“ ‘Non – range ton épée Pierre ! laisse – le rester pour mon pouvoir afin qu’il sache que ni lui, ni les siens n’ont un quelconque pouvoir sur moi, si ce n’est ce que je leur donne.’

“Pendant qu’Il parlait ainsi, les gens et les soldats se relevèrent et, au lieu de fuir, ils semblaient être furieux de leur déconfiture ; et les principaux sacrificateurs, criant que c’était par la sorcellerie qu’ils avaient été projeté par terre, se ruèrent en avant avec rage et posèrent leurs mains sur Jésus et sur nous tous ! Je luttai contre le nombre pour secourir Jésus, en vain ; subjugués, nous fûmes vaincus et chassés du jardin, abandonnant Jésus entre les mains de ses ennemis !”

Quand Jean fut ainsi allé loin dans sa narration, cher père, nos larmes et les siennes furent mêlées. Nous nous demandions comment Jésus, qui pouvait, comme Il l’avait montré, détruire ses ennemis par un mouvement de sa main, put accepter qu’ils fassent de Lui leur prisonnier ; car dans leurs mains, Il savait qu’il devait mourir ! Ceci nous étonne et nous désoriente. A un moment, nous sommes tentés de perdre notre confiance en Lui et de croire, comme beaucoup commencent à le dire maintenant, que nous avons suivi un imposteur, et au moment suivant, d’avoir pleinement confiance en Lui, qu’Il vaincra encore ses ennemis et nous sera rendu. Chaque pas que nous entendons à la porte fait bondir notre pouls car nous pensons qu’il peut être celui de notre bien-aimé Seigneur, qui a échappé aux mains de ses ravisseurs. Nous devons attendre l’issue avec espérance et foi ! Demain, peut être, révélera tout. Le mystère qui, de plus en plus, enveloppe ce grand Prophète est impénétrable. Les contradictions apparentes qui font son caractère prophétique nous désorientent. Mais nous essayons de nous consoler avec la parole de sa promesse :

“Vous ne connaissez pas maintenant, mais vous connaîtrez ultérieurement, et croirez réellement, que je suis venu de Dieu ! Ce qui, maintenant, vous semble mystérieux, sera rendu clair comme la lumière. Attendez et ayez foi et tout ce que vous ne comprenez pas maintenant sera connu. Que les épreuves et les avilissements au travers desquels vous me voyez passer ne fassent pas chanceler votre foi. Je suis venu dans ce monde pour conquérir ; mais il est d’abord convenable que je m’humilie ; mais si je m’abaisse, c’est pour élever le monde avecf moi quand je m’élèverai de nouveau.”

Ah, c’est humiliant, réellement, pour ce Prince des Prophètes de souffrir d’être emmené attaché par ses ennemis ! Mais nous espérons avec tremblement, cher père, nous rappelant avec confiance ses paroles !

J’ai omis de te mentionner ce que Jean a raconté encore de merveilleux concernant l’arrestation du Prophète. Quand les principaux sacrificateurs posèrent leur mains sur lui, il fut, dit-il “entendu dans l’air le son de myriades d’ailes battant et des notes semblables au signal de rassemblement d’une trompette, faisant écho et encore écho dans les cieux, comme si une armée sans nombre d’être invisibles s’était rangée, troupes par troupes, dans les airs ! A ces sons terribles et sublimes, tous levèrent leurs têtes mais ne purent rien voir ! Alors, Jésus dit avec un regard majestueux et de commandement, tel que je n’avais jamais vu auparavant sur sa face :

“ ‘Vous entendez, oh, hommes d’Israël, que je ne suis pas sans les amis célestes ! J’ai seulement à prier mon Père, qui est dans le ciel, et Il enverra  douze légions de ses anges, qui planent maintenant, armés de l’épée, dans l’air et soupirent pour me défendre contre mes ennemis, pour descendre à mon aide ! Mais je ne vais pas utiliser mes pouvoirs, pour moi-même ! Je suis venu sur terre pour souffrir. Comme un homme, je dois me soumettre à toutes choses qui viennent sur moi et ne pas utiliser plus de moyen en ma faveur qu’un homme peut commander. Pour ceci, je suis venu dans le monde. Conduisez ! je vais avec vous !’ ”

Ainsi, cher père, Jésus fut emmené par une multitude féroce et traîné dans la ville, suivi par des gens qui criaient et L’insultaient et qui, voyant qu’ils pouvaient si facilement Le tenir malgré ses pouvoirs miraculeux, se moquèrent davantage de Lui, minimisant les pouvoirs qui ne pouvaient être exercés pour empêcher la capture de sa personne. Certains même L’injuriaient en chemin et, avec moquerie, Lui demandaient de faire descendre ses douze légions d’anges ; pendant que d’autres, prétendant qu’ils avaient faim et soif, demandaient qu’Il changea l’eau en vin pour eux et qu’Il leur donna du pain par un autre miracle.

Jean, dont l’intérêt et l’affection pour Jésus le conduisirent à les suivre, entendit tout ceci ; mais Jésus ne répondait pas, avançant seulement calmement, endurant patiemment tout ce qu’ils disaient et faisaient.

Comme ils franchissaient l’entrée de la ville, la garde romaine, voyant l’immense foule et le tumulte, les stoppa pour connaître la cause de l’agitation.

“ ‘Nous avons ici un traître et conspirateur, o capitaine de garde’ répondit Eli, le principal sacrificateur ‘un type pernicieux, qui s’appelle lui-même Christ, un roi. Nous l’avons, par conséquent, avec ce groupe de soldats loués, capturé alors qu’il était réuni secrètement avec douze de ses camarades conspirateurs, complotant pour renverser le gouvernement de César et faire de lui roi de Judée.’

“ ‘Longue vie à César ! longue vie à l’empereur’ crièrent les soldats romains ‘nous n’avons d’autres roi que Auguste l’empereur !’

“Sur ce, plusieurs soldats crièrent ‘emmenez-Le devant le Procurateur !  Il lui donnera ses déserts, lui qui voudrait lui reprendre sa charge de Procurateur. A Pilate ! à Pilate !’

“ ‘A Anne’ crièrent les Juifs. ‘D’abord à Anne !’

“Alors, avec certains criant une chose, d’autres une autre, et avec un grand nombre de ceux qui étaient venus à la Pâque, se pressant pour voir le Prophète, Il fut emmené en vitesse vers la maison de Anne, qui est l’homme le plus populaire parmi notre peuple et dont l’influence sur celui-ci est illimitée. En arrivant, avec un grand bruit de voix et par la lueur des torches, à la demeure du beau-fils du Souverain Sacrificateur, ils l’appelèrent au toit de la maison, sur lequel il apparut dans sa tenue de nuit, car par ce temps, il était minuit passé.

“Quand Anne sut que le prisonnier était Jésus, il émit un terrible juron, expression de sa joie et de sa malicieuse satisfaction, et, s’habillant en hâte et descendant dans la cour, il leur dit d’amener le prisonnier. Mais la calme majesté de Jésus le décontenança et arrêta le cous de questions insultantes qu’il commença à Lui poser. A la fin, trouvant que le Prophète ne lui répondrait pas, il Le fit attacher plus fermement avec plus de cordes de peur que, comme Samson, Il ne rompe les liens et ne s’échappe en chemin ; et L’envoya à Caïphe, le Souverain Sacrificateur, en Lui disant :

“ ‘Caïphe trouvera la voix pour ta langue, o prophète ! Ainsi tu pourras détruire le Temple et t’appeler toi-même le Fils du Seigneur Jéhovah ! Dehors, blasphémateur ! Emmenez-Le ou la maison disparaîtra avec la présence de quelqu’un si impie. Emmenez l’homme ! par la couronne de David ! Pilate te fera roi en vérité et te donnera le trône romain auquel il clouera tes pieds et tes mains de sorte que tu ne puisses pas tomber de là !

“A ceci, la foule cruelle cria son approbation et plusieurs crièrent :

“ ‘Oui ! à la croix ! à la croix avec lui !’

“Mais d’autres dirent : ‘non, mais à Caïphe !’ Le capitaine des soldats décida qu’Il devait être emmené devant Pilate et guida le chemin jusque là, Jésus lié au milieu.

Avec un tumulte renouvelé, ils pressèrent en avant, leur chemin éclairé par la lueur rouge d’une centaine de torches, insultant les soldats romains avec des cris séditieux. Jean suivit mais, étant reconnu comme un des disciples par un soldat dans la légion d’Aemilius, il fut saisi et échappa  seulement en abandonnant son vêtement dans la poigne du rude Romain ; car la haine généralisée envers Jésus était telle qu’ils réclamaient, avec menace, ses suiveurs et les auraient capturés si cela avait été en leur pouvoir. Cinq des disciples, qui ont échappé à l’arrestation, sont maintenant dans cette maison vers où Jean s’est enfui aussi en éludant la poigne du soldat, laissant ses vêtements en lin dans sa main. Nous sommes tous tristes et anxieux ! Bouger en faveur de Jésus, c’est seulement partager son sort et ne Lui rendre aucun service ; en outre je suis peinée de dire que deux ou trois de ses disciples commencent à douter s’Il est le Messie depuis que, au lieu d’établir son royaume promis, Il est maintenant détenu prisonnier, et même menacé de mort.

Cependant, à travers tout, cher père, j’ai confiance en Lui et espère ! Oh, je ne peux pas mettrre en doute sa vérité et son pouvoir. Je L’ai vu ramener Lazare de la tombe et je ne croirai pas qu’Il ne puisse pas se sauver Lui-même. Et Il se sauvera Lui-même de leurs mains ! C’est seulement quand, réellement, je ne Le verrai plus – Le verrai réellement mort ! que ma foi dans sa divine mission vacillera. S’Il pourrait être tué, alors, hélas ! non seulement périra pour toujours mon espérance et celle de ses disciples qui tremblent et pleurent, mais l’espérance de la restauration et de la gloire de Juda ; car, en vérité, nous avons cru que c’est Lui qui devrait délivrer Israël ! Avec des yeux aveuglés par les larmes, je peux à peine signer moi-même,

Ta triste mais affectueuse fille,

Adina.

[1] Matthieu 26 :21,22 ;  Marc 14 :18,19

[2] Matthieu 26 :23 ;  Marc 14 :20

[3] Matthieu 26 :26

[4] Matthieu 26 :27-29

[5] Jean 13 :34,35

[6] Jean 13 :38

[7] Matthieu 26 :31

[8] Jean 14 :1,2

[9] Luc 22 :41-44

[10] Matthieu 26 :46

[11] Luc 22 :48

[12] Matthieu 26 :51   ;   Marc 14 :47   ;   Luc 22 :50

[13] Jean 18 :4

[14] Jean 18 :6